Loustal et Coatalem : Duo sur divan 

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Loustal et Coatalem
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 analyse de Loustal et Coatalem :Duo sur divan 




Partant du principe que tous les auteurs de BD sont de grands malades et que deux profits valent mieux qu'un, le docteur Freutch a décidé de concilier interview et thérapie. Sa méthode (qui mêle tests classiques, introspection, hypnose vestimentaire et expérimentation verbale) révolutionne à la fois l'analyse, le journalisme et, indirectement, le 9e art, les auteurs ne sortant jamais indemnes d'une telle expérience. Frileusement recroquevillés sur leurs pseudo-savoirs traditionnels, bon nombre de ses confrères crient au scandale et à l'imposture, tandis que les auteurs de BD n'ont qu'une crainte: tomber entre ses mains. Leur salubrité mentale est pourtant à ce prix - exorbitant. Qu'on le veuille ou non, les séances du docteur Freutch sont appelées à rester dans les annales de la stripanalyse.


Que voyez-vous dans cette tache de chocolat à l'encre de seiche ? 
Coatalem (absorbé): Ca me fait penser à un pubis... féminin... Jacques, ça ne te fait pas penser à un pubis? 
Loustal: Non, ça me fait penser à ma palette d'aquarelle, lorsque je la replie, puis que je la déplie. 
[note existentielle]


Finissez cette phrase: le petit lapin blanc angora était bien malheureux ce matin-là, car... 
Coatalem: ... car ce matin-là, sa mère avait mangé toutes les carottes... (silence, rires de Loustal) 
Loustal: Tu vas pas pouvoir faire un très grande carrière au théâtre des Deux Anes ! 
(A Loustal) Si vous étiez devenu architecte, vous auriez plutôt réalisé: 
- des bergeries 
- des bonneteries 
- des boucheries-charcuteries? 
Loustal: Des bergeries 

Une explication? 
Coatalem: A cause des moutons. 
Loustal: C'est parce qu'il adore les nuages, donc il parle de moutons... 
Coatalem: Il adore les brebis! 
Loustal: C'est adapté à moi, ces questions? Parce qu'à la base, je suis architecte... [note promotionnelle] 
Bien sûr, c'est un questionnaire spécial. 
Loustal : Effectivement… 

Dans "Jolie mer de Chine", il n'y a absolument aucune contrepèterie signifiante. Est-ce volontaire? 
Coatalem: Oui, c'est volontaire... On y a pensé... On y a pensé, et on s'est dit: "Est-ce que ça ne posera pas des problèmes?..." (il se ravise, inspiré) Ah, mais si, il y a une contrepèterie! "Jolie merde!" 
Ah oui mais là, on a perdu des syllabes. 
Coatalem: Oui, c'est vrai…. 
Et vous vouliez donc introduire une contrepèterie... 
Coatalem (vivement): Non, non, non, holà! Je n'introduis jamais de contrepèterie, moi. C'est un principe religieux. 
A moins d'y être invité ? 
Coatalem: Alors c'est différent… 

Les seuls animaux qui peuplent l'album ne sont ni des petits chats, ni des gentils chiens, mais de méchants pangolins. Est-ce que vous ne trouvez pas ça choquant? 
Coatalem: Non, parce que le pangolin est un animal affectueux, il suffit de lui offrir des graines de tournesol pour qu'il vous rende au centuple l'amour que vous lui portez. 
(A Loustal) Et vous? 
Loustal: Oh, ça c'est un truc pour scénaristes... 
Mais pour dessinateur aussi, puisque vous les avez dessinés, ces fameux pangolins. Est-ce que c'était jouissif? 
Loustal: Les pangolins sont pour moi de la famille du tacou... J'aime et j'ai une affection particulière pour ces mammifères à écailles... C'est assez rare, et donc... Il y a une époque de ma vie où j'ai failli devenir zoologue, et donc je m'intéresse aux animaux. 
Coatalem: Zoologue ou zoophile? 
Loustal: Hé hé... il a bu de l'alcool de pangolin en... C'était où déjà? [note parasexuelle] 
Coatalem: A Saïgon, j'ai VU de l'alcool de pangolin. 
Loustal: Oui, à Saïgon. 
[note télévisuelle] 
Pour vous, voyage rime plutôt avec effeuillage, tripotage, ou découverte? 
Coatalem: Découverte. 
Loustal: Découverte, bien sûr! Cette interview va être diffusée sur le net... 
Coatalem: Génial! 
Loustal: ... donc... découverte. 
[note obsessionnelle] 
Si vous deviez vous réincarner dans un animal dont le nom commence par un "p" et finit par "lin", ce serait quoi? 
Coatalem (après avoir réfléchi intensément): Est-ce que le perlimpimpin n'est pas un animal trop méconnu? (silence) Réduit en poudre, le perlimpimpin permet de faire disparaître tout ce qu'on veut. 
Et donc ça vous plairait de vous réincarner en perlimpimpin, c'est ce que vous êtes en train de me dire? 
Coatalem: Oui... oui! 
(A Loustal) Et vous? 
Loustal: Eh bien j'essaie de faire le malin, de trouver un autre animal, mais rien ne vient... Donc en pangolin, oui, en pangolin. 
Hah! Mon Dieu! Mais comment expliquez-vous cette obsession du pangolin? 
Loustal: Un goût prononcé pour l'exotisme.


Pour rester dans l'exotisme... lequel de vous deux est le plus acrobate? 
Coatalem: Jacques. 
Loustal: Non, je pense que Jean-Luc est assez souple... 
(A Coatalem) Etes-vous plus doué pour la culbute à reculons ou le trépied en chaussons? (Ou l'inverse?) 
Coatalem: Oulà... La culbute à reculons... Je ne sais pas... Vous avez vu que la seule acrobatie à laquelle se livre le héros dans le livre, c'est le poirier sautillant... C'est un poirier qui est contrarié par une erreur de navigation qui va le précipiter dans les flots. 
En somme, ce poirier est l'anti happy end… 
Coatalem: C'est effectivement un poirier qui finit mal. 

Dans le dossier de presse Casterman, la biographie de Coatalem est sans équivoque: Tintin, c'est lui! Mais alors, qui est Loustal ?... 
Coatalem: Le capitaine Haddock! 
Ah non, c'est pas du jeu: j'allais vous proposer la Castafiore, Milou ou Séraphin Lampion, parce que je sais par expérience que tout le monde veut être le capitaine Haddock... 
Coatalem: Oui, mais il a vraiment quelque chose du capitaine Haddock. 
Il boit tant que ça? 
Coatalem: Non, mais il peut être grognon comme le capitaine Haddock. 
(A Loustal) Et vous-même, vous vous sentez capitaine Haddock? 
Loustal: Non, pas du tout! [note affligeante, même pas en -elle] 
Plutôt la Castafiore? 
Loustal: Non... non plus... 
D'accord, n'en parlons plus! Plus sérieusement , si vous aviez le choix entre embrasser une carrière bancaire ou un pangolin homosexuel, vous prendriez quoi? 
Coatalem (sans hésiter): Pangolin homosexuel! 
Loustal: Une carrière bancaire, pas de problème... Puisque l'autre versant de mon existence consiste déjà à gérer mes comptes en banque. 
Qui sont paraît-il gigantesques... 
Loustal: Qui sont... qui sont ce qu'il sont. 

Préférez-vous la cuisine européenne, asiatique, africaine, ou la cuisine Schmidt? 
Loustal: Ne connaissant pas la cuisine Schmidt, je ne pourrai pas me prononcer, mais j'aime la cuisine... européenne. Cela dit, je me demande ce qu'est la cuisine Schmidt. [note télévisuelle] 
Votre projet commun de tour du monde en ballon de rugby a lamentablement échoué... 
Loustal: Comme celui de Bronson. 
Ca vous a déçu, j'imagine? 
Loustal: Ca m'a déçu, je dois dire qu'on n'était pas loin de boucler la boucle. 
Coatalem: C'est vrai que nous nous sommes rendu compte trop tard que le ballon de rugby n'était pas spécifiquement adapté pour un tour du monde... 
Avez-vous d'autres projets du même tonneau? 
Loustal: Non, on ne s'est pas encore remis de cet échec cuisant. Il faudra un certain temps avant de remonter un projet. 
Coatalem: Mais nous pourrions réessayer en ballon de football... A condition bien sûr que la nacelle soit une cage de but. 
Pourriez-vous me dessiner une obsession? 
Loustal: Vous n'avez qu'à relire mes albums! 
Ce sera le mot de la fin. Merci pour votre absence totale de pudeur, et à la prochaine séance!



Interprétation 
A ce stade, il est difficile de déterminer lequel des deux est le plus dangereux… Pour bien comprendre la gravité de l'état des patients et de la situation mondiale - n'oublions pas que, grands voyageurs, ils peuvent sévir n'importe où -, il est nécessaire de rappeler certaines notions de base en médecine. A la différence du névrosé, le psychotique est incapable de faire la différence entre ce qu'il imagine et la réalité; en d'autres termes, il vit dans son monde : un monde de fous, inévitablement, puisqu'il est psychotique, c'est-à-dire parfaitement maftaboule. Avec son projet de tour du monde en ballon de football (" avec une nacelle en forme de cage de but ", sic, sans commentaires), Coatalem se situe sans ambiguïté sur le terrain de la psychose.




La " poudre de Perlimpimpin ", le " poirier sautillant ", la confusion entre Loustal et le capitaine Haddock viennent confirmer ce diagnostic. La consommation d'alcool de pangolin n'est évidemment pas pour arranger les choses… Pourtant, cette pathologie pourrait être soignée si elle n'était compliquée par ce détail : le sujet est un obsédé sexuel caractérisé à double tendance perverse. Qu'il voie dans la tache du test un pubis féminin ne choquera personne - à part peut-être le pubis en question, découvrant qu'il n'appartient pas à une vraie blonde puisque la tache est brune. Mais ceci prend une tout autre couleur lorsque l'on met à nu l'objet central du désir de Coatalem : le " pangolin homosexuel ". S'il est vrai qu'un individu qui aime les animaux ne peut être totalement mauvais, alors Coatalem est le meilleur des hommes, lui qui ne peut parler zoologie sans penser zoophilie… Qu'à cela ne tienne, diront ses défenseurs, il canalise et sublime ses pulsions dans ses écrits ! Vraiment ?… Si l 'on considère la trouvaille de l'Auteur, cette quintessence du jeu de mots et du travail de plume, le fameux " jolie merde (de Chine) ", on est forcé de se rendre à l'évidence : il est davantage question ici de canalisation que de sublimation - Coatalem, on le sait, est un éminent scatologue.




Le cas de Loustal est différent, mais non moins préoccupant. Zoologue contrarié, architecte refoulé, voyageur traumatisé par l'échec de son dernier projet, pense-t-il vraiment trouver le bonheur en vivant la vie d'un pangolin? Sans doute que non. Pour dépasser sa névrose, il a choisi de s'enfermer dans le travail plutôt que sous les écailles. Là où Coatalem voit un pubis de donzelle, lui reconnaît sa palette d'aquarelle... Qui n'a jamais vu Loustal plier, déplier, et replier encore sa palette, compulsivement, frénétiquement, ne connaît pas le vrai et terrifiant visage de la démence. Quel plaisir retire-t-il de ces agitations solitaires? La satisfaction du travail bien fait? L'harmonie d'une page, la justesse d'un regard ou la splendeur d'un trait? Certes non. Tout ce qui intéresse cet onaniste de la couleur, C'EST LE FRIC! L'amour exclusif et morbide de ses insondables comptes en banque, "qui sont ce qu'ils sont", plus vertigineux qu'hier et bien moins que demain. Lorsqu'il nous invite à relire ses albums pour y découvrir ses obsessions, il nous incite en réalité à alimenter la seule vraiment importante par ce message clair, à peine déguisé: achetez, achetez mes albums, CRACHEZ AU BASSINET, ENVOYEZ LA MONNAIE!!! Dévoré lui-même par sa monstrueuse folie, ce maniaque la nourrit en dépouillant ses lecteurs, dans une gigantesque orgie de pognon, spirale infernale où chacun est en même temps maître et esclave, victime et bourreau, dealer et consommateur.




Ma péremptoire prescription: sans vouloir affoler personne, il y a le feu au lac. Que les patients attrapent leur mémoire à tiroirs-caisses, leur structure mentale multifesses, et remontent illico dans leur ballon de rugby, leur nuage ou leur brebis. Car il est un principe fondamental en psycho-pathologie: les fous dangereux le sont moins quand ils sont loin... 

post-striptum 

Découvrez le dossier "Loustal-Coatalem: la BD prend le large!" 



analyse réalisée par Le Dr Freutch pour {asuivre.com}