JACQUES LOUSTAL :
IMPRESSIONS D'ORIENT
Loustal 1983
II est trop
tard pour dire que vous avez découvert en Jacques Loustal un génie. En
effet, dès 1982, Marc Voline, esthète éclairé s'il en est, déclarait
dans l'«Année de la BD» qu'avec «Clichés d'Amour», son deuxième
véritable album, Loustal donnait pour la première fois toute la
mesure de son talent : «Son trait s'est affiné, ses cadrages rodés,
gagnant en impact, et il obtient de ses couleurs des effets absolument
insoupçonnés auparavant, se révélant au paysage un remarquable
paysagiste»...
Depuis lors,
Loustal a séjourné pendant 18 mois sous le soleil marocain. Il nous en
ramène «Cours de sable», une bande dessinée de longue haleine qui
paraîtra dits février dans («A SUIVRE») et une série de paysages à
l'aquarelle de la très belle Zenata Plage. A vous de le découvrir...
Chic-Bull
Magazine - Les obligations militaires ne semblent pas avoir été une
dure corvée pour Jacques Loustal...
Jacques
Loustal - Mon service civil m'a amené à faire un séjour d'une année et
demi au Maroc, et ce en qualité d'architecte. A côté de l'endroit où
j'étais «basé» se trouvait Zenata-Plage. J y ai réalisé quantité
d'aquarelles et de croquis. Une trentaine de celles-ci vont
prochainement être mises en album par les éditions Magic-Strip. Ce
sont des travaux qui avaient été faits de façon très naturelles.
Cependant, à
mon retour, l'envie s'est faite pressante d'utiliser pour une bande
dessinée toute la documentation matérielle et imaginaire que j'avais
réunie. J'en ai parlé avec Jacques Paringaux, mon scénariste habituel,
qui a confronté ma vision «vécue» au Maroc avec la sienne, plus proche
du côté mythique de l'Orient. Si on sent naturellement que notre
histoire se passe dans un pays oriental, celui-ci n'est néanmoins pas
situé géographiquement.
Cette
fertile gestation á fait passer le projet initial de 20 à quelques 62
planches.
C.B.M. - «Coers
de sable», votre nouvelle histoire, met en scène quatre
personnages...
J.L. - ...
En effet. L'officier français et le Prince arabe sont tous les deux
amoureux de Baby, une jeune et jolie joueuse de tennis américaine.
Quant à l'allemande Eva, le lecteur sentira aisément qu'elle est
également éprise de son amie américaine. Notre histoire présente donc
un côté romanesque prononcé...
Le Prince
arabe enlève finalement Baby pour l'amener dans sa retraite située au
fin fond d'un très beau désert. Ce qui obligera l'officier français -
qui a entretemps été obligé de démissionner de l Armée suite à une
machination du Prince arabe - et Eva à unir leurs efforts pour
retrouver la belle américaine. Une quête qui sera nécessairement
ponctuée d'aventures !
C.B.M. -
Vous avez également changé de revue pour publier cette histoire.
J.L. - Je
crois tout d'abord qu'un dessinateur ne doit pas s'attacher à une
revue. C'est pour cette raison que j'ai toujours tenu à réaliser les
travaux de commande que l'«Echo des Savanes», «Pilote» ou «Rock &
Folk» me demandaient.
Ceci étant
dit, dès le début, Paringaux et moi avons pensé que «Coeur de sable»
était fait pour paraître dans un support comme («A SUIVRE»), étant
donné son côté «littéraire» et son aspect «Roman en BD». Jusqu'à
présent, les histoires que j'avais réalisées étaient parues dans des
numéros 'spéciaux ou non de la revue «Métal Hurlant». Leur brièveté me
permettait de changer d'approches et de styles graphiques. Mon second
et dernier album en date - «Clichés d'amour» - fonctionnait donc
comme une balade au sein d'une série de nouvelles.
C.B.M. -
Comment te situes-tu dans le petit monde de la BD ?...
J. L. - Il
faut tout d'abord dire que si je regarde de temps en temps des bandes
dessinées, je ne les lis que très rarement. La photographie et !a
peinture m'ont certainement plus influencé que la BD. C'est peut-être
ce qui m'a évité d'être marqué de façon évidente par l'influence d'un
«Maître», chose si fréquente dans notre milieu. Cela m'a également
permis d'avoir une capacité plus grande à changer de style. Ce qui est
le plus important pour moi, c'est d'arriver à apporter une lecture
différente du rapport entre le texte et l'image. Le lecteur ne doit
plus avoir l'obligation ou le droit de subir l'image comme une
redondance du texte. Il dout y avoir un plus grand «décalage.
Sur un autre
registre, dans «Coeurs de sable», il n'y a pas de «bulles» : textes et
dialogues sont intégrés en. dessous de l'image.
De plus,
j'ai l'impression que l'auteur de BD vit en vase clos. Moi, j'aime
voyager et utiliser tout ce que je vois. Et puis il y a aussi cette
hantise d'avoir à refaire la même chose, la même histoire...
Propos
recueillis par Michael de Zulawski. Paris, le 19 novembre 1983.
Albums de
Jacques Loustal
Loustal (éd. Rudler) épuisé
New-York Miami (Humano)
Clichés d'Amour (Humano)
Zenata-Plage (Magic-Strip) janvier 1984
|