2000 Figaro Magazine
du 23 septembre 2000
Figaro Magazine du 23
septembre 2000 n°17455, pages 154 et 155, "Loustal: Simenon a la
trace"
Advertisement,
comic strip, illustration of novels and sleeves of
disks, jacques of Loustal imposed itself by an
atmosphere made of permanence and mystery of the Simenon
in painting.
Publicité,
bande dessinée, illustration de romans et de pochettes de
disques, jacques de Loustal s'est imposé par une atmosphère
faite d'immobilisme et de mystère du Simenon en peinture.
Loustal
Simenon à la trace par Sébastien Lapaque
Virtuose et nonchalant, Jacques de Loustal dessine et
peint comme d'autres écrivent. Aujourd'hui, il prend en
filature le commissaire Maigret.
Paris,
l'atelier de Jacques de Loustal est installé au bord d'un
canal. C'est assez pour déclarer le dessinateur prédestiné à
s'attacher à l'univers de Georges Simenon. Dons son oeuvre, on
trouve d'autres signes annonciateurs de sa rencontre avec le
romancier aux quatre cents livres. Lui-même en souligne
quelques-uns.
-
J'ai toujours ressenti fortement les atmosphères de Simenon.
Jaime bien la façon dont il décrit ses personnages,
l'ambiance dons laquelle ifs évoluent. Leur solitude
me touche
beaucoup.
Il avance d'ailleurs une preuve de l'ancienneté de sa passion
-
j'ai passé mon diplôme d'architecte avec un mémoire sur « Le
paysage du canal ». II y était question de to perception du
canal en littérature, notamment chez Georges Simenon.
Deux
univers faits pour se rencontrer
Longtemps
Loustal fut cerné par Simenon. Qu'on songe à ces détails
dérobés aux abords de son atelier : un
pécheur taciturne tirant sur son clope, des canards grelottant
sur l'eau verte, un chemin de halage au-dessus duquel glisse
un ciel flamand. Un décor éloigné de ceux qui ont assuré la
renommée de Loustal, trop élégant pour ne pas en faire
lui-même la caricature:
-
Un palmier, un musicien, un petit chien.
Les nuages, Loustal les a souvent représentés cotonneux et
blancs, comme les panaches de vapeur qui s'échappent de la
cheminée des paquebots. Son premier travail d'illustration
dédié à Simenon concerna logiquement un roman austral : Touriste
de bananes (Vertige Graphic, 1998). L'histoire poignante
de l'installation manquée à Tahiti d'un jeune homme qui rêvait
d'une vie insouciante sur les bords d'un lagon.
Si Loustal est satisfait de cette première confrontation avec
l'univers de l'écrivain, il souligne qu'elle fut tardive. Dix
ans auparavant, les responsables des éditions Futuropolis -
Gallimard, pour qui Tardi travaillait sur Céline, lui avaient
déjà proposé d'illustrer une oeuvre de son choix. II avait
pensé à deux livres
de Simenon : le Coup de lune, un roman de 1933 se
déroulant en Afrique, et Quartier nègre, publié en
1935 et situé au Panama. A l'époque, le père de Maigret était
encore vivant. Le sachant très attentif à la cession de ses
droits, Loustal lui avait envoyé une série de dessins
préparatoires. Aucun accord d'éditeurs n'avait pourtant pu
être conclu. C'est Sous la lumière froide, de Pierre Mac
Orlan, qui avait finalement bénéficié de ses images.
Quelques années plus tard, sa rencontre avec Marc Simenon, le
fils aîné du romancier, et Mylène Demongeot, son épouse, lui
offrit l'occasion d'oublier ce rendez-vous manqué. Aux
éditions Vertige Graphic, qui lui suggéraient d'illustrer Au
coeur des ténèbres, de Joseph Conrad -« un livre trop
métaphysique, trop sérieux » -, le dessinateur proposa
l'édition illustrée d'un Simenon.
-A l'époque, je songeais à une transposition en bande
dessinée. Ce travail sur Touriste de bananes me permit de
foire une première lecture en profondeur d'un Simenon, avec
un ou deux dessins par chapitre, pour voir ce que cela
donnait je me suis rendu compte que Simenon était difficile
à adopter en bande dessinée.
Artiste aux dons infinis, inventeur d'une manière
reconnaissable entre toutes, consacré par ses illustrations
pour la presse et la publicité, ses peintures, ses affiches,
ses pochettes de disques, Loustal revient au livre comme
l'oiseau migrateur à son nid.
- C'est mon univers, j'ai toujours baigné dans un
environnement littéraire.
A 44 ans, cet illustrateur voyageur, qui publia ses premiers
dessins à la fin des années 70 dans Rock & Folk et Métal
hurlant, peut se flatter dune bibliographie avantageuse. II
s'est fait un nom dans le grand monde de la BD française en
travaillant avec Philippe Paringaux, Tito Topin, Jean-Luc
Fromental, Jérôme Charyn.
II
illustre Mac Orlan et Coatalem
D'Italie,
du Maroc, d'Israel, du Mexique, d'Argentine, du japon, de
Grèce, des Etats-Unis, de Chine, il a rapporté trois Carnets)
de voyages (Seuil, 1997-1999). L'illustration de romans et de
nouvelles complète l'accord parfait qu'il a toujours souhaité
réaliser entre texte et image. Outre des romans de
Pierre Mac Orlan et de Georges Simenon, il a illustré les
Contes de la forêt vierge et les Lettres d'un
chasseur, d'Horacio Quiroga (Seuil-Métailié, 1998 et
2000), sans oublier 50 000 dinars, une nouvelle de
Jean-Luc Coatalem (Reporter, 1995), qui lui doit la couverture
de trois de ses livres et dont il se prépare à transposer une
autre nouvelle en bande dessinée.
Maigret,
c'est la pipe, le chapeau, l'imperméable
Jacques de Loustal, qui n'a rien perdu du dandysme
affiché par le titre d'un de ses premiers livres (Une
Vespa, des lunettes noires, une palm beach, elles
voudraient en plus que j'aie de la conversation), ni
de la tendresse affectée par l'un des suivants (Un garçon
romantique), est un voyageur au long cours. II poursuit son
inspiration aussi loin qu'Achab Moby Dick. Dans une poche de
son sac à dos, un petit carnet renferme ses notes de
lecture. Des livres d'Henri Calet, de Tennessee Williams, de
Jack London, d'Herman Melville, de Francisco Coloane, de
Truman Capote. Et des Simenon, beaucoup de Simenon : la
Chambre bleue, Feux rouges, L' Aîné des Ferchaux, Long
tours, l'Escalier de fer, les Voyageurs de la Toussaint, la
Fuite de Monsieur Monde...
Lorsqu'il lui fut proposé d'illustrer deux nouvelles
mettant en scène le commissaire Maigret pour la collection
Omnibus, Loustal hésita.
- Trop d'incarnations à la télévision, au cinéma. Je ne
voulais surtout pas faire de Maigret un héros stéréotypé,
comme dans certaines bandes dessinées.
Voulant sans doute éprouver « la jouissance éternelle de la
contrainte » affectionnée par Baudelaire, il finit par
s'intéresser à ces textes inattendus, partie immergée de
l'iceberg Simenon : le Client le plus obstiné du monde et On
ne tue pas les pauvres types. Composés en 1946 par un Simenon
exilé en Amérique, ces récits emplis de personnages assaillis
par le doute appelaient l'art nonchalant de Loustal. II a
réalisé pour chacun d'eux une quinzaine de dessins en noir et
blanc, à la plume, rehaussés au crayon.
- Pour Maigret, je me suis contenté d'une silhouette : la
pipe, l'imperméable, le chapeau.
Loustal? Le style.
«
Carnets » Omnibus, 108 p., 60 F.
« Carnets » Omnibus, 108 p., 60 F.
En librairie le 28 septembre 2000.
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Maigret
vu par Loustal. Dessin réalisé pour Le Figaro Magazine
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