2015 Expo "Esprits
d'ailleurs"
Expo "Esprits
d'ailleurs" de Loustal à découvrir à partir du 5 juin 2015
à médiathèque Louis Aragon. Tout public. Entrée libre
Esprits d'ailleurs
05 juin 18:00 - 29 août 2015 17:00 - Le Mans
Illustrations de Loustal.
Loustal a réuni des dessins témoignant de dix années de voyage.
Des États-Unis à la Polynésie, en passant par l'Afrique du Nord
ou l'Asie, à la plume, au fusain, au crayon, au pinceau ou au
feutre, ses carnets de voyage révèlent, dans un style
contemplatif, des paysages et des instantanés de vie uniques.
Rencontre-dédicace animée par Agnès Deyzieux, vernissage et
visite commentée de l'exposition par Loustal vendredi 5 juin
2015 à partir de 18h.
Rencontre avec Jacques de Loustal
à l'occasion du vernissage de l'exposition Esprits d'ailleurs à
la Médiathèque du Mans, le 5 juin 2015
Interview publique animée et retranscrite par Agnès Deyzieux
http://agnesdeyzieux-bd.blogspot.nl/2015/06/rencontreavec-jacques-de-loustal.html
Voilà plus de trente ans que vous travaillez dans le domaine de
l'image, en tant qu'auteur de bande dessinée, illustrateur de
romans et de livres pour enfants, publiciste, peintre,
photographe... Qu'est-ce qui vous pousse dans toutes ces
directions ? Est-ce que toutes ces activités nourrissent
également votre travail et votre univers ?
J’ai toujours dessiné comme les enfants et je n’ai jamais arrêté
! Peut-être parce que j’étais le petit dernier d’une famille et
que j’étais plus isolé des autres, en terme d'âge. Donc, j’avais
cette activité du dessin et je n’ai jamais arrêté sauf peut être
quand j’ai passé mon bac. J’ai tout de suite envisagé un métier
dans lequel le dessin avait une place importante. Mais je ne
pouvais pas imaginer, même par rapport à ma famille, être
peintre ou faire les Beaux Arts. C’est pour cela que j’ai choisi
de faire architecture, un métier respectable mais dans lequel le
dessin a beaucoup d’importance. J’ai commencé en 1973 ces études
qui étaient très ouvertes à l’époque sur des tas de domaines.
C’était aussi une époque bénie pour la bande dessinée : toute
une révolution s’opérait, c’était la fin de la bande dessinée
uniquement pour les adolescents et l’émergence de Métal Hurlant,
de A suivre, de l’Echo des Savanes. Je dessinais dans des
fanzines alors. Il y avait aussi beaucoup de journaux qui
publiaient des histoires courtes où on pouvait faire ses gammes.
J’ai commencé avec des illustrations, des petits dessins
légendés. Mais ce qui se passait dans la bande dessinée m’a
donné envie de m’y essayer ! et puis bien sûr, des rencontres,
celle avec Philippe Paringaux, celle avec de grands
dessinateurs…Tout cela a a créé un effet boule de neige qui a
débuté quand j’étais encore étudiant. Peu à peu, j'ai eu assez
d’histoires pour faire un album, puis un deuxième…C’est lent,
progressif et parallèle à mes études qui ont du coup duré 8 ans
au lieu de 6 ! J’ai terminé surtout pour éviter d’aller en
caserne, je suis parti comme architecte en coopération au Maroc
pendant un an et demi. Le voyage m’a toujours attiré,
l’environnement étranger, la mer… et du temps pour dessiner !
Esprits d'ailleurs" Jacques de #Loustal dans toutes les rues
du #Mans.
Dans votre parcours d’homme créateur d’images, qu'est ce qui
vous a influencé ou stimulé? La bande dessinée, le cinéma, la
peinture ? Dans l'album Barney et la note bleue, vous faites des
références directes à David Hockney par exemple.
Mon activité principale au début était la bande dessinée et
quelques dessins d’illustrations dans Rock & Folk ou Métal
Hurlant. C’était l’époque de la ligne claire, des auteurs comme
Yves Chaland, Serge Clerc et d’autres…et moi j’avais des
influences très opposées, des peintres plutôt solaires comme
Gauguin, Hockney, Matisse et aussi des artistes du mouvement
allemand Grosz, Beckmann. Dans la bande dessinée, que je
revendique toujours, il y avait Hergé, la seule lecture que
j’avais enfant et que je peux toujours reprendre avec beaucoup
de plaisir. Il y avait Crumb, Moebius, des gens que je côtoyais
à l’époque. Des gens qui font que, quand j’ai ouvert le premier
numéro de Métal Hurlant à l’époque, je me suis dit : le monde a
changé, on peut faire ça, on n est plus obligé de dessiner des
histoires de scouts, de pirates ou de cowboys ! La bande
dessinée devenait un vrai mode d’expression. J’ai mis beaucoup
plus de temps à trouver mon style, parce que j’avais toutes ces
influences diverses. Par rapport à mes amis qui sont très vite
devenus connus car ils étaient balisés sur des choses déjà
définies et qu'ils faisaient cela très bien. Chaland, c’est un
virtuose mais il n’a pas inventé son trait ; Swarte, de même.
Ils étaient directement inspirés par des gens qui avaient déjà
mis au point un alphabet graphique. Ce qui tombait bien à
l’époque, c’est qu’il y avait beaucoup de revues et on faisait
des histoires courtes. Du coup, dans mes deux premiers albums,
il y a de tout et n’importe quoi ! Des trucs avec des hachures,
des fois où je supprime le trait, d’autres au crayon de
couleurs, c’est très libre !
Ce qui a été perçu comme votre marque de fabrique, ce sont ces
textes placés au-dessous de vos dessins, cette voix off qui est
privilégiée. Pourquoi avoir fait ce choix ?
J'avais un goût pour l’image légendée. C’était ce que je
regardais quand j’étais petit dans les vieux livres, ces grandes
images où le texte figurait en dessous. Et puis la rencontre
avec Philippe Paringaux qui écrivait des nouvelles auxquelles
j’étais très sensible. Il avait arrêté cette rubrique et je lui
ai proposé de continuer sous forme de scénarios de bande
dessinée. Ça a été une rencontre très fructueuse, on a fait
énormément de livres ensemble. Et j’ai toujours plaisir à relire
ses textes. Cela a commencé ainsi : je lui ai apporté une
histoire, que je n’avais pas inventée - -moi, je n’invente
jamais d’histoire ! C’était une histoire que j’avais adaptée de
Vernon Sullivan (patronyme de Boris Vian) très américaine que
j’ai transposée dans un autre univers. Il avait bien aimé et
comme tout rédacteur en chef qui sait faire du rewriting, il a
réécrit ce récit. Et quand il m’a montré son texte qui était
admirable par rapport à ce que j’avais écrit, j’ai dit bon ok !
A partir de ce jour là, je ne ferai plus que de la bande
dessinée. On avait beaucoup d’affinités, on parlait le même
langage, on avait le même goût pour les choses. On nous a mis
l’étiquette de « bande dessinée littéraire. » C’est vrai que
Paringaux, Charyn, Coatalem, ce sont des gens qui écrivent, ils
ne font pas juste des dialogues. Pour moi, c’est très important
la musique du texte, le style. Quand je fais un dessin et que
j’écris un texte bien ciselé en dessous, c’est tout ce que
j’aime ! Mais il y avait toujours quelqu’un, dans les prix ou
les jurys de type Angoulême, pour dire, ah, ce n’est pas de la
bande dessinée ! Peut-être est-ce plus proche de ce qu’on
appelle maintenant le roman graphique tout en ayant le format
d’un album de bande dessinée…
Vous avez illustré les romans de Georges Simenon et collaboré
avec de grands écrivains comme Tonino Benacquista ou Jérôme
Charyn,... Quelle est la collaboration ou le livre réalisé qui
vous a le plus marqué ?
Les plus marquants pour moi, c’est ceux avec Paringaux, en
particulier le dernier Le Sang des voyous. Sur celui là, il y a
eu une vraie collaboration sur l’écriture. C’était un roman
inachevé que j’ai retrouvé dans ses tiroirs. J’ai fait tout le
découpage et lui, il a écrit son texte à partir de ce découpage.
Il s’est tellement laissé aller à écrire que je n’avais
pratiquement plus la place de dessiner ! Plusieurs fois, je lui
ai dit qu’il y en avait trop. Du coup, à la fin, il est arrivé à
l’os du texte et il était très content du résultat. C’était une
bonne collaboration pour une histoire au final tragique !
Venons-en à votre goût pour le voyage et pour le carnet de
voyage. Comment cet intérêt est né ?
Le voyage était très présent dans mon environnement familial.
Mon père était militaire et aviateur, il voyageait beaucoup. Je
le voyais toujours revenir de tel ou tel endroit. Il y avait
aussi beaucoup de littérature de voyage à la maison. J’avais
aussi le goût des cartes et des atlas, le fait de pouvoir mettre
le doigt sur une carte en sachant à quoi ça ressemble
précisément. Toutes ces raisons ont fait qu’à un moment, le
voyage, c’était presque un devoir pour moi ! Le fait de tout
voir, de connaître le monde !
Et le goût pour le carnet de voyage ?
Les premiers carnets que vous voyez, c’est du pur dessin de
contemplation, c’est le plaisir du voyage. Les premiers ont été
réalisés dans des îles en Méditerranée, par goût de la mer, des
paysages marins.... Quand on arrive sur une île, on en fait le
tour puis on se pose et là, vient l’envie du dessin. C'était lié
à l'endroit où je pouvais m'assoir plus qu'au sujet, c'était le
moment que je voulais traduire. Ça a donné lieu à beaucoup de
carnets emplis de dessins contemplatifs. J'ai été publié par
Futuropolis. Ca a créé un effet boule de neige. J'ai continué à
en faire. Quand je voyageais, l'idée était aussi toujours de
ramener des images. Après, j'ai eu des commandes de reportage
pour Géo ou Senso. C'était formidable, j'ai fait de très beaux
voyages où je partais un peu comme un photographe. Après, il y a
eu ce système d'invitations des instituts français à l'étranger
qui ont une programmation culturelle et qui invitent des auteurs
en résidence. Dans ce cadre là, j'étais invité une quinzaine de
jours. Je dessine sur place ou à mon hôtel en regardant mes
photos. Et, il y a une exposition des dessins la veille de mon
départ.
Et dans ce cadre là, ces contraintes de rapidité ou de délai
vous ont-elles amené vers des pratiques ou des techniques sur
vous n’auriez pas choisies spontanément ?
Oui, car il ya des choses qui sont faites in situ ou le soir à
l'hôtel mais toujours avec des techniques rapides. Tous ces
dessins du Vietnam sont réalisés à la plume et ce sont des
choses que j'ai vues dans la journée. J'aime bien aussi utiliser
les produits locaux, la papeterie, surtout en Asie, les pinceaux
, les encres locales. Le fusain aussi est une technique que
j'aime beaucoup et qui est assez rapide. Par contre, tout ce qui
est en couleur, c'est du travail d'atelier. J'apprécie aussi les
techniques élaborées ! J'ai trop vu ou trop fait des carnets de
voyage avec trois coups d'aquarelle un peu pâles, ça ne me plaît
pas.
Lavis et encre de chine, Dessins d'ailleurs
On voit un aperçu de l'éventail très large de techniques que
vous utilisez avec ces cinq cartes postales éditées par la
médiathèque. Pouvez-vous nous décrire ici les différents moyens
employés ? Et nous dire ce qui motive le choix de la technique
que vous allez employer : est-ce en fonction du sujet, du rendu
ou de vos envies ?
Alors ce dessin, qui est l'affiche de l'exposition d'ailleurs,
je m'en souviens très bien. C'était dans un petit village des
régions des missions jésuites en Bolivie. Je me promenais,
j'aperçois une porte entrouverte et je regarde. Je vois cette
petite scène, un moment très fugitif, je fais un croquis ou une
photo, je ne me souviens plus. Et le soir, je regarde l'image
pour bien me remémorer les détails. Puis, je fais un dessin
assez rapide sur mon carnet, un dessin au crayon spontané,
léger. Quand je rentre à Paris, je fais une photocopie de mon
carnet. Ce que vous voyez là, c'est une aquarelle sur la
photocopie d'une page de mon carnet avec une mise en couleurs
très lâchée ! C'est la technique la plus fréquente que j'utilise
pour mes dessins de voyage.
Polynésie, Esprits d'Ailleurs
Pour celui là, c'est la même chose. Bora Bora, fait partie des
grands voyages que j'avais très envie de faire. Pour le chien,
j'ai utilisé une photo parce que je trouvais cette attitude
intéressante, exacte et pour ne pas toujours dessiner de la même
façon. C'est des moments où on voit bien qu'on allie le plaisir
du dessin et le plaisir d'être là. J'aurai bien passé une petite
année à cet endroit là !
Et cette image de Constantine ?
Encre sépia. Algérie, Esprits d'Ailleurs
C'était dans le cadre d'une résidence à l'institut français de
Constantine. Je savais que je devais tout dessiner sur place et
que je ne pourrais pas trop dessiner dans la rue. Donc, je
dessinais dans l'hôtel à partir de mes photos. J'ai essayé une
encre que je n'avais jamais essayé, une encre sépia, un peu
laquée. J'ai fait aussi beaucoup de dessin au crayon et au
fusain. Dans ce cadre là, on a une liberté totale de technique
et de subjectivité. J'ai réutilisé cette technique à l'encre
pour des dessins en Utah. Comme vous le voyez, c'est très bien
adapté aux images solaires.
Aquarelle et encre de chine. Maroc, Dessins d'Ailleurs
On perçoit certains motifs récurrents dans vos images : les
grands espaces désertés, les granges plus ou moins abandonnées,
les îles et les étendues d'eau, les carcasses de voiture, les
animaux comme les chiens qui passent ou qui dorment et les
poissons dans l'eau ou dans l'assiette. Ce sont pour vous des
thèmes particulièrement suggestifs, évocateurs ou obsessionnels
?
C'est très évocateur selon mon goût ! Je lisais dernièrement une
interview de Luz où il disait qu'il passait son temps à dessiner
des gens qu'il haïssait. Moi, je ne dessine que des choses qui
m'attirent ! J'aime les chiens errants dans les villes
d'Afrique, ça rajoute une petite présence. Je suis fasciné par
le monde animal... les oiseaux, les poissons ! Dès que je suis
au bord de la mer, je vais voir les pêcheurs, les marchés, je
regarde toutes ces formes incroyables qu'on tire du fond de la
mer ! Mon ami Ferrandez fait beaucoup de portraits de gens. Moi,
j'ai beaucoup de mal à rester devant quelqu'un. Je fais plutôt
des scènes d'ambiance avec des silhouettes.
Aquarelle. Polynésie, Esprits d'Ailleurs
Dans vos images, il y a plus qu’une évocation des lieux. Bien
sûr, il y a une réalité du paysage, de ce qui est représenté
mais aussi un aspect très onirique. On a parfois l'impression
d'être dans les images d'un rêve, dans des images mentales.
Cette sensation d'étrangeté est probablement due à la
composition même de l'image. Avez-vous travaillé cet aspect de
votre style volontairement ou est-ce que cela est venu un peu
tout seul ?
C'est venu comme ça, c'est ma façon de voir les choses. Je fais
aussi beaucoup de photos. Quand je me promène dans une ville ou
un paysage, il y a un moment où quelque chose se passe, un
équilibre avec les pleins, les vides, les lignes. Là, je fais la
photo. Si je fais un mètre de plus, je ne vois plus la même
chose. C'est pourquoi j'aime beaucoup les photographes, chacun
avec son oeil, son regard. J'aime cet aspect subjectif. Je viens
de faire un voyage avec Raymond Depardon et on va faire un livre
ensemble de regards croisés sur la Colombie. Moi, j'avais toute
liberté dans l'organisation de mon travail alors que lui ne
pouvait travailler que le matin ou le soir pour des raisons de
lumière. Pour moi, la photo est plutôt comme un bloc note qui
m'aide à composer des images. Et le dessin nous permet de
supprimer des éléments ou de faire des mises en scène.
Costa Rica, Dessins d'Ailleurs
Comme avec cette image du crocodile où l'on sent aussi ce
plaisir de mise en scène ?
Oui, sauf que je l'ai vraiment vu ce crocodile passer dix
minutes avant !
A coté d'images poétiques ou contemplatives, il y a des images
quasi narratives ou humoristiques, avec comme des symboles ou
des énigmes à décrypter, où une histoire cachée peut se lire. Je
reviens à cette image de Polynésie : un homme que l'on voit de
dos et dont on suit le regard pensif vers deux femmes sur la
plage, avec en avant plan, une assiette d'arête de poisson et le
chien qui nous regarde de biais. On peut imaginer des tas de
relations possibles entre tous ces personnages : pourquoi les
femmes ont laissé l'homme seul, les canettes vides à son côté
prouvent qu'elles étaient assises là avant. Est-ce qu’ils se
sont disputés ? L'assiette avec les restes de poisson est-elle
celle du pêcheur qui est reparti sur son bateau pour approcher
les femmes peut-être ? On peut imaginer des tas de scénarios. Y
a-t-il une volonté particulière de jouer, de stimuler
l'imaginaire du spectateur ou est ce totalement anodin pour vous
?
Dès que je mets deux personnages dans le décor, il y forcément
une tension ! Alors là, pour cette scène, c'était un type,
apparemment un militaire, qui a fini son boulot, qui range son
bateau et puis il y avait ces deux femmes. Et là, de dos, c'est
plutôt moi ! Tout est effectivement dans la position des corps.
Je dessine toujours l'environnement et après je positionne les
personnages. J'ai énormément de livres de photos d'intérieur des
années 30, 40, 50, genre Arts et Décoration, Plaisir de
France... Ces grands salons vides pour moi génèrent une
ambiance. Je les dessine et parfois avec un calque, je regarde
comment je pourrais positionner deux personnages. Ça renvoie à
la peinture que j'aime, celle de Balthus ou au travail du
photographe Auguste Sander.
Polynésie, Esprits d'Ailleurs
Dans Dessins et Esprits d'ailleurs, peu de texte légende les
images. Et quand il y en a, ce ne sont pas des textes qui
situent l’endroit, ce sont plutôt des embrayeurs à l'imaginaire
ou des clins d’œil au lecteur. Je pense par exemple à cette
image d’Ecosse, où on voit cet homme tout petit en barque, isolé
de tout, qui pêche près de son île où figure juste son château
et le texte commente "l'homme de toute évidence ne désirait pas
être dérangé". Comment décidez-vous de ce texte quand il y en a
?
J'aime beaucoup quand il y a un texte et un rapport de texte /
image. Quand je fais un dessin, j'aime trouver la phrase qu'il
faut ! Je suis très dans la forme, penché sur mon dico des
synonymes. C'est un plaisir de l'écriture auquel je m'essaie...
Alors, avec mes carnets de voyage publiés au Seuil, il y avait
un système de maquette qui laissait beaucoup de blanc. J'étais
obligé de mettre du texte et parfois sur des images où je
n'avais rien à dire ! Du coup, à la Table Ronde, on est parti
sur cette maquette, plein pot avec juste quelques respirations
où on peut mettre du texte. Du coup, il y en a moins et il est
plus travaillé. Mais je pense qu'il n'y en a pas assez ! Les
gens aiment s'arrêter sur le texte. Je pense que la prochaine
fois, j'en mettrai plus !
Huile sur toile. Navajo Poker
Un mot également sur ces peintures grand format que vous avez
choisies pour cette exposition où l'on retrouve votre goût pour
les îles. Qu’est-ce que la peinture grand format vous apporte ?
Une plus grande amplitude du mouvement, un regard plus large ?
Huile sur toile. Lanzarote
Comme je suis uniquement dans le domaine de l'image, il est
naturel que j'ai envie de me confronter à d'autres matériaux. Au
début, mes bandes dessinées, c'était de l'encre de chine et de
l'aquarelle. A un moment, j'en ai eu assez de la transparence,
j'ai fait tout un travail de pastel à l'huile. Il y a un côté
autodidacte dans tout ça que j'aime assez. Car il faut
comprendre que je n'ai aucune formation artistique. J'ai fait
les Beaux Arts en architecture, et on y apprend peu sur le
dessin. Quand je voyage, j'aime bien aller voir les peintres
dans leurs ateliers, les gens de l'art populaire, en Afrique, au
Mexique, au Vietnam, au Pérou.. Je me suis donc confronté au
grand format, à la couleur pâteuse plutôt que liquide, les
opacités. Et j'y ai pris goût mais ça m'a pris beaucoup de temps
! A présent, j'ai fait suffisamment de peinture pour qu'on
regarde. Quand je pense à une image que j'ai envie de faire, je
sais si ce sera un fusain, une aquarelle, une peinture.
Certaines des peintures qui sont là viennent de croquis que j'ai
faits en voyage, celles en Utah par exemple. Ce qu'il y a de
douloureux et d'excitant pour moi, c'est que quand je commence
une peinture, je ne sais pas quoi cela va ressembler. La
peinture vous guide. Au final, quand je regarde, je me dis que
ce n'est pas forcément ce que je pensais faire ! Mais ce travail
est stimulant. Je me donne par exemple l'idée de travailler sur
une série pour une exposition qui aura un thème. Récemment, j'ai
retravaillé des grands formats avec une autre technique avec un
rendu très différent : des fixés sous verre. D'abord, vous
peignez le noir à l'envers, après on met les couleurs en aplat,
on signe aussi à l'envers ! Quand on retourne, la peinture est
sous le verre. Mais il y a des techniques vers lesquelles je
sais que je ne me risquerai pas comme le pastel sec ou la carte
à gratter, qui demandent beaucoup de maîtrise.
verre 2008
Fixé sous verre
Reviendrez-vous à la bande dessinée ?
Oui bien sûr, j'en fais une actuellement ! Quand on vient du
dessin narratif, on ne peut pas rester à tourner en rond dans
son atelier autour de peintures ! Donc ici, il s'agit d'un
projet avec Jean-Claude Götting qui s'appellera Black Dog, une
histoire très américaine.
Ce que j'aime dans la bande dessinée, c'est la mise en scène qui
la rapproche du cinéma. On me donne un texte, je fais le story
board et après l'écrivain écrit en fonction de mon découpage.
Toute cette partie du découpage, des séquences; des cadrages,
comment éclairer, comment passer d'une scène à l'autre
m'intéresse.. Ce sont les mêmes questions qu'un cinéaste se
pose. Si j'avais fait des études de cinéma, j'aurais aimé être
chef opérateur !
Grand merci à Jacques Loustal pour cette interview !
Retrouvez plus d'images sur son site.
Merci à la Médiathèque pour son accueil.
L'exposition qui compte une cinquantaine d'originaux est visible
à la Médiathèque du Mans jusqu'au 29 Août 2015.
Merci à Stéphane pour les photos !
http://agnesdeyzieux-bd.blogspot.nl/2015/06/rencontreavec-jacques-de-loustal.html
Pour voir plus de photos de Stephane Mahot,
ici
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