2002 Beaux Arts Magazine n° 220
septembre 2002

LOUSTAL
VOYAGE EN DOUCE
Par Vincent Bernière
Jacques de Loustal alterne la bande dessinée, les couvertures de roman,
la peinture à l'huile et dessine à plaisir dans ses carnets de voyage.
Dans son dernier album, ce dandy doué adapte de drôles de nouvelles
douces amères signées Jean-Luc Coatalem et nous embarque en mer de
Chine.
Elégant
raffiné, subtil. Les qualificatifs précieux ne manquent pas pour décrire
le travail de Jacques de Loustal en bande dessinée. L'homme n’y déroge
pas. De tous les vernissages quand il est â l' Paris, Loustal évoque
volontiers David Hockney, William Klein ou Georges Simenon, vêtu de
costumes en velours et chaussé de souliers pointus, le regard dans le
vide et k verre de scotch à la main. Mais la plupart du temps, Loustal
est en voyage dans les pays chauds, C'était la trame de ses premiers
livres: New York Miami, Zenata-plage et aussi: Une Vespa, des lunettes
noires, une Palm--Beach elles voudraient en plus que j'ai de la
conversation, un titre qui évoque à lui seul tout l'esprit d'une époque.
Celle de la presse rock des années 1980 et de Rock and Folk, le
magazine ou Loustal rencontre Philippe Paringaux, un autre dandy
eighties aujourd'hui rangé des voitures. Paringaux est une plume, comme
on dit. II écrira les textes de quelques-uns des plus beaux albums de
Loustal : Barney et la note bleue, Un garçon romantique, Coeur de sable.
À contre-courant de la bande dessinée, les deux hommes prennent alors I
'habitude de ne pas utiliser la bulle pour figurer les dialogues enter
les personnages. Le phylactère est jugé peu esthétique et trop marqué.
Ils se servent alors de récitatifs à l'écriture ciselée, qui viennent se
placer au bas de vignettes aux couleurs fauves. Loustal développe son
style, avec une exigence littéraire et le souci de l'ambiance. À
l'époque, il fait un peu figure d'extra-terrestre au milieu des autres
auteurs de BD classique. Jacques de Loustal s'assoit nonchalamment dans
les canapés de son vaste atelier pour évoquer son dernier album, une
adaptation de nouvelles douces et amères écrites par un autre voyageur
en dilettante: Jean-Luc Coatalern. Le loft borde le canal Saint Martin.
à Paris, le long du quai de Seine et les murs sont recouverts par les
oeuvres des amis: Avril, Petit-Roulet, Dupuy et Berbérian, Jan-Claude
Denis. Loustal feuillette une bande dessinée bas de gamme et récite le
contenu d'un phylactère : « Hey Winch, quand vas-tu acheter cette prison
de merde pour en faire un cinq étoiles?»

Et commente: « Heureusement que je ne travaille pas sur ce genre de
texte, je ne saurais pas quoi faire... Pour moi, l'écriture est très
importante, au moins autant que I 'image. Dans un livre, il me suffit
parfois d'une seule phrase pour commencer à cogiter, envisager un ton
graphique, imaginer des ambiances. Le signe d'une bonne histoire, c'est
le plaisir que j'y prends. Et pour ça, j'aime bien le format de la
nouvelle. C'est un peu comme une chanson qui se déguste. Alors que dans
la plupart des bandes dessinées, lorsqu'on mer le scénario à plat, ça
donne tout juste un petit paragraphe sans style. »
Seulement la BD , avec sa multitude de cases, de planches et de pages,
ça phatique. Pas le genre de Loustal, qui préfère alterner les
illustrations pour le New Yorker les couvertures de romans, les récits
au long cours pour Casterman et la peinture à l'huile. Loustal, c'est
aussi les carnets de voyage, bien avant ceux de Titouan Lamazon. En
1990. il collabore avec Etienne Robial à l'époque graphiste et éditeur
de Futuropolis, responsable des maquettes de Métal Hurlant (À Suivre),
de l'habillage des Enfants du rock puis de Canal +, et dont on ne dira
jamais assez l'importance dans l'histoire de la bande dessinée moderne.
Robial pousse Loustal à publier ses carnets de voyages, aujourd'hui,
édités au Seuil. Plusieurs petit livres dessinés autour du monde avec
une philosophie toute particulière: «Le dessin de voyage est un dessin
de plaisir. Je suis bien dans un endroit alors, pour prolonger ce
moment, je prends un papier que j'aime bien, avec une plume qui fait un
joli bruit sur le papier, et je dessine ce que j'ai devant moi, » pour
partager de tels moments, prenez un livre de Loustal, asseyez-vous,
ouvrez,-le: ça y est, vous étés ailleurs
Jolie mer de Chine par Jacques de Loustal et Jean-Luc Coatalem, ed.
Casterman, 2002 48 p., 9,45 €
Loustal: voyage en douce [Loustal: sweet voyage]
Berniere, Vincent
Beaux Arts Magazine (France), no. 220, Sept. 2002, pp. 36-7, (4 colour)
ISSN 0757-2271
Artist
Loustal, Jacques de Illustration: 20th century Comic Strips Robial,
Etienne
Discusses the work of the graphic artist Jacques de Loustal and focuses
on his recent collaboration with the writer Jean-Luc Coatalem on the
book Jolie Mer de Chine (Editions Casterman, 2002). The author contrasts
de Loustal's attendance of exhibition openings when visiting Paris with
his usual travels in warmer climes, notes that he began collaborating
with Philippe Paringaux in the 1980s when both worked at the magazine
Rock and Folk, and considers the style of their comic books. He reports
de Loustal's insistence that a comic's text is as important as its
illustrations, outlines the variety of genres in which the artist works,
highlights his collaboration with the comic artist Etienne Robial in
1990, and concludes by noting Robial's encouragement of him to publish
his illustrated travel journals.
Language French
Publication Year 2002
Publication Type Journal article
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illustration Loustal
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