2011
La Faim
Mohammed El-Bisatie
Couverture: Jacques de Loustal
Edwige Lambert (Traducteur)
Paru le : 02/03/2011
Editeur : Actes Sud Littérature
Collection : Mondes arabes
ISBN : 978-2-7427-9666-3
ISBN-10: 2742796665
ISBN-13: 978-2742796663
EAN : 9782742796663
Nb. de pages : 124 pages
Dimensions : 11,5cm x 21,6cm x 1,1cm
Language French
prix indicatif : 17,00€
Le ventre vide mais le corps souple et l'esprit vif, Zaghloul passe son
temps à rendre service aux autres sans rien leur demander en échange.
Il lui arrive de croiser des étudiants dont les discussions le font
réfléchir, de provoquer un notable bigot par des questions inconvenantes, de
travailler aussi pour un riche obèse, et de calmer sa faim pendant quelques
semaines avant que la mort de son bienfaiteur le renvoie à sa condition
première. Sa femme, Sakina, n'a pas plus de chance auprès du veuf impotent
qui lui a procuré le travail dont elle rêvait mais qui meurt aussitôt.
Et il en est de même pour le fils, Zahir, dont l'ami Mitron est licencié
pour lui avoir permis, moyennant le nettoyage du four, d'emporter chez lui
des galettes de pain à moitié brûlées. En trois séquences courtes, libres de
tout pathos et teintées d'humour noir, Mohammed El-Bisatie restitue la vie
quotidienne, dans un village égyptien, d'une famille extrêmement pauvre qui
manque de tout : de pain, de savoir, de considération, mais qui n'abdique
jamais sa dignité humaine.
Unanimement salué à sa parution, ce roman a été nominé en 2009 pour le Prix
international du roman arabe.
Mohammed El-Bisatie est
né en Egypte à Gammaliyya près de Port-Saïd en 1937.
Mohammed El-Bisatie a publié depuis 1967 sept recueils de nouvelles et une
douzaine de romans qui l'ont placé au premier rang des écrivains arabes de
sa génération.
Actes Sud a déjà publié La Clameur du lac (1996), ouvrage pour lequel il a
obtenu l'un des plus grands prix littéraires égyptiens, Derrière les arbres
(2000), Les Bruits de la nuit (2003) et D'autres nuits (2006).
LITTÉRATURE / EGYPTE - Article publié le : jeudi 24 février 2011 - Dernière
modification le : jeudi 24 février 2011
Mohammed El-Bisatie : La faim et l'écriture transforment l’Egypte
Actes Sud
Par Tirthankar Chanda
Romancier, nouvelliste, Mohammed El-Bisatie est un des auteurs majeurs de la
littérature égyptienne contemporaine. Son nouveau roman, La Faim, raconte
une Egypte miséreuse et millénaire, oubliée des touristes et du
développement.
« Comme à son habitude quand le pain vient à manquer à la maison, Sakina se
lève à l’aube et s’assied sur la mastaba, son voile roulé dans son giron… »
Dès les premières lignes, le thème central de la faim s’impose dans le
nouveau roman de l’Egyptien Mohammed El-Bisatie. La faim, et ses effets
physiques et psychologiques sur les victimes. La Faim est aussi le titre de
ce roman bref, qui met en scène la vie quotidienne d’une famille extrêmement
pauvre, dans un village du fin fond de l’Egypte millénaire oubliée des
touristes et du développement.
Héritier du réalisme à la Mahfouz
Actes Sud
Sakina est mère de famille. Avec ses enfants, et son mari qui passe son
temps à se curer les dents avec un brin de paille, elle s’est couchée la
veille le ventre vide. La nouvelle journée qui commence ne s’annonce guère
plus prometteuse. Ses deux fils et son mari qui viennent la rejoindre sur la
banquette de brique adossée à leur masure, après une nuit de tourments, ont
le regard affamé et perdu. Elle se demande si le jour nouveau qui pointe à
l’horizon sera différent des autres, avant de se hâter pour aller mendier
quelques croûtes de pain auprès de ses voisines qui ne veulent plus rien lui
prêter.
Ecrivain engagé, issu des rangs de la génération des années 1960, El-Bisatie
s’est spécialisé dans la peinture des marginaux et des plus faibles de la
société égyptienne. Plusieurs de ses romans ont été traduits en français :
La Clameur du lac (1996), Derrière les arbres (2000), Les Bruits de la nuit
(2003) et D’autres nuits (2006). Héritiers du réalisme à la Mahfouz, ses
livres s’inspirent aussi des mouvements modernistes qui ont transformé
l’écriture romanesque égyptienne au cours des dernières décennies, rompant
avec le récit linéaire et la narration omnisciente.
Des situations extrêmes de violence
Né en 1937, El-Bisatie reste aussi profondément marqué par le monde
misérable des villages de son enfance dans la région de Port-Saïd. Lecteur
infatigable de Tchekhov, Gorki, Hemingway et Maupassant, il s’est fait
connaître en publiant dès 1967 des nouvelles et des romans brefs, qui
donnent à lire des situations extrêmes de violence, de pauvreté et de
combats pour la survie opposant les forts et les faibles, les riches et les
démunis. L’univers d’El-Bisatie n’est pas pour autant dépourvu de poésie et
de dignité, comme on le constate en lisant La Faim, roman tragique mais
libre de tout pathos – il était en lice en 2009 pour le Goncourt arabe.
L’action de ce récit d’une centaine de pages se déroule dans un village
égyptien sans âge, dominé par la tradition et la puissance de l’argent. Au
cœur du village, la maison du notable qui attire les pauvres hères comme
Zagloul et Sakina. Zagloul travaille rarement. Sa femme fait vivre la
famille d’expédients, de pain et d’eau fraîche. Quand le pain vient à
manquer, toute la famille va au lit le ventre vide, rongé par des crampes.
La faim et la misère poussent Sakina à frapper à la porte de la grande
maison dans l’espoir d’y trouver du travail. Malgré le mépris et
l’humiliation dont elle fait l’objet, elle finira par y trouver refuge et
repas pendant quelques semaines, avant d’en être chassée à la mort de son
propriétaire grabataire.
Une constante : les marginaux, les faibles, les vagabonds
El-Bisatie ne raconte pas vraiment une histoire. Son roman, réparti en trois
courtes séquences, privilégie des points de vue, des expériences de vie qui,
par effet d’accumulation, viennent gonfler le récit de l’intérieur. L’objet
est de restituer une atmosphère, quasi-féodale, faite de cruauté sociale, de
frustrations et de tensions.
09/03/2011
Spécial révoltes dans le monde arabe
La configuration mise en place est symbolique de la société égyptienne,
hiérarchisée, séparée entre les riches et les pauvres par « une ligne aussi
invisible qu’infranchissable ». Une ligne que les pauvres ne franchissent
qu’à leurs risques et périls. Une constante d’un roman à l’autre : les
marginaux, les faibles, les vagabonds qu’el-Bisatie met en scène ne se
départissent jamais de leur sens de dignité. Ils souffrent mais n’acceptent
jamais ni la pitié ni l’humiliation. C’est une humanité en attente.
Peut-être d’une révolution !
La Faim, par Mohammed El-Bisatie. Traduit de l’arabe par Edwige Lambert.
Actes Sud, 128 pages.
http://www.rfi.fr/afrique/20110224-mohammed-el-bisatie-ecriture-faim-transforme-egypte
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