2009 Beaux Arts Hors-série n°4 du 11 juin
2009 Les secrets des maîtres de la BD astuces, techniques &
dessins inédits Reportage Le musée Hergé Jacques de Loustal, l'illustrateur Profondément influencé par le rock et les voyages, Jacques de Loustal compose avec Philippe Paringaux une œuvre sensible, toute en clair-obscur, entre le noir de ses personnages cassés par la vie et la lumière de l'Afrique. Jacques de Loustal travaille toujours en musique, c'est lui qui le dit et qui le fait entendre. Le lecteur s'imaginera aussitôt, en souvenir de ses albums emblématiques (Barney et la note bleue en premier lieu) ou de ses huiles sur toile baignées de soleil et de couleurs chaudes, que l'artiste se dope au jazz méditerranéen, à la bossa-nova, éventuellement aux régions stellaires coltraniennes. Mais Loustal est surtout un enfant du rock. Il a débuté dans Rock and Folk, et son vieux complice au scénario est Philippe Paringaux, qui fut longtemps le rédacteur en chef de la revue. Plutôt que Stan Getz et Joào Gilberto, Loustal confesse un goût pour J. J. Cale et Neil Young, mais aussi pour... Nine Inch Nails et Joey Ramone. Là réside sans doute le secret de la création chez Loustal. Derrière le calme apparent de ces aplats de couleur se dissimulent une formidable énergie et une rage patiemment contrôlée. LA PUISSANCE DE LA COULEUR C'est à la suite d'un séjour prolongé au Maroc comme coopérant qu'il est ébloui, à la manière d'un Delacroix, par la puissance de la couleur, la lumière phénoménale en même temps que l'étrange clair-obscur, qui se dégagent de ce pays qui inspire les artistes depuis longtemps. Mais ses inclinations nouvelles se traduisent simultanément par un refus du pastel, trop édulcoré, trop délavé, trop compromettant pour son propos. Les encres de couleur, intenses et affectives, seront son matériau de prédilection dans la mise en scène de ses histoires. Des histoires de violence et de haine, qui balancent entre le monde de la mafia new-yorkaise rouge comme le sang (White Sonya, les Frères Adamov), et celui, vicié, du colonialisme à la française, écrasé par le soleil du Maroc et du Sénégal (Cours de sable, Kid Congo). LES CRAYONNÉS PHOTOCOPIES La parution
de Kid Congo en 1997 esquisse précisément une petite révolution dans
l'approche de Loustal. C'est son tournant Fernand Léger, le premier album où
il s'attache à travailler la lumière directement sur le noir et blanc, en
amorçant un volume avec un rehaut de crayon. Le changement, saisissant,
donne aux corps, aux formes, aux silhouettes, une consistance et une
épaisseur nouvelles. Puis, regrettant que le dessin préparatoire au crayon
soit trop gris, il décide de travailler sur photocopies, un procédé qui
permet de noircir considérablement le trait et le rendu. Depuis, l'équilibre
de la planche, qui trouve son apogée dans le Sang des voyous, semble
parfait, en attendant son adaptation de Coronado, une courte pièce de
théâtre de l'Américain Dennis Lehane (auteur, entre autres, de Mystic
River). Un équilibre qu'il atteint, certes, avec ses travaux en bande
dessinée, mais aussi dans ses illustrations et ses peintures. Ses
expositions dans de très nombreuses galeries lui permettent ainsi de
rencontrer des artistes contemporains de premier plan (Pat Andrea, Tony
Soulié), une source de réflexions fructueuses sur son propre travail. Son
atelier regorge de planches, tableaux et affiches, témoins d'un éclectisme
éclairé. Originaux d'anonymes africains ou vietnamiens découverts au cours
des multiples pérégrinations de l'auteur, de Romain Slocombe et François
Avril — des proches—, mais aussi de Robert Crumb et Daniel Clowes, avec qui
Jacques de Loustal a récemment échangé des illustrations, selon l'usage en
vigueur entre créateurs de renom. ROMAIN BRETHES
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