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1999  Inrockuptibles
 

  LES  INROCKUPTIBLES

No 183, 27/01/1999

FESTIVAL D'ANGOULEME - MATTOTTI - TRONDHEIM AND LE GALL - DE CRECY - LOUSTAL - MUNOZ AND CHARYN - LAVRIC - PH. GRANDIEUX - CASSIUS - LOVE - GENERAL ALCAZAR - D. HOCKNEY - SAMUEL BECKETT.



http://journaux-collection.com/


 


 

Les Inrockuptibles: 27 janvier 1999 : Loustal:  Les attrapé-coeurs.  Loustal, Trondheim, de Crecy, Mattotti, Munoz 

Journal format 30 x 46cm. pour la rentrée BD en 1999 dans les Inrockuptibles. 2 grandes pages pour chacun des auteurs cités. http://www.lesinrocks.com/
 

Les attrapé-coeurs : Loustal


Inrockuptibles magazine 206, du 27/01/1999, page n° 66



J'ai remarqué une belle collection de disques dans votre atelier. Vous avez besoin de musique pour travailler ?

J'ai toujours écouté de la musique, et particulièrement en travaillant. Si j'ai commencé à travailler pour Rock & Folk, ce n'était pas pour rien... Lorsqu'on dessine, on peut écouter de la musique toute la journée, c'est un privilège. Beaucoup de gens pensent rencontrer un fan de jazz, à cause de mon album Barney et la note bleue. En fait, ce sont les pochettes des disques Blue Note qui sont magnifiques. Mes goûts en la matière restent très West Coast : Chet Baker, Wes Montgomery, Stan Getz ou Gerry Mulligan. Je suis passé à côté de Coltrane ou de Parker. C'est une question de génération. Mes frères aînés écoutaient du jazz, puis l'un d'entre eux s'est mis au blues, à John Lee Hooker. Nous allions ensemble acheter les compilations American Folk Blues Festival grâce auxquelles j'ai découvert Howlin' Wolf et Lightning Hopkins. Ensuite, j'ai acheté les albums de Memphis Slim et de Big Bill Bronzy. Puis mon frère est passé aux Stones, et j'ai vraiment commencé à me passionner pour le rock.

Quel est votre souvenir de concert le plus marquant ?

Le premier : Lou Reed à L'Olympia, période Rock'n'roll animal. Au lycée, pour la majorité des gens autour de moi, la musique, c'était surtout pour danser, la boum quoi ! J'avais du mal à trouver des amis dont l'intérêt dépassait le strict aspect rythmique de la chose. Dans le rock, il y avait un côté chapelle qui m'attirait et que j'ai retrouvé à Rock & Folk : des gens qui, tacitement, savaient qu'ils parlaient de la même chose.

Fréquentez-vous toujours les salles de concert ?

Aujourd'hui, je me déplace surtout pour voir des artistes très scéniques : les Cramps, parce que j'adore ça, ainsi que les Ramones pour le côté nostalgique, mais mes derniers véritables chocs ont été Massive Attack au Zénith et Page & Plant à Bercy. Mes goûts varient avec les besoins de l'instant. Parfois, je passe une journée entière à écouter du trip-hop, des musiques lancinantes, parfois, des trucs très mélancoliques comme du Nick Cave, puis, en fin de journée, j'ai besoin d'entendre quelque chose de très violent : le Marilyn Manson de six heures et demie.

Qu'écoutez-vous en ce moment ?

Beaucoup de musiques atmosphériques, dont les sonorités me surprennent : Angelo Badalamenti, par exemple, dont la musique est intimement liée à l'univers de Lynch. Le trip-hop instrumental a fini par me gonfler : je me suis rendu compte que j'avais besoin d'une voix, que j'ai trouvée chez Portishead ou Crustation. Les compils, c'est parfait pour découvrir. Grâce à Rebirth of cool,
j'ai découvert Nicolette, et Nicolette, c'est très beau.

Vous êtes aussi un cinéphile éclairé. Fréquentez-vous toujours autant les salles obscures ?

D'autant plus qu'il y a un cinéma juste à côté de mon atelier. Je regarde aussi beaucoup de vidéos, des films de Fellini, de Lynch. Ce que j'apprécie dans le cinéma, c'est qu'à la différence de la musique et de la littérature, on peut presque tout voir. En traversant Paris pour aller voir une rétro de Walsh à la Cinémathèque, puis en louant des tas de vidéos et en regardant la télé, on connaît très vite les grandes familles du cinéma.

Qu'est-ce qui vous attire chez Fellini et Lynch ?

Ils ont réussi à créer des univers très personnels et ils proposent une vision de la réalité à laquelle j'adhère. Je suis plutôt hermétique au cinéma qui me montre ce que je vois tous les jours, les gens que je croise dans le café du coin. J'aime sentir qu'il y a quelqu'un derrière la caméra, que chaque plan a été tourné à dessein. Dans Roma, il y a une scène qui me revient sans arrêt, sans que je sache exactement pourquoi : on y voit des ombres de chiens qui tournent autour d'une espèce de place où un marché va s'installer.

Quel est aujourd'hui votre rapport à la littérature ?

J'aime les livres, d'abord pour l'objet. J'ai toujours vécu entouré de quantités de bouquins. Je ne suis pas un "lecteur professionnel" : j'aime bien prendre le temps de m'immerger dans un récit. Il y a des écrivains que je retrouve régulièrement : quand il n'y a plus rien à lire, il y a toujours un Simenon à se mettre sous la dent. J'aime le côté analyse comportementale de ses récits, ses histoires de gens pas à leur place. A mon sens, Simenon est un peu le Brel de la littérature. Et puis il y a des gens dont je lis tout, comme Modiano, pour ses plongées dans la mémoire. Récemment, j'ai beaucoup aimé Le Fils du fakir de Jean-Luc Coatalem, avec qui j'ai déjà travaillé, ainsi qu'un écrivain américain malheureusement décédé, Charles Willeford, qui a écrit quatre bouquins consacrés à Miami d'une remarquable humanité.

Frédéric Valion

27/01/99