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1997 Dans l' atelier de Loustal : BDSCOPE / BD scope septembre '97

BD-Scope numéro 7/8, juin a  septembre 1997, p 35 - 42 



BDScope, le guide de la BD et des métiers de l'image dessinée. C'est le numéro 7/8 de juin/septembre 1997, il fait 71 pages et parle exclusivement de la BD il n'y a pas de BD comme d'autres revues, que des articles illustrés, des dessins, photos de BD, reportage sur auteurs, résume des BD sorties ... Voici un extrait du sommaire : Reportage sur Gotlib, sa vie, ses pensées ; une visite de l'atelier de Loustal ; Une leçon de dessin ; Le guide des BD d'été ; Une chronique des images cebsurées ; Des croquis, des billets d'humeur.

Dans l’atelier

Loustal mélodies. II y a des jours comme ça où se décident de drôles d'ambiance. Ce jour de printemps, il neigeait sur le XIXe arrondissement de Paris. Une neige particulière et plumeuse de fleurs de noisetiers.

Le canal de l'Ourcq avait perdu son air de Brooklyn pour revêtir celui d'un quai d'Amsterdam. II y a des jours comme ça où le temps se décale, les sensations se font plus fortes, comme dans les dessins de Loustal. Dans l'atelier de Jacques de Loustal justement, nous attendaient ses génies venus du monde entier, ses statuettes africaines fin de siècle, ses morceaux choisis de voyages. II y a des jours comme ça où l'on se sent léger et grave à la fois, comme dans un dessin de Loustal.

<<]'ai le goût des espaces plutôt vides.»
Dans son espace froid, éclatant de blance et haut perche, Loustal se ramasse comme un chat derrière sa table à dessin. Musique rock‑garage hour l'atmosphère. Kilim et canapé pour le visiteur, avec vue sur le vélo hollandais. Au‑dessus du dessinateur, une armée de statuettes anatomiques se désarticulent dans une mêlée figée, près dune batterie de pinceaux japonais et des divisions de petits pots d'encres de couleur. Des piles de journaux, de documents photographiques et de livres d'art aux techniques d'impression disparues. Une couverture du prestigieux New Yorker. Quelques visions qu'il aime, accrochées au mur : ses propres toiles, une sérigraphie de Sophie Dutertre, une émouvante enseigne béninoise reprenant un de ses dessins ou encore cette aquarelle d'Eberoni. De ses voyages innombrables, impromptus et variés, Loustal ramène des éclats de beauté. Gorille de l'Urugay, masques vaudou du Bénin, marionnettes de Java... Objets d'une industrie tiers‑mondiste déglinguée, art brut, simplicité, gaîté colorée, coil rond et bouches dentées, naïveté universelle. Tous ses objets épars semblent être les petits frères d'intelligence des images de Loustal : une élégance avec trois fois rien. Dans l'ombre, la lame d'aluminium d'un ventilateur italien des années 50.

 

La philosophie du voyageur

 «Carnets de voyage au Seuil constituent deux livres typiquement de fonds de bibliothèque : des gens se les procurent pour les comparer aver leurs propres sensations de voyages. Mes dessins de voyage sont les plus personnels, les plus libres, ceux qui me procurent le plus de plaisir, qui ne sont commandés et attendus par personne !... /e m'en fous si ces dessins‑là ont des erreurs de perspective. Au fil des années, mes dessins de voyage se sont mis à nourrir ma BD et ma peinture. Je remplis des carnets dans lesquels je puise des idées d'images, de plans, de cadrages. Tous ces voyages sont des occasions qui se présentent à l'occasion d'expositions ou de conférences, comme par exemple l'Amérique latine l'année dernière où je me suis rendu cinq fois. Un vrai choc culturel et graphique pour moi ! /e ne suis pas un dessinateur casanier, je ne refuse jamais un voyage, il passe par dessus tout, même si j'ai énormément de boulot.» 

«Alors que j'étais en plein dans ma nouvelle bande dessinée, un lourd et gros récit, le magazine Grands Reportages m'a proposé de réaliser des images sur les îles du Dodécanèse, je n'ai pas hésité.

Même les endroits comme la côte saharienne ou Santiago du Chili en plein hiver où je me suis ennuyé ferme, sont après coup des petits bonheurs : s'ennuyer à Santiago plutôt que dans son atelier, c'est quand même un luxe ! A la base, le voyage est un plaisir d'enfant, j'adorais regarder les cartes.

Aujourd'hui, sentir une atmosphère inconnue, ne pas recevoir de courrier ou de coup de téléphone, être l'étranger injoignable dans une ville, me donnent beaucoup de plaisir, Mieux, aujourd'hui. Découvrir un maximum de pays est pour moi un devoir ! Ma cartographie des dernières années, ce sont les iles et les Tropiques. II y a une idée de chaleur et de solitude qui en émane. Dans les pays chauds, on peut occuper le terrain, dessiner sans geler sur place. Mes dessins de voyage sont une façon d'occuper un endroit, d'être bien au moment présent, comme un plaisir de cigarette. Its sont la justification de me planter au coin d'une rue ! Mais aujourd'hui, je pourrai aller n'importe où, y compris dans les pays de l'Est qui ne m'attiraient pas spécialement. Mes dessins de voyage ont perdu en naïveté, sont moins amateurs. Je remplis mes carnets dans le but de me constituer des petites réserves de souvenirs, un peu comme des notes d'écrivain. Par rapport aux photographes, nous, les dessinateurs, avons un grand atout le fait de dessiner n'installe jamais de rapport agressif»

  

C'est une philosophie. Futuropolis avait déjà édité un délicieux Carnet de voyages de Loustal, des croquis à main levée d'un dessinateur en jetlag. Casterman avait embrayé avec ses somptueuses productions en couleurs dans un très bel album superbement titré Lumières du jour. Cette année, Loustal a sélectionné et maquetté quinze années de croquis de voyages, publiées en deux tomes par Le Seuil. Du Maroc à l'Afrique, de l'Equateur à l'Ecosse, Loustal a balayé son regard au coin des rues surchauffées et vidées de son sang par le soleil ou le vent, vers les moucharabieh et les ombres secrètes, les palmiers des casinos défraîchis, sur les échoppes et les étals de marchés rutilants et emmouchés, les tables en mica de bord de mer, les jetées rongées sur des îles de nulle part, des jardins exubérants, des dancings chaloupants et des ruelles obscures. Loustal est le biographe d'infimes secondes du: monde, de regards ou gestes du siècle, de feuilles charnues et d'orchidées opulentes, de quelques chiens errants et ombres d'hommes.

Vacances studieuses pour Loustal. Sur un canevas de son vieux complice Philippe Paringaux, Loustal a développé un récit qui marque une rupture avec ses BD précédentes : après les aventures du désert, les années 50, le polar juif new‑yorkais, Kid Congo raconte les exploits de boxe d'un ancien tirailleur sénégalais au début du siècle. Paris 1900, couleurs sombres et brunes, mais toujours cet onirisme sensuel qui imprègne son œuvre.

 

fanzine BDSCOPE n°10
Tardi, cosey, Mattotti Tendre Poilu Asterix Mezieres Bourgeon Loustal Le Gall
Auteur : Collectif
Editeur : Bédéscope
Collection : Bdscope
Parution : 01/12/1997


Kid Congo: Loustal