2012 Le temps égaré
Le temps égaré
Sylvie Granotier
Couverture: Loustal
Le Temps égaré N° 612 du 26 Septembre 2012
Sylvie Granotier : Le temps égaré (Petits
polars du Monde)
Dans la collection Petits polars du Monde, l’excellente Sylvie Granotier
signe un texte au charme vénéneux, “Le temps égaré”.
Michel Demérand est chef comptable à la compagnie d’assurance La Providence.
Quadragénaire, bel homme attirant, cheveux noirs coiffés en arrière, gros
poste à responsabilités, costume anthracite et tenue de rigueur. Il est très
amoureux de sa compagne, Marianne, âgée de vingt-six ans, secrétaire dans la
même société. Il a mis trois semaines pour la séduire, avant qu’elle ne
s’installe chez lui, rue Cadet. Michel est un peu possessif, sans doute, car
Marianne ne laisse insensible aucun regard masculin. “Moi, j’adore les
sandales plates, les couleurs flashy, les jupes qui volent et les boucles
d’oreilles à étages.” Elle possède une sensualité naturelle, une liberté à
l’opposé du conformisme de ces milieux. Peut-être pas le couple le mieux
assorti qui soit, Marianne pouvant paraître futile pour le sérieux Michel.
Néanmoins, une relation satisfaisante. Pourtant, Michel a senti que ça se
dégradait entre eux. Puis, il a trouvé le journal intime de Marianne.
De l’automne précédent jusqu’à ce mois de juin, elle a rencontré fréquemment
un amant, âgé de trente ans. Il est marié, n’a aucunement l’intention de
quitter son épouse, mais ça ne semble pas déranger Marianne. Depuis de longs
mois, ils se donnent rendez-vous Gare d’Austerlitz. La jeune femme l’attend
avec impatience. Ils vont à l’hôtel, se promènent dans des coins de Paris où
ils ont peu de risques de croiser Michel. L’amant a fait découvrir à
Marianne un endroit insolite, à La Salpêtrière. Et puis, clandestinement,
ils se retrouveront pour des week-ends à Orléans. C’est du bonheur pur
qu’exprime Marianne dans son journal intime. Elle craint que Michel ne
trouve ce carnet. Elle le cache mieux, mais son compagnon déjoue ses
modestes ruses. Cette fois, Michel a décidé qu’il ne la laisserait pas
partir avec cet amant inconnu. Il se servira des confidences de Marianne
dans son journal pour la supprimer…
Si, pour le grand public, Sylvie Granotier est avant tout comédienne, les
lecteurs de polars connaissent en priorité ses qualités de romancière. Elle
a été publiée dans la Série Noire, chez Baleine. Plusieurs de ses subtils
suspenses sont parus aux éditions Albin Michel, tels “Double Je”, “Belle à
tuer”, “Tuer n’est pas jouer” ou “La rigole du Diable” en 2011. Dans ce
texte court, on retrouve avec un grand plaisir toute sa finesse d’écriture.
La narration est tout le contraire de linéaire, entre extraits du journal de
Marianne et réflexion personnelle de Michel. Histoire d’un couple actuel
“improbable”, dessinée en peu de phrases mais avec précision. Histoire
criminelle aussi, au dénouement quelque peu ironique. Avec des clins d’œil
au film “Vertigo” (Sueurs froides) d’Alfred Hitchcock. Belle occasion de
lire Sylvie Granotier, auteure trop rare pour ceux qui aiment sa maîtrise
d’intrigues doucement perverses.
Les treize titres de cette collection : Didier Daeninckx (Les négatifs de la
Canebière), Jean-Bernard Pouy (Ce crétin de Stendhal), Marc Villard (Tessa),
Dominique Sylvain (Parfums d’été), Caryl Férey (Famille nucléaire),
Alexandra Schwartzbrod (Momo), Chantal Pelletier (Crise de nerfs), Franck
Thilliez (Le grand voyage), Michel Quint (Triste comme un enfant), Tito
Topin (Un été 22), Marcus Malte (Les Indiens), Sylvie Granotier (Le temps
égaré) et Pierre Pelot (Roman de gare). |
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