Interview
réalisée à Paris le 23 avril 1986
14 h 30. Nous nous
tassons dans l'ascenseur. Odeur d'encaustique et grincements divers
jusqu'au sixième. Dernières hésitations sur le palier, nous tendons
l'oreille et sonnons au hasard. Des secondes ou des siècles passent sans
se formaliser puis la porte s'ouvre. Tout de noir vêtu, Loustal nous
accueille avec un soutire engageant. Présentations rapides, nous entrons.
Couloir clair. Aux murs de vieilles photographies (?) d'Afrique du Nord et
d'autres choses encore... Tout de suite à gauche, la pièce qui fait
office d'atelier dévoile sans pudeur un joli désordre entretenu. De
mémoire pour l'ambiance : un plan de travail près de la
fenêtre, des étagères chargées, des revues anciennes, des carnets de
croquis, un appareil photo, de nombreuses illustrations encadrées ou non,
des affiches publicitaires récentes, un petit ventilateur qui ronronne
comme un avion, les esquisses d'un portfolio en préparation, un verre
vide sur une table lumineuse, des cartons à dessins torturés, du
courrier en attente, une sérigraphie de Burns et une belle planche
originale de Serge Clerc, des modèles réduits de carlingues américaines
comme dans une chambre de gosse...
15 h 15. Loustal
propose du café, nous nous installons dans le salon contigu et j'attrappe
la première cassette..
Th. Decombas
A quel moment avez-vous
décidé de devenir dessinateur ?
Je dessine depuis que j'ai une
dizaine d'années, j'ai toujours aimé ça de même que faire des photos.
En fait, l'idée de devenir dessinateur professionnel ne m'est venue
qu'assez tard. Je me suis d'abord orienté vers l'architecture, j'ai
commencé à pratiquer la bande dessinée tout en suivant mes cours et je
me suis rendu compte petit à petit qu'il était éventuellement
envisageable d'en vivre...
Vous avez collaboré pendant
quelque temps au fanzine Cyclone qui était édité par la coopérative du
lycée de Sèvres...
Le lycée de Sèvres était un
établissement spécialisé dans les formations relatives aux arts
plastiques. Je suis entré en contact avec eux par hasard. Ça devait
être dans les années 75. Je poursuivais mes études d'architecture et je
faisais un peu de dessin en plus, du nu et de la gravure dans les cours du
soir de la ville de Paris. J'étais un peu isolé dans mon coin mais j'ai
eu l'opportunité de rencontrer des gens qui m'ont encouragé à essayé
de me faire publier. Il me semblait normal de débuter dans un fanzine et
à l'époque dans les librairies spécialisées on trouvait Cyclone qui
me paraissait pas mal. Je les ai appelés et je suis allé les voir comme
s'il s'agissait d'une revue professionnelle. Tout se passait au lycée de
Sèvres. Je suis arrivé avec mon gros carton et nous nous sommes
rencontrés dans une salle de cours. Ils ont bien aimé mes dessins et en
ont choisis quelques-uns pour les publier. J'avais environ 19 ans. Il y
avait destas de projets dans l'air pour faire un journal qui ne soit plus
un fanzine. Plus tard, ils m'ont demandé des bandes dessinées ce que je
ne pensais vraiment pas faire. La première que j'ai livrée était une
adaptation d'une chanson de Lou Reed qui s'
appelait « The gift ». Il y avait
quelques images qui me plaisaient bien. Il a ensuite été question de
faire un petit album avec Tito, un petit album hors série parallèlement
à Cyclone. A cette occasion, j'ai été amené à réaliser
plusieurs histoires courtes inédites. Il y a longtemps que je n'ai pas
revu tout ça, c'était assez curieux.
Avez-vous gardé des contacts avec les gens que vous avez
connus à cette époque ?
Je croise Tito de temps en tems parce
qu'il a continué. Je vois souvent Vuillemin qui avait fait je crois la
même chose que moi. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois
à Cyclone et nous avons suivi des voies assez semblables en nous
tournant tout de suite vers des revues qui nous garantissaient une
certaine liberté de création. D'autre part, il s'est passé quelque
chose qui nous a un peu rapprochés avec Vuillemin. Un éditeur véreux
qui a complètement disparu depuis avait pressenti qu'il était facile
d'exploiter cette petite équipe des dessinateurs de Cyclone. Nous
recherchions de l'argent et des producteurs pour faire des trucs plus
importants, lancer une revue avec une couverture couleur par exemple. Cet
individu nous a donc proposé de nous faire travailler et nous avons
préparé comme ça une bande dessinée pour lui sur Buenos Aires et le
Mundial, c'était en 78. Plusieurs collaborateurs réguliers de Cyclone
ont fait ainsi quelques pages dans cet album qui s'appelait Les
Coqs à Buenos Aires. Il était très nul et n'a pas marché mais
nous avons été payés. Récemment, je suis retombé dessus d'une
manière curieuse : c'était à Essaouira au Maroc, j'avais, décidé
d'acheter des pistaches et le vendeur fabriquait ses cornets en papier à
partir des pages de ce bouquin qu'il déchirait une à une... Notre type
voyait grand et il avait d'autres idées derrière la tête. Il voulait
aussi sortit une collection de petits livres de cul au format des «
fumetti » et il nous promettait des sommes qui à l'époque
m'intéressaient bien. Il fallait travailler assez vite, produire 96
planches de BD en quinze jours avec deux images par page. Nous avons
foncé là-dessus avec Vuillemin et nous avons fait chacun un album que
nous sommes allés livrer et dont il ne reste rien. Je n'ai pas fait de
photocopies et le truc a complètement disparu. L'éditeur s'est
volatilisé et je ne sais absolument pas ce qu'est devenu ce boulot, je
n'ai rien réussi à récupérer...
Vous n'avez pas été
payés.?
On a touché 1 000 balles chacun mais
C'était assez marrant de faire ça dans des délais aussi courts.
Parallèlement à tout
ça vous poursuiviez vos études d'architecture ?
Oui, oui et je travaillais aussi pour
Antirouille. Leurs maquettistes piquaient des petites
choses dans les fanzines et les plaçaient en cul de lampe pour animer
leurs articles. Un jour j'ai aperçu un dèmes dessins, j'étais
évidemment très content. Je suis allé les voir, ils aimaient bien ce
que je faisais et j'ai commencé à travailler pour eux en Même temps
qu'à Cyclone .
J'avais aussi un ami pigiste à Rock
& Folk et je suis allé avec lui présenter mes dessins à la
rédaction et tout s'est enchaîné comme ça, c'était indépendant de Cyclone
et Antirouille, j'aimais bien ce journal dont Paringaux
était le rédacteur en chef et j'avais déjà remarqué les petits textes
qu'il écrivait : les Bricoles. J'avais vu aussi les dessins de
Serge Clerc que je trouvais bien. Comme je ne produisais pas trop de BD,
je cherchais un peu tous les canards susceptibles de passer mes petites
illustrations.
Parlez-nous de ces premières
parutions dans Rock & Folk ?
Il y a d'abord eu des petits dessins
qui accompagnaient le courrier des lecteurs. Ils en gardaient plusieurs
qui n'étaient pas spécialement liés à l'actualité musicale et les
utilisaient suivant leurs besoins. Peu à peu je me suis dit qu'il
faudrait quand même que je propose une bande dessinée. C'était bien
sûr plus intéressant que des illustrations qui passaient une fois tous
les deux mois sur un quart de page. Mon premier essai s'appelait Crazy
TIM et racontait une histoire autour d'une rock star. Il a été
publié en couleur sur quatre pages. J'ai ensuite voulu continuer et j'ai
apporté Jus d'abricot, 6,35 et klaxon bloqué, une histoire qui
a été reprise dans New York/Miami et que j'aime bien. Le dessin
plaisait mais pas le texte. J'ai alors proposé à Paringaux qui avait
arrêté d'écrire ses Bricoles de continuer un peu ce qu'il
faisait mais sous forme de scénarios d'où le début de notre
collaboration.
Un des
scénarios Cruisin' in a Buick ressemble
étrangement à une nouvelle de Boris Vian Les chiens, le désir et la
mort...
En effet, j'adorais cette nouvelle,
je la relisais régulièrement et j'avais très envie de la transposer
dans le milieu Côte d'Azur avec un petit air de twist. J'avais préparé
une première adaptation que Paringaux a remanié, il en a fait quelque
chose que j'aimais beaucoup. C'est vrai que nous n'avons jamais clairement
précisé la source de notre inspiration (rires)...
L'autre jour j'ai reçu le dernier Strapazin
qui est un fanzine allemand et il y a un jeune dessinateur qui a
adapté encore une fois Cette histoire. Mais là, ça s'appelle carrément
Les chiens, le désir et la mort, c'est en noir et blanc
et ça se passe comme chez Boris Vian avec un chauffeur de taxi. C'est
assez beau d'ailleurs...
A quelle date vos premiers
dessins sont-ils parus dans Rock & Folk ?
En 77.
Connaissiez-vous Serge Clerc
?
Je le rencontrais de temps en temps.
A l'époque il travaillait beaucoup plus que moi, il faisait ses trucs
dans Métal. On allait parfois voir des concerts ensemble. Après mes
premières publications dans Rock & Folk, il y a eu une
transition évidente et naturelle vers Méta Hurlant. Des gens
comme Philippe Manoeuvre se partageaient déjà entre les deux revues et
Métal Hurlant était le journal de bandes dessinées qui
correspondait le plus à l'esprit de Rock
& Folk.
Les premiers travaux pour
Métal...
Je me rappelle qu'à l'époque je ne
savais jamais si mes histoires allaient passer dans Rock & Folk ou
Métal Hurlant. Sauf pour les numéros spéciaux où l'on me
demandait de bosser sur un thème déterminé. Je me doutais de toute
façon que les BD qui étaient publiées dans Rock & Folk seraient
reprises en albums aux Humanos. A un moment il y a eu un projet pour
sortir sous le titre BD Rock une compilation de l'ensemble des
planches parues dans Rock & Folk. Beaucoup de choses dont
Paringaux avait écrit le scénario en fait, mes propres bandes, celles de
Lionel, de Serge Clerc, de Duftoy, de Solé, de Macédo. Le truc a
traîné un peu et finalement je n'étais plus tellement intéressé parce
que je commençais à avoir quelques histoires et tout ça me
court-circuitait un premier bouquin personnel. Je publiais en fait de
manière très épisodique, je continuais mes études d'archi et je ne
dessinais pas vraiment à plein temps.
Où en étiez-vous de vos études ?
J'ai commencé en 73 et j'ai terminé en 81 J'étais donc en quatrième
année.Avaient-elles plus
d'importance que la bande dessinée ?
Cela me prenait encore pas mal de
temps. Ce n'est que sur la fin que je me suis accordé trois années
supplémentaires pour terminer parce que j'avais décidé de me consacrer
beaucoup plus au dessin.
Je ferais peut-être
maintenant des histoires sur les polynésiens
Vous n'avez donc jamais
abandonné malgré le succès qui pointait son nez ?Non car je voulais terminer à vrai
dire. C'était idiot d'avoir fait cinq ans et d'arrêter d'autant que les
études d'architecture ne sont pas inintéressantes. En plus je devais
encore m'acquitter de mes obligations militaires, j'espérais bien
bénéficier d'un sursis et partir en coopération plutôt qu'en caserne.
C'était l'un ou l'autre mais de toute façon je
devais avoir décroché mon diplôme à une certaine date pour que ma
candidature à un poste de coopérant soit prise en compte. J'ai donc fait
un effort sur la fin pour pouvoir partir dans de bonnes conditions. J'ai
eu de là chance, on m'a envoyé au Maroc. Remarquez, j'aurais tout aussi
bien pu me retrouver à Tahiti et je ferais peut-être maintenant des
histoires sur les polynésiens (rires).
Un mythe entretenu par vos éditeurs
s'est peu à peu construit autour de votre séjour au Maroc. Racontez
ce que vous faisiez là-bas... J'étais affecté au service technique
d'une préfecture et j'ai eu le bonheur de me retrouver dans une petite
ville qui correspondait exactement aux dessins que je faisais, une petite
ville balnéaire construite par les français dans les années 20 avec des
petites maisons basses, des bungalows sur la plage et une jolie promenade
bordée de lampadaires. Je vivais ainsi au quotidien dans un décor que
j'avais souvent dessiné sans vraiment le connaître.
Inédit : La mort de Zappata. Cette
illustration était prévue pour le n 0 d'une revue publiée chez Bayard,
Un des rares essais de Loustal en western.
J'avais très peu de travail et j'ai
beaucoup voyagé.
J'avais une voiture et pas mal d'amis
là-bas Je jouais beaucoup au tennis, c'était agréable. Et puis le Maroc
est un pays splendide avec une lumière étonnante ; c'est assez
impressionnant et ce n'est pas pour rien si tant de peintres y ont fait
des séjours, Delacroix Matisse, etc... J'y retourne prochainement pour
les éditions autrement, je suis très content.
Zénats-Plage existe vraiment
?
Oui, c'est un endroit marrant qui se
trouve sur la côte atlantique entre Casablanca et Mohammedia. Quand on
quitte la route et que l'on va vers les dunes, il y a des tas de cabanons
que les casablancois utilisent l'été pour trouver un peu de fraîcheur. ZénataPlage
est un bouquin qui me tient particulièrement à coeur. Il a été fait en
un an alors que j'aurais pu l'expédier en deux semaines. Mais chaque
dessin a un vécu, un poids. Certains ont été faits pour tromper
l'ennui, aucun d'entre eux n'est gratuit et rien n'est complètement
inventé. Je les faisais sans jamais gommer. Un premier jet à l'encre,
ça marche ou ça ne marche pas. Je me rappelle qu'à l'époque j'ai
failli faire une expo-vente de toutes ces aquarelles dans un grand hôtel
de Casa. Heureusement que ce projet n'a pas abouti, le bouquin n'aurait
peut-être jamais vu le jour...
Lorsque j'ai pu prendre un peu de
recul par rapport à tout ça, je me suis rendu compte qu'il y avait 25
dessins assez homogènes, suffisamment anecdotiques et j'ai écris un
petit texte pour servir de fil conducteur. A ce moment c'était Marc
Voline qui s'occupait de Métal. A l'occasion d'un voyage à
Paris, je lui les ai montrés et certains furent pré publiés sur quatre
pages dans la revue. Il y a eu ensuite le projet d'album chez Magic-Strip
puis une expo à La Hune. C'était bien. Il y a des gens qui ont beaucoup
aimé ce livre, je reçois des lettres de lecteurs qui ont été touchés
parce qu'ils ont connu certains lieux dont je me suis inspiré et ça me
fait très plaisir.
Vous commenciez à ce moment
à aborder la BD en professionnel...
Ouais, je me rappelle que j'ai reçu
Cliché d'amour au Maroc. J'avais donc déjà deux bouquins assez
importants mais je ne savais pas du tout si en rentrant j'allais faire de
l'architecture à mi-temps ou continuer à dessiner. Je me suis rendu
compte qu'il était difficile de mener les deux activités de front, que
je risquais de me planter sur les deux tableaux et j'ai finalement
décidé de me consacrer entièrement au dessin.
Avez-vous complètement
abandonné l'idée d'être architecte ?
A vrai dire, la seule fois où j'ai
pratiqué un peu l'architecture, c'était au Maroc, dans le service
technique d'une administration et cela ne m'a pas tellement emballé. De
plus, on est beaucoup moins maître de ses choix dans l'exercice quotidien
de l'architecture que dans la BD, et, d'un point de vue créatif, ce q'est
pas très grisant en ce moment. Ça fait cinq ans que je ne regarde plus
ce qui sort , que je ne lis plus de revues spécialisées, et il y a
maintenant pour moi un problème évident de recyclage... Je ne pense donc
pas y revenir, mais si un jour je me fais construire une maison, il
est probable que je travaillerai dessus (rires).
Cette formation vous a-t-elle
influencé ?
Je crois qu'on peut la percevoir dans
mon dessin qui est quand même très lisible, assez net, assez construit.
Mes traits se rejoignent toujours et le regard que je porte sur
l'environnement de mes personnages est assez marqué. J'ai toujours eu le
goût des décors, j'aime observer ce qu'il y a autour de moi et j'espère
que cela se retrouve dans mon travail, surtout lorsque je dessine de
grandes images.
Je n'invente pratiquement
aucune architecture
Travaillez-vous d'après
photos, sur des documents ?
Pour intégrer des architectures, je
travaille en général d'après des photos que je prends moi même.
Quelques fois, lorsque ce n'est pas possible, j'utilise de vieux livres,
de vieilles revues, dans lesquels je pioche des trucs intéressants. Je
redessine ensuite les images, je remets les décors en perspective. Je
n'invente pratiquement aucune architecture et je ne cherche jamais à
montrer un bâtiment particulier, mais plutôt à composer une image à
partir de ce dernier. En fait, ce sont les lieux qui m'intéressent et je
m'aperçois d'ailleurs que la plupart des bouquins que j'ai fait seul
portent des titres qui font allusion à ça. Mon goût personnel m'y porte
souvent.
Parlez-nous du Restaurant du
Parc, que l'on trouve page 38 dans Coeur de sable, mais aussi en toile de
fond d'un poster édité par Carton...
C'est une belle construction qui
existe vraiment et qui se trouve à Mohammedia. Je passais devant tous les
jours en allant au tennis.
Actuellement les palmiers ont grandi
et il n'est pas possible d'avoir une vision d'ensemble comme celle que
j'ai dessinée. Je me suis servi en fait d'une vieille carte postale que
j'ai trouvée chez un bouquiniste à Casablanca. Ce restaurant est
magnifique et la première version réalisée dans Coeur de sable ne
me satisfaisait pas complètement. Je l'ai donc retravaillé à l'occasion
du projet d'affiche pour Carton.
Un critique a écrit que vous
êtes un plasticien plus qu'un véritable dessinateur de BD et que vous
avez tout de suite compris qu'un beau dessin ne peut se passer d'une
histoire solide. Raison pour laquelle vous vous seriez adressé à
Paringaux ...
Que pensez-vous de cette
analyse
Je ne dirai pas que je suis plus
plasticien que dessinateur, mais c'est vrai que je suis plus « montreur
d'images » que « raconteur d'histoires ». Ce qui me plaît dans la
bande dessinée, c'est de mettre en scène une histoire. Inventer une
trame ne m'intéresse pas particulièrement et je me connais assez pour
savoir qu'à partir du moment où je choisis de faire de la BD, j'ai
absolument besoin de scénaristes. En plus, j'aime bien rencontrer des
gens qui sont des professionnels de l'écriture, qui font autre chose que
de la bande dessinée, qui ont leur univers à çux que je peux confronter
au mien. Si un jour je me lance seul sur un. long récit, je me réserve
d'ailleurs la possibilité d'adapter un roman que j'ai bien aimé. Dans
Arrière saison, les seules pages que j'ai rites moi-même sont
liées à des images que je portais en moi ou à des photos, des croquis
que j'avais amassés depuis longtemps. Elles sont souvent limitées à un
lieu et les textes permettent simplement de passer d'une case à l'autre
en soulignant parfois ici ou là, le côté anecdotique...
Parlez-nous de Paringaux...
Vous ne faites pas parti de la même génération mais on sent pourtant
une harmonie parfaite entre ses textes et vos dessins...
Effectivement je crois que ce fut une
très bonne rencontre. Nous avons beaucoup d'affinités et de références
communes. Une sensibilité assez proche aussi, mais c'est vrai que nous ne
sommes pas très intimes. J'ai toujours beaucoup de plaisir à le voir, à
travailler avec lui, et ce n'est pas gênant d'avoir une certaine distance
comme ça. Ce qui m'intéressait au départ chez Philippe, c'était son
écriture et les histoires qu'il racontait.
Vos premières histoires se
passaient aux U.S.A.
C'était un univers auquel nous
étions sensibles tous les deux. Le début de notre collaboration s'est
fait dans le cadre de Rock & Folk, nous étions donc
naturellement portés par la musique anglo-saxonne, par toutes les
références au cinéma et à la littérature américaine. Cela m'amusait
de mettre en scène les Etats-Unis, d'autant plus qu'à l'époque j'y
étais déjà allé trois fois. Lorsque je me suis retrouvé au milieu des
villes géantes, des parkings déserts et des autoroutes, ce fut le choc.
C'était le décor de tout ce dont je m'étais nourri pendant bien des
années. J'ai pris énormément de photos. Une BD comme New York/
Miami, c'est une sorte de carnet de voyage. En rentrant j'avais dessiné
quelques pages à partir de trucs que j'avais vu là-bas et Paringaux en a
fait une petite nouvelle policière.
Comment organisez-vous ces
voyages ?
Je m'embarquais comme ça. En
général j'avais une adresse et je partais avec des amis. J'y suis allé
deux fois avec Max Fournier. Il s'envolait le premier et nous nous
retrouvions à New York avant de prendre un bus pour la Floride. On
arrivait dans des villes qu'on ne connaissait pas, on prenait une chambre
et on- se promenait. Nous étions en situation de découverte permanente,
nous rencontrions des gens et c'était formidable.
Ces équipées
s'appuyaient-elles sur un fond culturel ?
Elles étaient uniquement dictées
par l'envie de connaître tel ou tel pays. Je ne suis jamais allé en Asie
par exemple, parce que cela ne me dit pas grand chose pour l'instant. A
l'époque, c'était surtout les U.S.A. qui m'intéressaient, New York.
Nous avons eu l'occasion de descendre en Floride qui me plaisait bien avec
son petit côté tropique.
Vous étiez très côte Est ?
Ça, c'est un peu une question
d'opportunités. Lors de mon troisième séjour, je suis allé en
Californie, mais les conditions n'étaient pas les mêmes...
Et puis il y avait tout un état
d'esprit auquel je n'adhérais pas tellement en fait. A l'inverse, je suis
resté plusieurs semaines en Floride, ce qui permet quand même de sentir
l'atmosphère d'un endroit. J'aime bien ce mélange de population, les
espagnols et puis cette chaleur, cette humidité que l'on ne trouve pas en
Californie.
J'apprécie bien une certaine
facilite et le luxe mais aussi des trucs très sordides.
Vous semblez avoir une
attirance particulière pour la vie facile, le luxe et l'ennui...
Oui, je me rends compte que ce sont
des trucs qui apparaissent souvent dans mes histoires. Cet univers se
retrouve d'ailleurs parfois chez les auteurs que je lis... Vie facile ? Je
ne sais pas. C'est assez difficile d'en parler, ce sont mes composantes. C
est vrai que j'apprécie bien une certaine facilité et le luxe, mais
j'aime bien aussi des trucs très très sordides. C'est un mélange lié
à ma personnalité, je suis comme ça. Mais je crois que ce sont des
pôles opposés qui peuvent amener quelqu'un à dessiner, à écrire, à
créer quelque chose. Cette idée, je la retrouve dans mes goûts pour des
dessinateurs, des peintres ou des films qui n'ont rien à voir entre eux
mais qui m'impressionnent tout autant les uns que les autres...
Dans vos histoires courtes,
vous semblez éprouver un malin plaisir à mettre en scène des femmes
souvent difformes...
Celles dont vous parlez viennent dans
des histoires de vieilles actrices, de gigolos. Pour les autres, j'ai eu
longtemps un problème que je suis en train de résoudre. Dans la bande
dessinée, il y a un code très large pour dessiner les hommes. On peut
leur faire des gros nez, il reste toujours des têtes intéressantes.
Inversement pour les visages de femmes, tout est plus limité. De face,
par exemple, on ne peut pas dessiner l'arête du nez ou des petits points
pour les yeux... La marge de manoeuvre est assez étroite d'autant plus
que j'ai. souvent tendance à déformer mes personnages. Dans mon
portfolio publié par L'Atelier, il y a six nus de femmes qui
sont tout à fait belles. Enfin, à mon avis...
Nous
demandons a nos lecteurs d'être attentifs aux images
Nous voudrions revenir sur la
manière toute particulière que vous avez de raconter une histoire avec
Paringaux. De grandes cases avec un texte dessous, pas de bulles qui
pertubent le dessin.
Au départ, Paringaux n'était pas un
scénariste de BD. Pour ma part, je me sentais plus illustrateur que
dessinateur de bandes dessinées et je ne voyais pas tellement la
nécessité d'intégrer des bulles à mes images. En plus, il y a tout un
plaisir du style et de la phrase qui peut apparaître dans le texte off et
que l'on ne retrouve pas forcément dans une bande dessinée plus
traditionnelle.
C'est très riche tout ce que l'on
peut faire sur le décalage texte/image, entre ce qui est montré, ce qui
est dit et ce qui doit être décrypté. Le problème, c'est que les
informations données par le dessin doivent être lues de la même
manière que celles données par les mots et cet exercice reste encore
difficile pour pas mal de gens qui n'arrivent pas à décoder les images.
Je crois que cela vient d'une certaine tradition de la BD, où l'on
retrouve souvent une redondance à la Blake et Mortimer. J'aime
beaucoup cette série, mais c'est vrai que dans ce cas qui n'est pas si
particulier, le regard n'a pas besoin de s'arrêter sur une image. Si le
type court dans le couloir, on peut lire au dessus de la case Blake
court dans le couloir. Nous, nous demandons à nos lecteurs d'être
attentifs aux images...
Votre travail laisse place à
l'imagination. On peut parfois s'évader et inventer nos propres histoires
en percevant tel ou tel détail, telle ou telle ambiance...
Quand je lis des textes, il me vient
toujours des tas d'images en tête et l'intérêt pour moi lorsque je dois
en illustrer un, c'est de choisir celles que je vais montrer. Lorsque je
travaille sur mon propre texte, l'image est généralement un complément
d'informations ou alors un jeu tout à fait volontaire sur la redondance.
Quand on m'apporte une histoire à
raconter, je regarde toutes les atmosphères et les ambiances qui peuvent
en découler, le style et le cadre général beaucoup plus que le fond de
toute façon. C'est là-dessus que je me décide, que j'accepte ou que je
refuse.
Vous ne souhaiteriez pas
tenter l'expérience d'une BD plus traditionnelle ?
Si justement ! Depuis que je fais de
la BD, j'ai un peu l'impression d'être à l'écart du courant général
et j'ai envie maintenant de toucher à quelque chose de plus codifié,
avec des ballons, des traits pour la vitesse et tout le langage propre à
la BD classique. Je pense que cela pourrait m'amuser de me trouver
confronté à tous les nouveaux problèmes graphiques qui vont se poser.
Théoriquement, je dois commencer une
série à la fin de l'année avec pour scénariste Jean Luc Fromental.
Quelque chose avec des bulles et un texte aussi. Je ne sais pas du tout
comment cela va se passer. Au début, il y aura cinq histoires complètes
avec toujours le même personnage. Un personnage très souple qui voyagera
dans le siècle et sur le globe. On pourra le retrouver en Italie, dans
les années 30, puis à Shangaï, dans les années 50. Ce héros
s'appellera Morel Cox (rires). Cette bande paraîtra dans l'Écho des
Savanes puis en album chez Albin Michel. J'ai le premier épisode,
une histoire de dix pages, et je vais me consacrer à ce projet avant de
reprendre un roman avec Paringaux.
Comment s'organise votre
collaboration avec lui ? Quelle forme ont ses scénarios ?
On va parler de nos deux derniers
grands récits, c'est assez différent à chaque fois en fait. Pour Coeur de
sable, je rentrais du Maroc, j'avais très envie de continuer à
dessiner ce pays et j'ai proposé à Paringaux de faire une histoire qui
se passe là-bas. L'époque m'importait peu, et il s'est fixé sur les
années 30 à travers tout ce qu'il aime bien dans le cinéma
hollywoodien. Ça m'intéressait aussi, parce qu'il y a tout un design, un
style années 30 que j'aime bien. Il a commencé à me raconter une
histoire que nous avons enrichie ensemble puis il a écrit un synopsis
assez précis avec la description de l'action page par page. Je me suis
ensuite occupé du découpage complet de l'album en dessinant des petites
planches miniatures, en montrant l'enchaînement des images et les
différents cadrages. Sur cette base, Paringaux m'a fourni son texte
définitif que j'ai tronçonné avant de faire le dessin final. Le schéma
initial a parfois un peu changé...
Pour Barney et la note bleue, les
choses se sont passées un peu différemment. C'est Philippe qui avait
envie de raconter une histoire sur le monde du jazz dans les années
50-60. Pour moi, le jazz c'était surtout la musique des films policiers
de ces années-là, et j' avais donc en tête toute une imagerie qui
collait bien à ce projet. Je suis né en 56 et je n'ai pas de souvenir de
cette époque, mais j'ai des frères aînés qui écoutaient cette
musique-là et je me rappelais avoir vu traîner quelques pochettes de
disques. Tout ça me titillait un peu (rires). En plus, il y avait tout le
côté jazzmen avec des personnages assez solitaires qui m'intéressaient
bien... Nous sommes donc partis là-dessus...
Il n'y a pas eu de synopsis ?
Non, pratiquement pas. Il y a eu des
rencontres assez longues, on affinait peu a peu et je prenais des notes.
Ensuite, nous avons fragmenté notre histoire en chapitres et nous avons
défini les séquences que nous voulions montrer en essayant de
déterminer l'importance qu'il fallait leur accorder...
Paringaux intervient-il dans
le choix des cadrages ?
Pas du tout. Je ne travaille jamais
avec des scénaristes qui s'occupent des cadrages. Je crois que j'aurais
horreur de ça.
Comment présentez-vous vos
projets chez Casterman ?
Nous amenons un synopsis s'il y en a
un, et dans le cas contraire, Paringaux raconte l'histoire de vive voix à
Mougin. Pour ma part, je fournis un petit découpage, un paquet de
feuilles 21 x 29,7 avec toutes les planches en miniature.
Est-ce que tout est
définitivement complet lorsque vous attaquez le dessin ?
Le découpage est toujours sujet à
des changements ponctuels, et de toute façon, le texte définitif ne
s'écrit qu'au fur et à mesure. Philippe me donne quatre ou cinq pages ;
quand j'ai fini, il m'en file d'autres, ce qui évite que les chosent se
figent.
Coeur de sable se passe dans
les années 30. Barney et la note bleue, dans les années 60. N'avez-vous
pas l'impression de faire le jeu ou de profiter d'une certaine mode
nostalgique ?
Je ne pense pas que ce soit une
question de mode. Il y a des courants d'idées qui se croisent. On a
commencé Barney puis on a appris que Tavernier préparait un
film sur la vie de Bud Powell avec Dexter Gordon, qui va s'appeler Autour de
minuit. Je pense que Paringaux est plus jeune que Tavernier, mais il
me semble naturel que des gens qui ont la possibilité de créer des
trucs se retournent sur ce qu'ils ont vécu. Je dirai aussi que cette
histoire n'est pas du tout traitée façon mode. J'ai supprimé
volontairement un maximum d'objets référentiels et je l'ai dessinée
comme j'aurai pu le faire à l'époque. Il n'y a pas un scooter à tous
les coins de case, ni un mobilier trop choisi, je ne voulais pas être
sélectif et transformer les intérieurs en musées des années 60. C'est
intéressant pour quelques collectionneurs, pour quelques passionnés de
design, mais ça nuit un peu au réalisme. En fait pour Barney, je me
suis beaucoup penché sur le cinéma français de ces années-là, hors
nouvelle vague. Tous ces films qui n'ont pas tellement laissé de traces,
les polars avec Eddy Constantine, les premiers rôles de Bardot, les films
avec Jacques Charrier, etc...
Combien de temps avez-vous
mis pour mener à terme Coeur de sable et Barney ?
Environ un an pour chacun de ces
albums, mais je n'y ai pas toujours travaillé en continu. J'ai mis treize
mois pour dessiner Barney mais entre temps, j' ai fait les deux tiers
d'Arrière saison, plus d'autres petites choses. C'est vrai que c'est
assez long et pour cette raison, je ne fais pas de gros projets BD cette
année. Lorsqu'on commence une longue histoire, on lui donne une certaine
forme et on est obligé de s'y tenir jusqu'au bout, ce qui bloque un peu
toutes les recherches que l'on souhaiterait faire. En ce moment, je fais
des petits trucs plus ponctuels qui me plaisent beaucoup, mais je sais que
dans. quelques temps, tout le-côté découpage, mise en scène, narration
va me manquer. Barney,ce fut très long quand même. Il parait
pourtant que je travaille vite...
Quels sont les sentiments que
l'on éprouve lorsqu'on travaille quotidiennement sur d'aussi longs
récits ?
Il y a evidement des moments de
saturation 0U faut s'arrêter. Quand ça commence à bien rouler,
que l'on possède bien les personnages, tout devient de plus en plus
facile et il y a alors un réel plaisir à avancer. En plus, il y a
toujours certaines cases ou certaines séquences que j'attends avec
impatience. Dans Barney par exemple, j'ai essayé un truc un peu
particulier pour toutes les séquences flash-back. Je ne voulais pas
tomber dans un sépia trop classique alors j'ai fait un fond gris puis
j'ai mis des applats de couleurs transparents sur les modelés. Ça donne
un effet qui est intéressant, mais je ne sais pas quel en sera le rendu
à la reproduction. J'espère quand même qu'on va se rendre compte du
truc. Toutes ces manipulations apportent forcément une certaine habileté
dans le maniement de la couleur. Sur la lancée, j'ai fait une aquarelle
dans des tons gris. Elle a été publiée mais très mal imprimée dans le
numéro spécial musique de (à suivre).
Les histoires longues demandent
énormément de travail mais au bout d'un moment, se retrouver seul toute
la journée devant sa table devient un état un peu naturel...
Travaillez-vous de façon
régulière ?
Je bosse le matin et rarement la
nuit. Quand j'ai beaucoup de choses en chantier, ça représente des
heures et des heures, mais cela ne pose pas tellement de problèmes. Quand
je suis en vacances ou que j'arrête les trucs de commande, je continue à
faire des dessins...
C'est
difficile de faire la différence entre les loisirs et le travail
Comment occupez-vous vos
loisirs
En ce moment, j'en ai assez peu et
puis c'est difficile de faire la différence entre les loisirs et le
travail quand on fait quelque chose d'un peu vital comme ça. Si on
m'avait posé cette question il y a dix ans, j'aurais répondu : «je
dessine ». En fait, je joue au tennis, aux échecs, je vois beaucoup de
films, je rencontre des gens.
Vivez-vous la nuit ?
Ouais, mais tout est relatif, je ne
suis pas un mondain parisien mais c'est vrai que je sors pas mal...
Sur le dos-couverture de
votre album publié en 1981 par Yann Rudler, on vous voit aux
Bains-Douches ...
(Rires). Ça, c'était à l'époque
où je connaissais Rudler, qui lui, par contre, était un vrai mondain
parisien et avec qui je sortais assez souvent. En fait, j'avais beaucoup
moins de travail, je commençais juste à dessiner dans Rock &
Folk. J'étais très branché musique rock mais tout était plus
palpable qu'aujourd'hui. Il y avait des tas de petits groupes partout et
on pouvait facilement connaître les musiciens. Maintenant ma vie a un peu
changé, mais cela tient aux rencontres que j'ai faites, il y a quelques
années je jouais moins au tennis. Et puis j'ai eu une petite fille
récemment. Ça prend du temps tout ça...
Certains dessinateurs
calquent parfois leur vie sur celle de leurs personnages. En est-il de
même pour vous ?
Pas vraiment, mais j'aimerais courir
le monde plus que je ne le fais pour ramener de nouveaux dessins sous
forme de carnets de voyages...
A l'époque où nous avions
interviewé Ted Benoît, il n'avait pas de voiture mais rêvait d'une
belle américaine...
Oui et maintenant il en. a deux !
J'admire beaucoup les gens comme ça qui vont au bout de leur logique.
Personnellement je n'ai qu'une R5. Je préférerais évidemment avoir une
belle voiture mais ça m'ennuirait de m'occuper d'une-bagnole qui tombe en
panne tous les quatre matins.
Vous considérez-vous comme
une vedette ?
Non pas du tout. Mais qui est une
vedette dans la BD ? Bilal est une vedette ? Je n'ai absolument pas
conscience de tout ça. Les gens me connaissent-ils ? Parfois je suis
Que pensez-vous de la
critique BD ?
Elle n'existe pas partout. Il y a
beaucoup de journalistes qui se contentent de recopier les prières
d'insérer. Il y a des gens que j'aime bien et dont l'avis me touche. Je
pense à Willem par exemple.
Les critiques de (à suivre) me
semblent assez constructives. Je constate qu'en général les critiques
qui me concernent sont plutôt bonnes... Sauf celles de quelques
journalistes qui s'endorment en lisant mes bouquins.
Quelles techniques
employez-vous pour réaliser vos planches ?
Pendant longtemps j'ai bossé avec
des encres. J'ai fait aussi des recherches avec des crayons de couleur,
j'ai essayé les hachures, j'ai même supprimé le trait... On retrouve
tout ça dans mes deux premiers albums parus aux Humanos. Il s'agissait de
petites histoires indépendantes que je pouvais traiter de manières
différentes au gré de mon inspiration.
Maintenant je travaille le plus
souvent en couleurs directes à l'aquarelle sur un papier à grain, ce qui
donne au trait un côté un peu irrégulier et j'utilise une plume plutôt
souple pour l'encrage. Lorsque j'étais au Maroc, j'avais beaucoup de
temps devant moi, j'étais très disponible, il y avait une lumière
formidable et je me suis mis à l'aquarelle. Zénata Plage est mon premier
bouquin entièrement réalisé avec cette technique. En rentrant,
j'ai enchaîné sur Coeur de sable. J'avais vraiment une sorte de
respect pour ce matériau qui est assez riche mais pas très efficace pour
certaines scènes de nuit par exemple, qui en l'occurrence sont plutôt
ratées. J'étais obligé de passer de nombreuses couches de couleur et le
rendu final perdait de la transparence. Pour Barney, j'emploie
soit de l'aquarelle, soit des encres suivant l'ambiance que je cherche et
c'est mieux ainsi. Il y a aussi des rouges, des bleus nuit, des sépias
foncés que je ne pouvais absolument pas obtenir avec l'aquarelle. Pour
revenir sur les étapes qui me conduisent au dessin final, je préciserai
que je commence généralement par faire des petits croquis au crayon que
j'épure au feutre sur des calques successifs. Lorsque j'obtiens un
résultat satisfaisant, j'utilise ma table lumineuse, je pose mon papier
aquarelle sur mon crobard et j'encre directement sans faire de crayonné,
ce qui donne plus de valeur au trait. La main est plus libre. Pour Coeur de
sable, je préparais mon dessin sur une feuille séparée, je le
décalquais pour le reporter sur la planche originale puis j'encrais. Je
faisais cinq fois le même dessin et en plus le trait était un peu
timide. Maintenant je gagne du temps et de la spontanéité. Il y a des
gens comme Bilal ou Rochette qui font tout sur la même planche, moi je ne
peux pas. Le papier aquarelle est très fragile, il s'abîme si l'on gomme
et toutes les impuretés se révèlent lorsqu'on passe le liquide. Je suis
donc contraint à un travail très méthodique. Je dois aussi tendre ma
feuille sur un chassis pour qu'elle ne gondole pas et je suis obligé de
préparer tout ça le soir parce qu'il faut cinq ou six heures pour
qu'elle sèche. C'est toute une organisation. En ce moment, je
m'intéresse beaucoup au trait qui devient de plus en plus important dans
mon dessin. Pour ce qui est des textes, je les écris à part, puis je les
découpe et je les colle sur l'original.
Toute cette cuisine ne
freine-t-elle pas un peu la création ?
Je pense qu'il y a un risque évident
de tuer la spontanéité du dessin. Je suis souvent assez satisfait de mes
crayonnés, de mes esquisses préparatoires et je m'aperçois parfois que
le rendu à l'encrage est un peu sec. J'essaie alors de récupérer tout
ça avec la couleur, les modelés...
Encore une bonne raison
d'être fidèle aux couleurs directes...
Oui... J'ai fait des essais sur des
bleus mais c'était catastrophique. J'avais l'impression de faire du
coloriage et en plus le support papier n'était pas très varié. En fait,
le seul problème de la couleur directe, c'est que les noirs sont
reproduits en quadrichromie et qu'ils épaississent donc toujours un peu.
Que pensez-vous en général
du résultat imprimé ?
Je suis parfois déçu mais cela
tient souvent au papier utilisé, les photogravures sont souvent assez
bonnes. Chez Casterman les albums sont très bien faits mais inversement
le papier de la revue n'a pas un bon rendu des couleurs. Il y a parfois
des effets assez fins sur la lumière qui n'apparaissent pas et on se
retrouve facilement avec un ciel plombé alors que la scène est censée
être baignée par une douce lumière du matin.
D'où l'intérêt d'exposer
les originaux...
Exactement !
Je n'existe
pas du tout dans le circuit de l'Art
Parlez-nous des expériences
que vous avez pu avoir dans ce domaine.
J'ai eu l'occasion de présenter
certains de mes dessins à Paris (La Hune et Super Héros), à Genève, à
Lyon, à Nantes bientôt, mais toujours en librairies avec l'argument
d'une sortie d'album. Jamais dans le circuit de l'art où je n'existe pas
du tout en fait...
Quelles sont les dimensions
réelles de vos originaux ?
Environ 30 x 40 pour les planches.
Les dessins de Zénata sont tels sauf trois à la fin qui sont aussi en 30
x 40.
Envisagez - vous de nouvelles
orientations graphiques ?
J'essaie d'expérimenter des
matériaux que je n'ai encore jamais utilisés. En ce moment je fais pas
mal de choses au pastel gras et j'ai aussi très envie de me frotter à
l'huile ou à la gouache. En une journée je peux faire une aquarelle sans
perdre de vue mon image et je peux arriver à quelque chose d'assez
pointu. L'élan n'est pas interrompu. Pour le même travail à la gouache
ou à l'huile, il me faudrait une semaine. L'aquarelle, ce sont des
écrans de couleurs entre la lumière qui est dans le blanc du papier et
l'oeil. Avec la gouache, il faut ramener les lumières et ce n'est donc
pas pareil. C'est important le temps passé à travailler, le temps de
production d'une image.
Vos essais se font surtout
sur des petits travaux autres que la BD...
Oui parce qu'avec tout ce que j'ai
essayé, je me rends compte qu'il y a un problème de lisibilité mais
aussi de temps de fabrication comme je viens de le dire. Pour les bandes
dessinées, j'essaie de ne pas me disperser : dessin à l'encre avec le
trait qui devient de plus en plus important et modelé à l'aquarelle.
Vous avez dessiné récemment
des petites vignettes sur le Togo pour l'éditeur Alain Beaulet.
Connaissez-vous ce pays ? Parlez nous de cette expérience éditoriale
originale.
J'ai vraiment adoré faire ça,
c'était passionnant. J'avais fait un voyage en Afrique et j'étais allé
au Togo. J'étais resté dans un hôtel et j'avais fait plein de dessins,
de croquis, de photos. Il y a longtemps que je voulais utiliser ce
matériel, mais je n'en avais pas encore eu l'occasion. Et puis Alain
Beaulet est venu me voir en me proposant son idée d'éditer de petites
boites comme celles que l'on trouvait au début du siècle et qui
contenaient des plaques photographiques avec chronologie dans les images.
Il me proposait de faire imprimer mes illustrations en sérigraphie et
j'ai choisi comme support un papier ivoire qui me permettait de ramener
des lumières avec une encre blanche très épaisse. Je pense toutefois
que les images auraient pu être plus grandes et le tirage un peu moins
important.
Les couleurs de votre
sérigraphie Desafinado parue chez
Anagraphis ont dérouté certains de vos admirateurs...
Mon problème avec les sérigraphies,
c'est que dans mon travail habituel, comme je l'ai déjà dit, j'utilise
des modelés dans les couleurs. Il y a ainsi des surfaces qui vibrent.
Lorsque je dois me servir d'applats, il faut donc que je compose tout
autre chose. J'avais eu quelques ennuis avec la première (Près du
Soudan) qui était dans des tons bleus et d'ocres et pour la deuxième,
j'ai voulu faire quelque chose de plus vif, couleurs plus vives sans
essayer de retrouver l'aspect de l'aquarelle.
En ce moment, je prépare un
portfolio pour l'Atelier avec sept couleurs opposées. Un .rouge, un vert,
une jaune, un rose, un bleu, un ocre et un noir pour le trait. Ce sera
très fauve, très coloré. C'est une démarche intéressante sur laquelle
je ne me pencherais pas nécessairement si l'on ne me faisait pas ces
propositions de travail. Et puis je ne vais pas faire toute ma vie la
même chose. Sur les couvertures de Coeur de sable et d'Arrière
saison, on retrouve trop les mêmes dominantes. La prochaine pour Barney
représentera un intérieur, elle sera beaucoup plus noire. Il faut
changer et casser un peu les habitudes...
Comment êtes-vous entré
dans l'écurie des dessinateurs Casterman ?
C'est un peu à partir du projet
Coeur de sable qui correspondait tout à fait à ce que
produisait Casterman et (à suivre). En plus il y avait un truc qui
m'avait assez déplu sur Clichés d'amour qui est paru aux Humanoïdes
Associés. J'avais réalisé 18 pages d'une BD qui s'appelait La nuit de
l'alligator. Elles devaient être prépubliées dans Métal Hurlant,
j'étais pressé car je partais au Maroc. En fait, les planches ont été
supprimées du canard et sont passées directement dans le bouquin.
Ce sont des choses que je n'apprécie
pas trop et je me barre dans ces cas-là, je ne cherche pas à discuter.
Ce que j'ai commencé pour Chic aurait très bien pu paraître dans Métal
et Arrière saison serait sorti aux Humano. Je pensais toutefois continuer
à bosser de temps en temps avec eux mais ils étaient un peu
intransigeants, c'était soit tu restes soit tu te casses... Ce qui est
dommage d'ailleurs parce que je me trouvais bien à Métal, j'aimais
l'esprit du journal..
D'autre part, il est évident que
Casterman est la meilleure maison d'édition sur la place et quand on peut
y entrer, on n'hésite pas.
Je dois
beaucoup aux gens qui m'ont fait confiance au début
Est-ce que Coeur de sable a
été mis en chantier en fonction du support de publication?
Je ne me rappelle pas exactement à
quel moment nous avons pensé à (à suivre). Nous savions que
notre travail était apprécié à la rédaction car nous avions eu de
bonnes critiques à l'occasion de la parution de nos albums précédents.
C'est vrai qu'il y a parfois un aspect un peu ingrat à se tourner vers
tel éditeur plutôt que vers tel autre. Les Humanos ont pris des risques
pendant des années en défendant des choses nouvelles. Les deux bouquins
que j'ai fait chez eux étaient quand même un peu expérimentaux.
D'autres qu'eux auraient pu trouver que cela manquait de maturité et je
n'aurais peut-être pas été motivé pour continuer. Je reconnais tout à
fait que je dois beaucoup aux gens qui m'on fait confiance au début.
Mais ça c'est le bizness (rires)...
Racontez nous la genèse de
votre album édité par Yann Rudier...
A l'époque je connaissais Rudler
parce qu'il avait une librairie de BD qui s'appelait Le lotus bleu et
qu'il circulait dans le milieu. Il m'a proposé de reprendre tous les
petits dessins parus dans Rock & Folk. Personnellement,
j'avais envisagé de les réunir et d'essayer de les publier à compte
d'auteur. Je lui ai donc fait confiance. Ce qui est dommage, c'est que le
bouquin a été assez mal pensé. Il ressemblait plus à une revue qu'à
un véritable album, le papier était très cheap. Je crois qu'il aurait
fallu faire quelque chose de plus épais avec un dessin par page. Ça
aurait pu être mieux...
Vous avez illustré une
nouvelle de Bram Stocker pour Futuropolice...
J'adore cette collection, quatre
bouquins reliés réunis dans un petit coffret. Lorsqu'on m'a proposé ce
boulot, j'ai accepté tout de suite l'idée mais j'ai été très déçu
par le texte qui m'a été confié. C'est d'autant plus regrettable que
j'aime bien Bram Stocker.
Cela ne fait-il pas de tort
à un auteur de se disperser chez plusieurs éditeurs ?
En ce qui me concerne, il n'y avait
pas d'autres solutions, chaque bouquin est paru chez l'éditeur qui lui
convenait le mieux. Pour les Humanos et Casterman, nous en avons déjà
parlé. Arrière saison ne pouvait pas être publié chez
Casterman puisqu'ils ne font pas de compilations de petites histoires. Zénata-Plage
ne pouvait sortir à l'époque que chez Magic-Strip... De toute
façon, j'aime beaucoup m'aventurer dans des expériences éditoriales
variées comme ça et d'ailleurs j'essuie très souvent les plâtres de
nouvelles collections ce qui est plutôt bien car au départ il n'y a
jamais de moule trop précis. C'était le cas avec Rudler, avec
Magic-Strip, avec Alain Beaulet pour La petite boîte. Actuellement
je termine un portfolio pour l'Atelier qui inaugure lui aussi un nouveau
format. Souvent ce sont des gens qui me proposent une collaboration alors
je ne vais pas prendre leur idée et aller chez quelqu'un d'autre... J'ai
rarement l'occasion de travailler avec Futuropolis parce qu'ils ne font
pas de couleur mais lorsqu'ils m'ont offert d'étrenner la première
livraison de leur collection X, j'étais très content. En fait on me
trouve chez plusieurs éditeurs mais avec des produits complètement
différents.
Quels rapports
entretenez-vous avec chacun d'eux ?
Avec Casterman tout se passe très
bien. Plus l'éditeur est petit, plus je peux intervenir sur le produit
final et en contrôler le devenir. Pour certaines petites choses, je
connais tous les circuits de distribution. Lorsqu'il s'agit de grosses
maisons, je suis un auteur parmi tant d'autres.
Quels sont les auteurs que
vous appréciez ?
En ce moment j'aime beaucoup Burns.
J'ai acheté une de ses sérigraphies et son bouquin Big Baby qui
est un chef d'oeuvre J'aime Munoz, Alex Barbier, Mattotti et aussi le
dernier Schultheiss, Le théorème
de Bell.
En général, les BD qui me plaisent
bien, ce sont des BD comiques comme Maurice le cow-boy de
Kamagurka, les histoires de Piotr ou celles de Petit-Roulet et Martiny, de
Vuillemin aussi... Lorsque l'humour n'est pas trop présent, je regarde
vachement la forme et le style...
La louange semble
généralisée pour Casterman ?
Ce sont eux qui ont la plus forte
puissance de vente et ce sont eux qui promotionnent le mieux leurs
auteurs. Ils sortent moins d'albums que les autres mais ils s'en occupent
vraiment.
Accepteriez-vous de nous
communiquer le tirage de vos différents albums ?
Environ 20 000 exemplaires pour Coeur
de sable, 10 000 exemplaires pour Arrière saison, mais il
s'agit de la première édition. Trois ou quatre mille exemplaires pour
les autres titres.
Sont-ils traduits et vendus
à l'étranger ?
Coeur de sable est
publié en danois, en allemand, en flamand, en italien, en espagnol et en
grec. Rien sur le marché anglo-saxon. Nous avons essayé avec Cliché d'amour,
mais ça n'a rien donné. Beaucoup de gens se sont cassés lis dents
sur le marché américain.
Personnellement, je suis justement
très gêné par ce côté vedettariat. Il y a quelques années, on ne
voyait jamais les dessinateurs nulle part. Maintenant je passe à la
télé, mon attachée de presse me demande de participer à des jeux
débiles et ça, ça m'ennuie un peu.
Quels rapports
entretenez-vous avec la publicité ?
J'ai pris un agent récemment. J'ai
un style qui est assez difficile à placer parce qu'en général les gens
sont rebutés par le physique de mes personnages. Inversement. ils aiment
bien les couleurs, les lumières. A ce jour, j'ai fait quatre boulots
vraiment bien mais lorsque toutes les conditions sont requises pour que
l'expérience soit intéressante, on a assez rapidement le sentiment de
tourner en rond et de refaire des trucs que l'on a déjà exploité mille
fois. Les directeurs artistiques choisissent sur ce qu'ils connaissent et
moi, on m'a surtout demandé
des illustrations dans l'esprit de New York / Miami. En
plus il y a souvent des tas de contraintes, il y a toujours un client qui
peut donner son avis sur tout et remettre en quelques secondes votre
travail en question. Mon agent m'évite tous les problèmes de fric et de
démarchage. Il tourne dans les agences, montre mon dossier et lorsqu'on
lui propose un boulot qui pourrait me convenir, il m'appelle et je prends
le relais. En fait, mon dossier est surtout composé de grandes
illustrations tirées de Zénata-Plage par exemple. Je ne suis
pas du tout un dessinateur BD qui fait de la publicité comme peuvent
l'être Chaland, Benoît ou Clerc.
Que pensez-vous des travaux de commande
?
C est assez lucratif en général. Je
ne cours pas après la publicité mais quand on me propose quelque chose,
je regarde...
Quels sont les tarifs
pratiqués par les agences ?
Tout dépend de l'utilisation qui est
faite du dessin. On ne paye pas de la même façon un 4 X 3 dans le
métro et une petite pub dans un journal. C'est l'agent qui rixe les prix
mais c'est en général bien supérieur à ce que peut offrir la presse ou
l'édition. C'est d'ailleurs un peu le rôle de l'agent que de discuter et
de marchander. Il connaît bien le milieu et les tendances du marché. Moi
je pourrais très bien demander une certaine somme alors que le type en
face de moi est prêt à lâcher trois fois plus...
Parlez nous des autres
domaines de création qui vous passionnent.
j'aime tout ce qui concerne l'image,
le cinéma, la photo, la peinture. Mais tout ça est très lié. On peut
considérer que le portfolio que je réalise en ce moment pour l'Atelier
ou certaines cases d'Arrière saison sont des
préparations à de grands tableaux que je mettrai peut-être un jour en
chantier. J'ai vraiment envie de faire de la peinture mais il y a un
problème de temps, de disponibilité...
Une fois, je me suis attaqué à une
toile, j'ai travaillé une semaine dessus et au bout du compte il y avait
une seule image, assez pauvre d'ailleurs. Ce n'était pas autre chose que
quand je fais une aquarelle en une journée. J'ai déjà parlé de tout
ça... Je crois que J'aurais du mal si je faisais de l'huile à passer un
mois sur un même truc. J'ai toujours tendance à vouloir montrer un
maximum de choses que j'ai dans la tête. Enfin, je dis ça maintenant
parce que je ne me suis pas véritablement colleté avec la pâte et la
toile.
Il y a des tableaux aux murs
de votre apparentent ...
Ouais j'aime bien être entouré
d'images. J'échange ou j'achète des choses qui me plaisent.
Dernièrement, j'ai craqué pour un original de Crumb. J'ai aussi des
illustrations de Slocombe, de Serge Clerc. Dans le salon, les peintures
sont de Dominique Ehrhard.
Vous suivez ce qui se passe
dans ce domaine, les expositions, etc... ?
Oui, bien sûr !
Etes-vous collectionneur ?
Oui, j'ai tendance a beaucoup chiner.
Je cherche surtout du vieux papier. Je cours les brocantes et les marchés
pour trouver des Ciné-Roman, de vieilles revues. J'en ai
beaucoup et je me trouve maintenant confronté à un sérieux problème de
stockage...
Je suis parfois à
la recherche de musiques silencieuses
Ecoutez-vous de la musique ?
Bien sûr ! Beaucoup de rock, un peu
de jazz, quelques musiques de films, Nino Rota et souvent des trucs très
opposés. Un jour je peux écouter Les Cramps ou Les Météores et le
lendemain Erik Satie... Ma chaîne est continuellement allumée et
je ne peux pas me fixer sur des trucs trop durs. A la limite, je suis
parfois à la recherche de musiques silencieuses. Je n'écoute que très
rarement les radios...
Quelles sont vos références
littéraires ? Cinématographiques ?
Pour ce qui est des références
littéraires, cela va des auteurs américains comme Tennesse Williams,
Truman Capote, Fitzgerald ou Corson Mac Cullers à des auteurs français
comme Simenon, Modiano. Enfin, ce sont ceux que j'ai en tête
maintenant...
Pour le cinéma, je suis très
éclectique, cela va de Fellini à Wenders en passant par Peckinpah ou
Kubrik. Je ne déteste pas non plus les petites productions policières ou
d'horreur. En fait, je suis un gros consommateur de films...
On retrouve dans vos
histoires des ambiances proches de celles qui caractérisent le cinéma de
Wenders. On perçoit une certaine connivence...
Oui, des films comme L'ami
américain ou L'état des choses me touchent beaucoup, c'est vrai
qu'il y a une similitude dans la façon d'appréhender l'espace, dans les
cadrages, dans la mise en images du temps qui passe.
N'avez-vous jamais songé à
faire du cinéma ?
C'est vrai qu'il y a un parallèle
évident entre la bande dessinée et le cinéma. Dans l'élaboration d'une
grande histoire, il y a tout un côté découpage, story board, choix des
personnages, assez proche de la démarche que doit suivre un réalisateur.
J'aime vraiment le cinéma mais je ne
sais pas si je souhaiterais mettre le doigt dans l'engrenage. Il faut
souvent galérer à partir du projet initial, travailler en équipe et
surtout diriger les acteurs, choses auxquelles je suis complètement
étranger. Et puis je devrais abandonner pour quelque temps le monde du
papier et de l'encre..
.
Vous avez participé cette
année au Be festival du court métrage à Clermont-Ferrand. Vous étiez
membre du jury...
Ce fut une expérience plutôt
sympathique qui restera un bon souvenir. L'intérêt d'une telle
manifestation c'est que l'on peut y voir des films
qui ne passent pas dans le circuit traditionnel et qui ne sont parfois
jamais projetés ailleurs. Je pensais y retourner l'année prochaine mais
cela risque d'être moins agréable : je ne serai plus invité et on
s'occupera pas de moi (rires).
Interview
réalisée à Paris le 23 avril 1986
par
Thierry Décombas et Pierre Skrzypczak.
© Comixland/P.L.G.P.P.U.R.
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