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2008 dBD: Clair-obscur à Cherbourg


Loustal clair obscur, 4 avril- 21 septembre 2008 Cherbourg-Octeville



Clair-obscur à Cherbourg
Toute l’oeuvre de Loustal en lumière à Cherbourg, cela valait bien la Une de notre revue ! Avec cette capacité de travail et cette faculté de toujours avancer... tout en gardant un style ; Loustal ne cesse de nous émerveiller !

Parlez-nous de cette grande exposition, autour de votre travail, dans le cadre de la Biennale de Cherbourg…

Christian Desbois, le commissaire de l’exposition, m’a proposé d’être l’invité de cette manifestation, tout comme Bilal, Schuiten et Juillard l’avaient été avant moi. N’ayant pas monté de grandes expositions depuis longtemps, je n’avais aucune raison de refuser. Au début, j’ai cru qu’ils voulaient organiser une rétrospective ; j’ai regardé ce que je pouvais leur fournir et j’ai contacté certains collectionneurs pour récupérer des pièces. Finalement, ce fut inutile : les conservateurs du musée se sont déplacés plusieurs fois, ici, à l’atelier pour décider quel allait être le fil rouge de l’exposition…

Et alors ?

Ils ont opté pour le clair-obscur, ce qui annulait toute la partie peinture pour se focaliser sur mes aquarelles, le papier… Ils ont aussi demandé à Franck Bordas d’imprimer, sur de très grandes estampes numériques (deux mètres sur deux), certains travaux extraits de Nord, mon portfolio édité chez Alain Beaulet. Le résultat est surprenant ! Ce sont des aquarelles, très académiques, proches de la photographie qui supportent bien l’agrandissement. Elles deviennent des oeuvres à part entière…
Leur choix s’est également porté sur vos photographies…

C’est vrai que cette exposition me permet de montrer tout le travail que je fais en photo. Nous avons choisi des images très graphiques et des panoramas que je n’ai jamais publiés, ni vraiment montrés [Un petit livre de photos, Argentique, est sorti récemment chez Alain Beaulet]. Là encore, Franck Bordas s’en est occupé. Détail amusant : quand j’ai connu cet imprimeur, il y a une dizaine d’années, il avait toujours les mains pleines d’encre. Maintenant, il est entouré d’ordinateurs dans une ambiance très high-tech… (Rires).

À suivre... // Entretien réalisé par Frédéric Bosser
 


 

 



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 Par Didier Pasamonik

Si Loustal est aussi important aujourd’hui, c’est parce que depuis le début des années 80, il a apporté à la bande dessinée une touche bien à lui héritée de ses arts de référence : la peinture, la musique, la photographie et le cinéma. Le Musée d’art Thomas-Henry de Cherbourg-Octeville lui consacre une passionnante rétrospective cet été dans le cadre de sa biennale du 9ème Art.

 

Inspiré par l’architecture, comme ses collègues auteurs de bande dessinée comme Daniel Torrès ou François Schuiten, Loustal place ses premières illustrations en 1977 dans {Rock& Folk}. Il entre ensuite dans {Métal Hurlant} en 1979, puis dans {(À Suivre)} et {L’Écho des Savanes} au début des années 80.

Il n’arrive pas à cet endroit là et à ce moment-là par hasard : la bande dessinée se découvrait alors « adulte » et cette maturité lui a permis de proposer une démarche spécifiquement artistique inspirée par des précurseurs récents . « Cela aurait été dix ans plus tôt, raconte Loustal, je n’aurais jamais pu me mesurer aux grands maîtres qui faisaient des séries de bande dessinée pour les adolescents. La bande dessinée devenait beaucoup moins codifiée qu’à l’époque de « La Patrouille des Castors » ». Le premier numéro de « Métal » est un choc. Il y voit Moebius que tous les dessinateurs de ce moment ont en ligne de mire. Il y avait Druillet aussi : « Même s’il n’apparaît pas du tout dans mon dessin, il a eu une très grande influence dans mon travail» nous dit Loustal.

Techniques et influences

Dès les premières années, il met au point la technique qui le caractérise. Ses inspirations vont de David Hockney à Matisse, en passant par les illustrateurs allemands Max Beckmann, Otto Dix, George Groz, qui lui apprennent la déconstruction des perspectives. Hergé, avec sa dimension affective d’une grande clarté liée à sa lecture d’enfant, l’influence beaucoup également : «La base de ma technique, c’est l’encre de chine, les couleurs transparentes de l’aquarelle et de l’écoline. C’est à partir du moment où j’ai été au Maroc que j’ai vraiment commencé à travailler l’aquarelle que j’utilisais en tubes, avec beaucoup plus de finesse dans les pigments. Après, ayant étudié ces ressources graphiques, ces différents styles, comme je ne suis pas un auteur complet et que je n’écris pas mes scénarios, je me suis investi dans la forme et dans les variations graphiques possibles. Je ne suis pas quelqu’un qui raconte ses propres histoires et qui utilise juste le dessin comme un vecteur pour raconter ce qu’il veut. Pour moi, au contraire, le dessin est une fin. » Par conséquent, il concentre toute sa créativité sur cette recherche.

« Il y a une multitude d’influences, nous dit Dominique Paysant, commissaire de l’exposition : Hockney, Matisse, les fauves en général, mais aussi une conception « nordique » de la peinture : révéler les objets par l’incidence de la lumière sur les surfaces et les volumes. L’aquarelle permet cela avec ses couches translucides. »

Une éclairante rétrospective

L’exposition que consacre à Loustal le Musée d’Art Thomas-Henry de Cherbourg-Octeville est divisée en quatre parties organisant quelque   200 documents. Elle s’ouvre sur une série d’épreuves numériques de grand format (120 x 190 cm, 150 x 220 cm) réalisées par Franck Bordas avec une technique particulière : « C’est tout à fait bluffant et je ne l’avais pas prévu, nous dit Loustal. Ils me l’ont proposé pour faire cette expo. Il y a d’abord cette rencontre avec Franck Bordas qui est un maître de l’estampe et qui a des nouvelles techniques, des nouveaux scans, des nouveaux lasers, et qui peut faire des agrandissements géants sur papier sans que n’apparaisse le point de trame. Du coup, cela devient autre chose qu’une simple image agrandie imprimée. » L’effet est saisissant : le fil rouge de l’exposition qui est « la transparence et la lumière » se trouve ici justifié : « Nous avons voulu faire passer ses dessins à l’épreuve pigmentaire s’enthousiasme Dominique Paysant. Il y a ici un degré de finesse incroyable. On ne voit pas de trame. On est à l’échelle du pigment, du nanomètre ! Ce qui nous intéressait, c’est cette matité liée à l’impression. »

Ensuite, arrive la salle des fusains. Un cadeau fait par l’artiste aux visiteurs de cette exposition : « Je voulais quelque chose de spécifique à cette exposition, raconte Loustal. Comme je fais beaucoup de fusains comme dans « Atraverso la Città » (éditions Tricromia – Diffusion Makassar), j’ai utilisé cette technique pour représenter ces bâtiments, ces forts de Vauban, ces constructions militaires un peu rouillées, ces phares, ces volumes de béton etc. Je les dessine avec un bottin sous le coude, à main levée, en suspension au-dessus du dessin, comme dans une calligraphie. Le fusain utilisé de cette manière sans jamais l’estomper a une énergie incroyable qui se rapproche du dessin à la plume, sans le côté laborieux de cette technique. Il conserve la légèreté du geste proche de l’aquarelle. » C’est effectivement superbe.

Puis vient une salle étonnante pour les habitués de l’artiste : un ensemble de collages photographiques façon Stefaan De Jaeger ou David Hockney. « Photographier, c’est enregistrer de la lumière, nous dit le commissaire de l’exposition. Au-delà de cela, on est dans une logique proche de la bande dessinée qui est l’ellipse. Au-delà du collage, il y a une façon de faire de la bande dessinée avec un appareil photo. Il y a un déroulement du temps et des variations de lumière qui matérialisent le passage d’une image à l’autre, une discontinuité que l’on retrouve entre deux cases dans une bande dessinée. »

On aboutit enfin à une suite de dessins que les amateurs connaissent bien : la plupart de ses bandes dessinées, un large choix de ses illustrations se trouvent aux cimaises de la dernière salle : « Il fallait que le public qui connaît Loustal depuis les années quatre-vingts puisse se retrouver en terre connue, nous dit Dominique Paysant. Nous avons fait un choix parmi 4.000 originaux. Pas forcément celui que nous avions envisagé au départ : il fallait que cela « tienne » dans l’ambiance de l’exposition. Il y a une partie faite d’aquarelles et d’encres originales sur le thème de la transparence et de la lumière, mais aussi une section avec des sérigraphies qui fait contrepoint et qui conclut l’exposition par leurs surfaces de couleurs qui vont à l’encontre de la transparence et des textures qui apparaissent sous la couleur. ». Histoire de rappeler que la couleur n’est jamais que la réflexion de la lumière alors qu’elle arrivée, comme le visiteur, en bout de course.

Par Didier Pasamonik

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