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1996 Architecture dans le 9ème ART / Architectuur in de 9e KUNST

Cassette avec 23
Planches en Lithographie
par les maîtres de la Bande Dessinée: DE CRECY, GRATON, PRATT, MEZIERES, FUGA, CHRISTIN, VANDERSTEEN, SCHUITEN, PETERS, ANDREAS, BAUDIN, SWARTE, TARDI, LEGRAND, BOSSCHAERT, LEGENDRE, MOEBIUS, COSEY, DAVISON, HERMANN, VARENNE, MARTIN, FRANQUIN, WILL, ROSY, BIDDELOO, BILAL, LOUSTAL, PARINGAUX & BRECCIA

NBM - Amstelland Bouw Arnhem / Centre Belge de la Bande Dessinée
Text: Paul Lefèvre
Traduction: Christophe Canon
Esthétique: Jan van der Well
Lithographie: Nederlof Repro
Imp.: Casparie, Hilversum (Pays Bas) - Pascal Lefevre - 1996

Emboîtage cartonné
Qualité de papier: 250 gr.
Format des planches: 30,8 x 30,8 cm
Format de cassette: 31½ x 31½ x 1½ cm
ISBN 90-72745-08-6

Cette édition du NBM-Amstelland Bouw NV (Arnhem) a été réalisée en collaboration avec le Centre Belge de la Bande Dessinée de Bruxelles

Port folio contenant:

·  Une brochure explicative sur les 23 dessinateurs participant au thème, 20 pages (bilingue/tweetalig) en bi-couleurs et les 23 planches :

1.     Nicolas DE CRECY: "Le bibendum céleste 1", Vue panoramique de New York-sur-Loire (Humanoïdes Associés, 1994)

2.     Jean GRATON: "Michel Vaillant 46: Racing show", Grand-Place de Bruxelles avec hôtel de ville gothique, années 1980 (Graton, 1985)

3.     Hugo PRATT & Guido FUGA: "Corto Maltese: Fables de Venise", Canal à Venise, 1921 (Casterman, 1984 - réalisé en 1977)

4.     Jean-Claude MEZIERES & Pierre CHRISTIN: "Valérian 8: Les Héros de l'équinoxe", Le Palais de Filène sur la planète Simlane, futur lointain (Dargaud, 1978)

5.     Willy VANDERSTEEN: "Bob et Bobette: Le Casque Tartare", Canaux Brugeois avec beffroi, Moyen Age (Standaard, 1995, rélisé en 1951)

6.   François SCHUITEN & Benoît PETERS: "Les Cités Obscures: L'Echo des Cités", Ville fictive de Mylos avec la version agrandie du lampadaire qu'Horta a crée pour les magasins Waucquez, qui abritent actuellement le Centre Belge de la Bande Dessinée (Casterman, 1993)

7.     ANDREAS Martens: "Le triangle rouge", Villa Américaine crée par Frank Lloyd Wright (Delcourt, 1995)

8.     Edmond BAUDIN: "Le premier voyage", Scène de rue à Nice, vers 1986 (Sherpa, 1987, éalisé en 1986

9.     Joost SWARTE: "A second Babel in: L'Art Moderne", Tour du pavillon français à l'exposition universelle de Berlin (Futuroplis, 1985, réalisé en 1974)

10. Jacques TARDI & Benjamin LEGRAND: "Tueur de cafards", Scène de rue à New York, début des années 1980 (Casterman, 1984)

11. Jan BOSSCHAERT & Marc LEGENDRE: "Sam 4: Pour des prunes", Habitation écologique, années 1990 (Standaard, 1993)

12. MOEBIUS, Jean Giraud: "Le monde d'Edena 3: la déesse", Pyramide sur la planète Edena, futur lointain (Casterman, 1990)

13. COSEY, Bernard Cosandey: "Le voyage en Italie", Scène de rue dans un village côtier de sud de l'Italie, années 1980 (Dupuis, 1988)

14. François SCHUITEN & Benoît PETERS: "Les Cités Obscures: La Fièvre d'Urbicande", Ville fictive d'Urbicande. Cette planche apparait en noir et blanc dans l'album. Cette version en couleur a été réalisée dans le cadre de la Biennale d'Arte de Venise (Casterman, 1985)

15. Al DAVISON: "De minotaurus", Représentation d'un taudis anglais, années 1990 (Sherpa, 1992)

16. HERMANN, Herman Huppen: "Jeremiah 12: Julius & Roméa", Cité murée, Amérique de Nord, 21emesiècle (Dupuis, 1986)

17. Alex VARENNE: "Opéra boum, in (A SUIVRE) hors série: architectures et bande dessinée", Opéra de Paris, années 1980 (Casterman, 1985)

18. Jacques MARTIN: "Alix: l'odyssée d'Alix", Temple de Delphes, entre 45 et 41 avant Jésus-Christ (Casterman, 1987)

19. André FRANQUIN, WILL, Willy Maltaite & Maurice ROSY: "Spirou et Fantasio 10: Les pirates du silence", Station d'essence, années 50 (Dupuis, 1976, réalisé en 1955-1956)

20. Karel BIDDELOO: "De Rode Ridder 133: De spookkaros", Château-fort médiéval de Horst (Standaard, 1990)

21. Enki BILAL: "La femme piège", Vue aérienne de Tower Bridge, Londres, 2025 (Humano SA, Genève-Humanoïdes Associès 1986)

22. Jacques de LOUSTAL & Philippe PARINGAUX: "Barney et la note bleue", Club de jazz à New York, vers 1960 (Casterman, 1987) (Five spot)

23. Alberto BRECCIA: "Dracula, Dracul, Vlad ?, bah", Scène de rue, ville du 19eme siècle (Humanoïdes Associès 1993, réalisé en 1982)

Architecture dans le Neuvième Art (avec Al Davison, Andreas, Baudoin, Biddeloo, Bilal, Bosschaert/Legendre, Breccia, Cosey, De Crécy, Franquin, Graton, Hermann, Loustal/Paringaux, Martin, Mézières, Moebius, Pratt, Tardi, Swarte, Vandersteen, Varenne)
1995. NBM-Amstelland BOUW & CBBD. 2 ill. coul. (cf. album C2, p. 20 case 1 colorisée + album C10 p. 49)

Architectuur in de negende kunst
Architecture dans le neuvieme art
cassette met boek en 23 litho's

Deze cassette is een relatiegeschenk van NBM Amstelland bouw, najaar 1996.
Het boek van Pascal Lefevre is een introductie in het onderwerp striparchitectuur en geeft een uitgebreide beschrijving van de bijbehorende litho's (Nederlands en Frans, 18 pagina's). De litho's zijn 30,8 x 30,8 cm en gedrukt op 250 grams gecoat karton.

Nicolas De Crecy (le Bibendum Céleste 1)
Jean Graton (Michel Vailant 46: Racing show)
Hugo Pratt (Corto Maltese: Fabel van Venetië)
Jean Claude Mezieres & Pierre Christin (Ravian 8: de Helden van Equinox)
Willy Vandersteen (Suske en Wiske: de Tartaarse helm)
Francois Schuiten & Benoit Peeters (De duistere steden: de echo der steden) *
Andreas Martens
(De rode driehoek)
Edmond Baudoin (De eerste reis)
Joost Swarte (A second Babel)
Jacques Tardi & Benjamin Legrand (de Kakkerlakkenkiller)
Jan Bosschaert & Marc Legendre (Sam 4: Pruimentijd)
Moebius, Jean Giraud (de wereld van Edena 3: de Godin)
Cosey, Bernard Cosandey (Reis naar italië)
Francois Schuiten & Benoit Peeters (De duistere steden: de koorts van Urbicande)
Al Davison (de Minotaurus)
Hermann, Herman Huppen (Jeremiah 12: Julius & Romea)
Alex Varenne (Opera boum: architectures et bande dessinée)
Jacques Martin (Alex: de dooltocht van Alex)
André Franquin (Robbedoes & Kwabbernoot 10: het masker der stilte)
Karel Biddeloo (de Rode Ridder 133: Spookkaros)
Enki Bilal (Lady in Blue)
Jacques de Loustal & Philippe Paringaux (Bèsame mucho)
Alberto Breccia (dracula, Dracul, Vlad? bah...)

* deze plaat is ook opgenomen als kerstkaart (17 x 17 cm)

NBM Amstelland Bouw Arnhem / Centre Belge de la Bande Dessinée

1996 ISBN 9072745086
 

  
 
Jacques de LOUSTAL & Philippe PARINGAUX: "Barney et la note bleue", Club de jazz à New York, vers 1960 (Casterman, 1987) (Five spot)

 

Joost SWARTE: "A second Babel in: L'Art Moderne", Tour du pavillon français à l'exposition universelle de Berlin (Futuroplis, 1985, réalisé en 1974)


 

 

Jacques TARDI & Benjamin LEGRAND: "Tueur de cafards", Scène de rue à New York, début des années 1980 (Casterman, 1984)

 


 

François SCHUITEN & Benoît PETERS: "Les Cités Obscures: L'Echo des Cités", Ville fictive de Mylos avec la version agrandie du lampadaire qu'Horta a crée pour les magasins Waucquez, qui abritent actuellement le Centre Belge de la Bande Dessinée (Casterman, 1993)


© Pascal Lefèvre
Architecture et bande dessinée
Dans un média tel que la bande dessinée, où les personnages occupent l'avant-scène, le décor semble condamné à ne jouer qu'un rôle secondaire, voire à se retrouver à l'arrière-plan. La définition habituelle de décor recouvre le cadre naturel ou les bâtiments qui servent à camper une scène. L'apparition de l'architecture dans la bande dessinée dépend en grande partie de l'évolution du décor dans ce mode d'expression. Alors que les bandes dessinées du XIXeme siècle étaient dominées par les personnages, certaines bandes quotidiennes américaines accordèrent dès le début du 20eme siècle une importance capitale au décor. Le Little Nemo est ainsi le jouet d'un décor vivant et en perpétuelle mutation, et dans Krazy Kat, le décor est tout aussi instable et se comporte comme une entité autonome. Dans des strips tels que La Famille Illico ou Polly and her Pals, le décor reflète les modes architecturales de l'époque (d'abord l'Art Nouveau, puis l'Art Déco). Les séries d'aventure des années trente se déroulent bien souvent dans des lieux exotiques, qu'ils soient terrestres ou situés sur d'autres planètes, dans un futur lointain ou dans le passé. Dans les comic books des années quarante, les combats incessants des super-héros occupent une large place. Exception : la série The Spirit accorde une fonction importante au décor. Après la deuxième guerre mondiale, le décor peut parfois disparaître totalement, comme chez les Peanuts, mais il obtient une fonction de premier ordre dans les comic books d'horreur des années cinquante (principalement dans les oeuvres de Krigstein).
Lentement, le décor acquiert de l'importance dans la bande dessinée européenne. Hergé a connu, sur ce plan, une évolution exemplaire : au début des années trente, le décor des aventures de Tintin est dessiné de manière élémentaire, sans véritable souci de réalisme. Par après, Hergé et son studio de collaborateurs feront un usage massif de documentation afin de camper au mieux la réalité. La bande dessinée européenne classique destinée à la jeunesse des années cinquante et soixante parvient de temps à autre (par exemple, chez Jacobs, Cuvelier, Martin) à dépasser le niveau d'une carte postale colorée mais interchangeable. Dans la bande dessinée franco-belge, tout peut être utilisé comme décor, à l'exception de la Belgique. Dès que les éditeurs belges ont voulu exporter leurs albums vers le grand marché français, tout élément allusif à la Belgique disparaît. Quant aux auteurs belges d'expression néerlandophone, la situation est différente, vu qu'ils travaillent surtout pour le public flamand. Des endroits typiquement flamands apparaissent régulièrement dans Bob et Bobette ou Néron.
Le mouvement de contestation des années soixante n'a pas négligé la bande dessinée. De jeunes auteurs rejettent les anciennes normes limitatives et explorent librement de nouveaux styles et sujets grâce auxquels ils touchent un public plus âgé et adulte.
Parmi les conséquences de ce fait, remarquons que le caractère local d'une BD devient une qualité : à titre d'exemple, Comès situe ses récits dans les Ardennes et Servais illustre l'architecture rurale de la Gaume. Dans la bande dessinée pour adultes, le décor constitue plus qu'une toile de fonds unidimensionnelle. Parfois, il forme un élément moteur de l'histoire. Schuiten et Peeters intitulent leur série centrée sur des villes imaginaires dotées de formes architecturales remarquables Les Cités Obscures. Certains auteurs contemporains développent fortement l'élaboration de leurs décors, allant jusqu'à réaliser des maquettes (comme Bourgeon ).
Des bandes dessinées expérimentales vont jusqu'à rejeter totalement les personnages: ainsi, parmi les 180 planches de La Cage, nous ne découvrons aucun personnage humain. Dans cet album, seuls les paysages, les bâtiments et les objets subissent des métamorphoses incessantes.
Les Graphic Novels actuels aux USA et les mangas japonais explorent et utilisent les possibilités architecturales. L'architecture a ainsi acquis sa place dans le monde des bulles; par ailleurs, la bande dessinée n'a pas laissé de bois les architectes. En 1985 l'Institut Français d'Architecture organisa la première exposition de grande envergure sur les rapports entre architecture et bande dessinée, intitulée Attention Travaux ! Quelques architectes, tels que Koolhaas ou Neutelings, réalisent leurs plans sous forme de bande dessinée. Actuellement, plus personne ne peut se comporter comme s'il vivait dans un vide culturel. Les échanges entre les différents artistes ou médias augmentent sans cesse les enrichissements mutuels, les citations et les cross-overs (collaborations).
Les auteurs de bande dessinée subissent également l'influence d'autres médias. La plupart des artistes rassemblés dans notre portfolio ont par ailleurs suivi une formation autre qu'un pur enseignement de la bande dessinée. Loustal est architecte de formation, Hermann a étudié l'architecture d'intérieur et Swarte le design industriel. Le père et le frère de François Schuiten sont architectes. Tandis que de nombreux auteurs de notre sélection jouent avec plaisir le rôle d'architecte (entre autres, Andréas ou Jacques Martin), d'autres se sentent moins d'affinités avec cet aspect et confient les décors à des assistants spécialisés : Franquin, Graton, Pratt, Vandersteen, ... La façon dont on aborde l'architecture dans la bande dessinée est donc fort variable. L'architecture par la bande peut donc être analysée selon plusieurs points de vue. Premièrement nous allons embrasser les caractéristiques et fonctions de l'architecture traitée par la bande dessinée. Ensuite, nous détaillerons plus loin quelques reproductions de notre portfolio : nous analyserons successivement le style de Swarte, Martin, Tardi, Breccia, Loustal, Baudoin et Biddeloo. Notre sélection d'illustrations se limite exclusivement à des auteurs qui ont été publiés par des éditeurs hollandais, belges ou français et elle consacre une attention particulière au courant de renouvellement de la bande dessinée apparu dans les années septante, période durant laquelle l'architecture allait acquérir une position primordiale. Mais nous trouvons également quelques exemples dans la bande dessinée classique pour enfants (Bob et Bobette, Spirou et Fantasio, Alix). Nous sommes convaincus que ce portfolio procure un bel aperçu de l'architecture dans l'univers actuel des bande dessinées.


CARACTéRISTIQUES DE L'ARCHITECTURE EN BANDE DESSINéE

L'architecture dans la bande dessinée ne peut exister que si elle est représentée d'une manière ou d'une autre. Cette remarque paraît assez évidente, mais elle a des conséquences importantes. Ainsi, il est parfaitement possible qu'un bâtiment se retrouve dans une image mais, au sein de l'image suivante, cet élément peut apparemment disparaître, sans que le lecteur ne s'en offusque. Le lecteur de bande dessinée connaît ce code: il sait que le décor a disparu temporairement de l'image afin d'orienter toute l'attention sur les actions des personnages. C'est un des problèmes qu'un auteur de bande dessinée doit résoudre : comment dérouler une action dans un espace crédible sans noyer celle-ci dans un environnement trop détaillé ? Ce que le dessinateur gagne en détail de décors, il le perd généralement en clarté et en lisibilité. Contrairement à un tableau ou à une photographie, l'image BD n'existe pas par elle-même; il s'agit bel et bien d'un maillon dans un ensemble. Plus une vignette isolée est conçue de manière complexe, moins la compréhension sera rapide, au plus une lecture facile sera freinée et ceci est exactement ce que la majorité des dessinateurs veulent éviter. Un album de bande dessinée est généralement vite lu. En outre, chaque décor parfaitement exécuté exigerait de la part des auteurs de bande dessinée un effort supplémentaire. Comment un dessinateur de BD peut-il à la fois et en même temps procurer une information suffisante à propos du temps et de l'espace au sein desquels l'action se déroule ? Evidemment, il peut utiliser des bandes textuelles mais ceci provoque une impression de lenteur. En général il débutera une nouvelle scène avec une large vue panoramique, où la situation est dépeinte. De cette manière, le temps et l'espace sont indiqués. Lorsque ces éléments ont été définis, l'action peut débuter pleinement : le décor disparaît alors du champ visuel et l'accent est mis sur les personnages. A ce stade, le dessinateur opte plutôt pour des gros plans (close-ups), de telle manière qu'il ne reste guère de place pour représenter un décor. Quand la nécessité seulement se fait sentir, par l'exemple si les personnages se déplacent, le décor réapparaît dans l'image. C'est pourquoi il existe peu de bandes dessinées où les décors soient dessinés en détail, dans chaque case. Le fait que l'architecture soit seulement une image comporte aussi divers avantages. Comme nous l'avons déjà dit, elle ne doit pas être rappelée dans chaque case mais elle a la faculté de changer de case en case sans raison logique. Dans une bande dessinée, tout doit être dessiné de case en case et est susceptible donc de changer radicalement. Dans le cas de Krazy Kat, il arrive que le décor connaisse des modifications à chaque case, tandis que le dialogue entre les personnages du premier plan se poursuit normalement, comme si de rien n'était. Même dans une série moins expérimentale comme Astérix, nous observons que le petit village gaulois varie non seulement d'un album à l'autre, mais aussi au sein d'une même histoire. L'espace perçu par la bande dessinée est donc totalement fictif, régi par ses propres règles et normes. L'architecture vue par la bande dessinée ne doit pas être édifiée dans le monde réel. Elle peut sans souci se soustraire aux lois physiques telles que la force de gravité et ne doit pas se soucier du choix des matériaux de construction. Les coûts financiers n'importent pas à un auteur de BD. Qu'il dessine une petite cabane ou qu'il reconstitue entièrement la Rome antique, seuls un crayon, du papier et des efforts lui sont nécessaires. Le dessinateur dispose comme un créateur de son propre univers sur papier et peut en faire ce qu'il veut. Des villes entières peuvent être détruites sans aucune difficulté et reconstruites tout aussi aisément. Bon nombre d'éléments dépendent de la propre force de représentation et des capacités de dessin (ou de l'aptitude à intégrer des images) propres à l'auteur. Dans la bande dessinée, on différencie généralement les personnages et les décors. Les personnages sont donc les êtres humains, les animaux ou les créatures étranges (robots, extra-terrestres, ...) qui semblent vivre, alors que le décor est considéré le plus souvent comme matériau "mort". Nuançons : déjà auprès des pionniers de la bande dessinée, comme Winsor McCay, ces quelques accessoires s'avèrent capables de mener une existence autonome; les escapades de l'étrange lit de Nemo sont bien connues, des maisons entières peuvent acquérir des jambes et entamer une ballade.


FONCTIONS DE L'ARCHITECTURE DANS LA BANDE DESSINéE

L'architecture remplit différentes fonctions dans la band dessinée. Il appartient au lecteur d'interpréter les lignes et les couleurs sur le papier; par ce biais, le lecteur apporte ses propres modèles d'interprétation. Grilles d'interprétation qui sont souvent partagées par plusieurs personnes et qui dépendent du contexte. Par exemple, ce fait transparaît dans l'évolution des édifices antiques de la série Alix. Martin, son auteur, rapportait lors d'une entrevue que les ruines actuelles ne suffisaient pas afin de nous fournir une image précise de la Rome antique: "Prenons un exemple: les temples grecs et romains étaient polychromes, alors que nous leur connaissons seulement la couleur de la pierre brute. Pendant fort longtemps, je n'ai pas voulu casser cette fausse image d'une Rome ou d'une Athènes en marbre blanc, car je craignais de me heurter à l'incrédulité de mes lecteurs. Aujourd'hui, je vais plus loin dans mon souci de véracité, et dans L'Enfant grec, mes temples ont pris des couleurs. Je crois que je peux à présent me permettre ce surcroît de réalisme, et même que j'y suis tenu, dans la mesure où l'on me considère de plus en plus comme un auteur de référence pour tout ce qui touche à l'Antiquité"_. Durant trente ans, Martin partit de l'hypothèse que les lecteurs n'accepteraient pas la véritable représentation historique des temples peints, parce qu'ils ne concordaient pas avec leur cadre de référence, principalement les ruines nues et brutes qui demeurent actuellement. C'est à partir des années quatre-vingt seulement que Martin crut que le public était plus apte à l'accepter. Les cadres d'interprétation peuvent se différencier d'une personne à l'autre et évoluent également dans le temps. Par conséquent, il existe une différence possible entre les interprétations et les sentiments, par ailleurs, la version du lecteur ne doit pas correspondre à celle du créateur. Lire des bandes dessinées n'est pas, comme d'autres processus de communication, un phénomène à sens unique dans lequel un message est communiqué sans bruit de l'émetteur vers le récepteur. Une première série de cinq fonctions se trouve en relation directe avec le récit, alors les suivantes ont trait à la plasticité de la bande dessinée.

1 Situation dans le temps et dans l'espace.

L'architecture permet de situer dans un temps et un espace précis l'activité des personnages. Bon nombre d'auteurs utilisent volontiers des images-stéréotypes pour indiquer un endroit : par exemple, la tour Eifel pour Paris ou Tower Bridge pour Londres. De tels édifices connus de tous permettent une situation facile et rapide. Le temple de Delphes (Martin) est moins connu par un large lectorat, mais la majorité le placera sans aucune difficulté dans l'Antiquité classique. De la même manière la scène de rue tirée de Tueur de cafards sera associée facilement à une mégapole américaine d'aujourd'hui. L'architecture survit à l'époque qui l'a vue naître. Dans nombre de cités européennes, nous rencontrons des cathédrales médiévales de type gothique. Par exemple, la Grand-Place de Bruxelles peut être située chronologiquement uniquement sur base d'un nombre complet de données. Retirons les voitures de l'image et il devient plus ardu de la raccrocher à une période temporelle. L'architecture du futur ou d'étranges cultures extérieures est étonnamment reconnaissable, identifiable. Mezières, Moebius, Hermann, Bilal et De Crécy utilisent un ensemble d'éléments connus du présent ou du passé afin de donner forme à leur architecture futuriste. Moebius s'inspire des pyramides égyptiennes et des Indiens d'Amérique pour camper son temple souterrain de la planète Edena. Bilal combine l'ancienne architecture avec des nouvelles constructions futuristes, dans un Londres de l'an 2025. Même la dénomination des villes de demain est puisée clairement dans le passé : De Crécy parle ainsi de New York sur Loire.

2 Expression d'un ou de plusieurs usages fonctionnels

La véritable architecture diffère d'une production artistique habituelle, dans ce sens qu'elle est avant tout fonctionnelle. L'architecture a pour buts l'habitation, le travail, la détente et ainsi de suite. Dans l'architecture appliquée à la bande dessinée, l'aspect fonctionnel joue un rôle important. Nombre de bâtiments "trahissent" leur fonctionnalité uniquement par la forme. En un coup d'oeil, le lecteur interprète le bâtiment de Franquin/Will comme une station d'essence, l'imposante construction de Mezières comme un palais, la pyramide de Moebius en tant qu'un lieu de culte. Pour certains édifices, la fonctionnalité n'est pas clairement donnée, comme l'énigmatique construction de Swarte. Nous y reconnaissons certes une tour, mais son usage demeure au premier examen imprécis. C'est précisément la raison pour laquelle Swarte montre cet édifice étrange, de facture moderne dans la première case de son court récit.

3 Caractérisation des personnages

L'espace au sein duquel vit un personnage peut indiquer sa personnalité. Au sein de l'imposant palais de Mezières, nul quidam ne réside là; il s'agit probablement d'un personnage très important. Tout l'album d'Andréas traite du personnage de Frank Lloyd Wright. Cet architecte moderniste y est caractérisé grâce à diverses illustrations de son architecture personnelle. L'étonnante habitation de Bosschaert attire l'attention sur un plus qu'habile côté fait-main, avec une vision écologique.

4 Indication d'une ambiance

L'architecture exprime aussi une ambiance particulière. Le taudis couvert de graffitis de Davison produit une atmosphère tout autre que les gratte-ciel étincelants d'Hermann. En outre, les conditions (climatologiques) au sein desquelles l'architecture est représentée déterminent en grande partie la création d'une atmosphère. L'ardent soleil italien de Cosey provoque une ambiance différente de celle évoquée par la lumière nocturne et hivernale de Breccia. Schuiten et Peeters utilisent l'architecture pour produire une atmosphère. Les formes puissantes, rigides et monumentales de l'architecture d'Urbicande nous indiquent que nous sommes en présence d'un système totalitaire où l'individu est seulement une partie négligeable. Les résidents d'Urbicande doivent se conformer au système qu'elle incarne littéralement et figurativement. Par ce biais, nous abordons le point suivant: l'architecture qui révèle clairement une philosophie sous-jacente.

5 Indication d'une idée sous-entendue dans une scène ou dans une histoire complète

Chez Will et Franquin, l'architecture soutient pleinement la conception d'un avenir optimiste, propre aux bandes dessinées des années cinquante. Même des édifices purement fonctionnels et banals comme une station d'essence sont habillés d'un charmant look moderniste : une construction légère munie de larges fenêtres en façade, un toit plat un peu recourbé et surtout les redents horizontaux et démonstratifs de la façade. A l'instar de Swarte, on parle du style Atome qui renvoie au symbole de l'exposition universelle de Bruxelles. L'Expo 58 a consacré l'architecture décorative moderne et fit apparaître l'idée qu'une "époque dorée" allait débuter_. La manière dont on figure un bâtiment peut immédiatement révéler une idée sous-entendue, abstraction non faite du bâtiment que l'on représente. Ainsi, la vue oblique de l'Opéra de Paris par Varenne constitue un signe implicite que quelque chose cloche, que le personnage vit des expériences plutôt bizarres. Par contre, dans la pyramide de Moebius, tout paraît être sous contrôle : une composition parfaitement équilibrée et symétrique éveillera une telle impression. En somme, l'architecture peut, en relation avec l'objet plastique qu'est la bande dessinée, avoir les fonctions suivantes :

6 Objet esthétique

Un bâtiment figurant dans une bande dessinée peut être esthétique en soi. La façon dont l'auteur de BD met en images cette forme architecturale peut provoquer l'effet esthétique. Forcément il dépend du lecteur qui voit la représentation comme quelque chose de beau. Chacun possède sa propre échelle de valeur afin de déterminer si un objet est beau, mais ceci est en grande partie limité au niveau culturel. Bien entendu, les auteurs qui travaillent davantage avec le pinceau recherchent cet effet. Baudoin, Bilal ou Breccia ne désirent certainement pas représenter un édifice bourré de détails, ils cherchent plutôt à construire une image puissante par le graphisme et le jeu des formes (jeu formel). Crayon ou feutre peuvent créer un effet esthétique. Observons la remarquable version réalisée avec des crayons de couleur par Andréas de l'architecture de Wright. La manière dont l'architecture est figurée dans la bande dessinée ne dépend pas uniquement du style graphique de l'auteur mais tout autant de ses choix iconographiques. Du point de vue sous lequel un édifice est montré. De la composition que le dessinateur introduit dans sa planche, voire dans l'ensemble de la structure paginale. Nous connaissons déjà la belle composition symétrique de Moebius. Sa palette subtile et sobre contribue à produire un aspect esthétique.

7 Déterminer un cadrage et une construction de planche

Si un dessinateur désire représenter un bâtiment, il tiendra compte de cet élément dans son cadrage et sa composition de planche. Certains édifices exigent, de par leur propre forme ou dimension, un cadrage particulier. Par exemple, les étroites ruelles du petit village italien avec leurs différences de niveau importantes obligent Cosey à utiliser un cadrage fortement vertical. En général, l'architecture nécessite un cadre plus étendu que les autres images; dans certaines BD, elle occupe toute la surface de la planche (Bilal, Moebius et De Crécy).

8 Méta-représentation

Les bâtiments de Wright dans la BD d'Andréas influencent les autres éléments de la planche. Les phylactères riment avec les formes architecturales, de nouvelles formes et idées traversent la BD. Dans l'illustration tirée du portfolio, les colonnes sont reprises sous une autre forme dans les petites peintures accrochées au mur. Il s'agit d'exemples de méta-représentation, où certains aspects de l'image ont été structurés de telle façon que l'attention du lecteur se déplace de la signification vers des caractéristiques matérielles_.



QUELQUES ANALYSES FORMELLES

Swarte
Les édifices modernes de Swarte paraissent plus modernes que l'architecture moderniste, prétend le théoricien français de la bande dessinée Bruno Lecigne . Le travail de Swarte rappelle celui d'autres auteurs (entre autres Hergé, Vandersteen ou Mc Manus) mais rarement d'une manière statique. Mat Schifferstein discerne une des différences avec le style d'Hergé dans la manière dont Swarte tente de conférer à ses décors un aspect tridimensionnel, tandis que, chez Hergé, tant de personnages fournissent en tant que décor une impression plate (fade): "Swarte obtient ce résultat grâce à une représentation non-frontale des bâtiments, mais de préférence oblique; d'une telle façon, deux faces d'un tel édifice sont toujours visibles et donc ceci aboutit à un effet non-plat. Swarte paraît ne pas vouloir intégrer l'univers plat d'Hergé. Il dissimule l'encrage monochrome derrière une technique à l'écoline, grâce auquel davantage de nuances de couleurs peuvent être créées. Mais, malheureusement, il n'utilise pas cette technique pour suggérer un volume (en passant du clair vers l'obscur)" . Bruno Lecigne attire notre attention sur le jeu fascinant des contrastes dans le graphisme swartien. L'image est, comme le texte, tout sauf un système stable et univoque, tout semble n'être qu'un combat incessant entre le rond et le rectiligne. Dans A Second Babel, cet antagonisme fondamental entre le cercle et la ligne droite fournit la dynamique du récit. Auprès de la tour, une spirale ronde est essentielle, tandis qu'au sein de l'asile d'aliénés tout est à angle droit (table, fenêtre, carrelages, même les tabourets !). Visiblement le travail de Swarte veut séduire mais il s'agit d'un auteur toujours préoccupé par l'idée qui se cache derrière le dessin.

Martin
Au point de vue formel, Martin utilise encore le contour clair, mais il emploie également d'une manière prudente des hachures, surtout dans ses décors. Une suite de petites taches ou traits, sur des colonnes, doivent suggérer profondeur et rondeur. Les couleurs unies indiquent davantage un espace plat; Martin tente de compenser ce fait par des hachures. Sur le socle de la statue, les taches ou les traits servent à traduire la structure granuleuse de la pierre. Contrairement à Hergé, Martin remplit ses planches de divers petits détails, qui semblent (sur)saturer l'image_.

Tardi
Tardi recourt à des contours noirs et assez épais mais tempère cet effet grâce à des trames. Le style graphique de Tardi est une interprétation personnelle de New York. Il suffit de comparer ses dessins aux photographies qui sont reproduites en fin d'album. Les photos paraissent banales et plates face au dessin plein de caractère. En outre, l'usage extrêmement sélectif de la couleur de support rouge contribue à former une atmosphère irréelle. Le rouge apparaît d'ailleurs brusquement dès la troisième planche, ce qui contraste fortement avec le ton gris dominant. D'un point de vue formel, la couleur rouge isole principalement le personnage central de l'environnement monotone et glauque de la grande cité inhumaine. Tueur de cafards aurait peut-être pu être imprimé uniquement en noir et blanc. Bien entendu, il aurait été difficile d'obtenir une telle atmosphère morbide avec des couleurs. L'option de Tardi pour le noir et blanc est dictée également par une raison moins prosaïque, l'auteur pense que la couleur est souvent mal imprimée dans les albums.

Breccia
Ce qui saute tout de suite aux yeux dans la planche de Breccia, c'est l'atmosphère vert-de-gris, avec une grande surface en rose et violet. Breccia n'utilise pas de couleurs simples; s'y retrouvent continuellement des transitions et nuances. Il s'agit de teintes non-saturées, tamisées. Les contours y sont tout sauf rectilignes; en fait, ils sont toujours déformés. Même d'innocentes fenêtres possèdent une forme très inhabituelle. Les maisons paraissent vieilles et malades : malgré la solidité des matériaux utilisés, elles semblent sur le point de s'écrouler les unes sur les autres. Les nombreuses cheminées, frontons et lucarnes ont quelque chose de rassurant et nostalgique. Les réverbères produisent seulement une faible lumière, l'ombre sur le grand bâtiment est probablement provoquée par une autre source lumineuse, non identifiée. Malgré un ciel lourd, nuageux et sombre, une série de touches lumineuses claires se reflètent sur les toits ( réflexion de la lunne invisible ?). Les formes étranges, les couleurs et les parties éclairées évoquent une atmosphère de conte ou de théâtre, mais possèdent également un côté triste et terrien. Commencer une histoire horrible de Dracula par cette image n'est certes pas un cliché. Breccia présente ici sa propre interprétation contemporaine du mythe du vampire.

Loustal
Lorsque Loustal représente un bâtiment, il tente d'en capter l'atmosphère immédiate. L'architecture monumentale et spectaculaire ne l'intéresse pas, il préfère des bâtiments banals, voire laids : "Prendre le temps de regarder la banalité, de s'intégrer à un espace, percevoir une ambiance, observer les variations de la lumière, c'est pour moi comme une respiration"_. Loustal est convaincu du fait qu'il peut mieux capter son sentiment face à un certain lieu grâce à ses dessins qu'il ne pourrait le faire avec un appareil photographique. En premier lieu, il désire représenter la lumière dans l'ensemble de ses nuances subtiles, les couleurs sont appliquées surtout dans ce but. Même dans le cas d'une scène nocturne (comme sur l'illustration choisie), Loustal sait quelles nombreuses variations apporter au sein du gris foncé. En d'autres lieux, j'ai désigné cette technique sous le nom d'éclairage discriminant_. La lumière structure l'image : certaines parties sont davantage visibles que d'autres (par exemple l'extrême gauche est bien plus sombre que la zone droite du centre). Les sources lumineuses ont une influence sur leur environnement: la lumière issue de la maison est réfléchie sur la carrosserie des voitures. En outre, ces faibles sources d'éclairage (réverbère, feux de signalisation, lumière issue des maisons) permettent que l'image ne soit pas totalement étouffée par le gris nocturne. Le point de vue ne se situe pas à la perpendiculaire de l'entrée, mais un petit peu sur le côté. Ainsi, la scène ne paraît pas statique, il semble bien qu'il y ait un mouvement subtil. La façon dont Loustal dessine les fenêtres, chaque fois différentes, procure au bâtiment gris et raide une certaine dynamique. Loustal utilise bien des contours noirs et lâches pour figurer ses bâtiments et personnages, mais ils sont absorbés en partie par une riche palette. Dans cette image où les phylactères ont été consciemment rejetés, Loustal parvient à évoquer parfaitement l'atmosphère nocturne et désolée d'une rue new-yorkaise.

Schuiten en Peeters
En ce qui concerne l'architecture d'Urbicande, ville fictive, Schuiten et Peeters ont puisé leur inspiration des bâtiments monumentaux fascistes et staliniens et des projets futuristes du début du siècle. Urbicande possède le mème côté monumental que ces architectures. Le système social concrétise ainsi son autorité par la pierre. Architecture et système politique sont pareillement rectiligne et anguleux. Les habitants sont contraints de se conformer aux règles strictes du régime dictatorial. Cette version en couleur peu connue n'a jamais été publiée en album et a été réalisée dans le cadre de la Biennale d'Arte de Venise. Dans l'album, le monde d'Urbicande est évoqué uniquement avec des tons noir/blanc. L'absence de couleurs ne constitue certes pas une faiblesse, car la version noir et blanc est au moins aussi forte que celle mise en couleur.

Baudoin
L'auteur français Edmond Baudoin est un maître de l'encre de Chine. Le coup de pinceau doit avant tout imprimer du sentiment, dit l'auteur: "Quand je dessine une rue c'est pour dessiner une sensation, c'est pas pour toutes les détails. Je veux dessiner comment quelqu'un dans la rue ressent cette rue, qu'est-ce qu'il a dans à la tête à cette instant. Ce que je dessine de la rue ce n'est pas la rue mais c'est la rue à moi, celle qui est à l'intérieur de ce bonhomme, qui est souvent moi-même."_ Comme le peintre taoïste Shitao , Baudoin ne désire pas déchiffrer la réalité selon des fragments, car cette approche livrerait une vision par trop stérile. L'illustration évoque Nice sous une lumière caniculaire et méridionale. Les lignes de Baudoin ne sont jamais perpendiculaires; elles suggèrent une main rapide, habile à l'esquisse. Ceci produit un effet spontané et certainement pas artificiel. Baudoin parle également d'un dialogue entre lui et ses dessins : "Les traits noirs que dessine mon pinceau sur le papier blanc m'envoient des messages auxquels il faut que je réponde, des questions que je n'avais pas prévues, des réponses inattendues" . L'oeuvre de Baudoin est fortement teintée d'autobiographie. Ainsi, son domicile niçois a été utilisé dans Le Premier Voyage en tant que localisation.

Biddeloo
Jusqu'au début des années septante, l'usage de la photographie ou d'autres techniques graphiques dans la bande dessinée était considéré d'un oeil méfiant. Par exemple, les photos pouvaient être utilisées tout au plus en tant que source documentaire, car les dessinateurs redoutaient de les copier servilement. Cette crainte a été inspirée par l'antique mythe de l'individu-créateur. Le travail créatif de l'artiste a été opposé au procédé reproductif d'un appareil photographique. Dans le domaine artistique, Dada et Duchamp avaient déjà depuis des décennies réglé son compte à ce dogme figé de l'artiste-créateur et la photographie avait acquis un statut artistique. Mais ces évolutions avaient négligé les créateurs de bande dessinée. Dans le courant expérimental des années septante, un certain nombre d'auteurs recourent sans rougir à la photographie. Actuellement l'usage explicite de la photographie a pénétré même les bandes dessinées populaires. Durant les années quatre-vingt, des images digitales produites sur ordinateur ont également fait leur apparition. Karel Biddeloo intègre dans sa série Le Chevalier Rouge des photos, entre autres celles de châteaux du Moyen Age. L'auteur n'économise pas uniquement du temps, cela procure également un aspect original à cette bande dessinée classique, destinée à un public juvénile. Biddeloo n'utilise pas ses photocopies de photos en tant que dessin, ainsi les différences graphiques demeurent trop explicites : les contours du véritable dessin contrastent avec la structure plutôt granuleuse de l'architecture. Le tout a été plongé dans une chatoyance chromatique quasi psychédélique.


 

Architectuur in de strip

© Pascal Lefèvre

In een medium als de strip waar personages op het voorplan staan, lijkt het decor tot een minderwaardige rol gedoemd, ergens op de achtergrond van de scène. Gewoonlijk bedoelt men met het decor de natuur of de gebouwen die als setting voor een scène dienen. De verschijning van architectuur in de strip hangt dan ook grotendeels samen met de evolutie van het decor in dat medium. Terwijl in het negentiende eeuwse beeldverhaal de personages domineren, krijgt het decor in enkele humoristische Amerikaanse krantenstrips van begin deze eeuw een opvallende rol toebedeeld. Little Nemo wordt de speelbal van een levend en voortdurend veranderend decor en in Krazy Kat is het decor al even onstabiel en gedraagt het zich als een zelfstandige entiteit. In strips als Bringing Up Father en Polly and Her Pals toont het decor de toenmalige modes op archtitecturaal vlak (eerst Art Nouveau, later Art Deco). De avonturen-strips van de jaren dertig spelen zich veelal af op exotische plaatsen (op aarde of op andere planeten), in de verre toekomst of in het verleden. In de comic books van de jaren veertig domineren de eindeloze gevechten van superhelden maar in The Spirit krijgt het decor een aanzienlijke rol. Na de oorlog verdwijnt in humoristische krantenstrips het decor soms helemaal (bv. The Peanuts) maar speelt soms een aanzienlijke rol in de horror-comics van de jaren vijftig (vooral in het werk Krigstein). Langzaamaan wint ook in de Europese strip het decor aan belang. De evolutie bij Hergé is wat dat betreft exemplarisch: in de eerste Kuifjes-avonturen van begin jaren dertig schetst Hergé op een zeer elementaire manier het decor zonder al te veel realiteitspretenties. Later zullen Hergé en zijn studiomedewerkers volop gebruik maken van documentatiemateriaal om zoveel mogelijk naar de realiteit te tekenen. In de klassieke Europese jeugdstrip van de jaren vijftig en zestig weet het decor slechts af en toe (bv. bij Jacobs, Cuvelier, Martin) het niveau van een kleurrijke maar inwisselbare postkaart te overstijgen. De helden reizen dat het een lieve lust is, exotische lokaties trekken in een sneltreinvaart aan de blik van de lezer voorbij. In Franstalige-Belgische strip kan bijna alles als decor dienen behalve Belgiè. Naarmate de Belgische uitgeverijen de grote Franse markt beginnen te bespelen, verdwijnt alles wat te sterk naar Belgiè zou kunnen verwijzen. Voor de Belgische-Nederlandstalige auteurs ligt dat geheel anders, zij werken hoofdzakelijk voor het eigen Vlaamse publiek. Typische Vlaamse locaties duiken regelmatig op in Nero of Suske en Wiske. De contestatiebeweging van de jaren zestig gaat aan de strip niet voorbij. Jonge auteurs werpen de oude en beperkende normen overboord en verkennen vrijelijk nieuwe stijlen en onderwerpen waarmee een ouder en volwassen publiek wordt aangesproken. Eén van de gevolgen is dat het lokale karakter van een strip een kwaliteit wordt: bijvoorbeeld Comès situeert zijn verhalen in de Ardennen en Servais tekent de landelijke architectuur van de Gaume-streek. Het decor wordt in de volwassenenstrip meer dan een ééndimensionaal decordoek op de achtergrond. Het wordt soms zelf het onderwerp of de motor van het verhaal. Schuiten en Peeters noemen hun reeks over imaginaire steden met opvallende architecturale vormen De Duistere Steden . Sommige hedendaagse auteurs gaan in de uitwerking van hun decor wel erg ver zoals het maken van hele maquettes (bv. Bourgeon). In sommige experimentele strips worden personages helemaal overboord gegooid: zo valt op de 180 platen van The Cage geen enkel menselijk personage te bespeuren. In dit beeldverhaal ondergaan alleen landschappen, gebouwen en voorwerpen voortdurend verrassende metamorfoses. Ook in enkele hedendaagse Amerikaanse graphic novels en Japanse manga worden de mogelijkheden van architectuur verkend en beproefd. De architectuur heeft dus een plaats verworven in de stripwereld en omgekeerd heeft de strip ook de architecten niet onberoerd gelaten. In 1985 organiseerde het Franse Architectuur Instituut 's werelds eerste grote tentoonstelling rond architectuur en strip, Attention Travaux! . Sommige architecten zoals Koolhaas en Neutelings maken hun plannen in de vorm van een beeldverhaal. Niemand kan immers tegenwoordig nog doen alsof hij in cultureel vacuüm leeft. Uitwisselingen tussen verschillende media en artiesten, wederzijdse bevruchtingen, citaten en cross-overs nemen alsmaar toe. Stripauteurs laten zich ook door verschillende media inspireren. De meeste auteurs uit onze portfolio hebben trouwens een andere dan pure stripopleiding gekregen. Loustal is architect van opleiding, Hermann studeerde binnenhuisarchitectuur en Swarte industrièle vormgeving. François Schuitens vader en broer zijn architect. Terwijl heel wat stripauteurs (bv. Andreas, Martin...) uit onze selectie met veel plezier voor architect spelen, voelen anderen zich daar minder toe aangetrokken en doen beroep op (gespecialiseerde) assistenten voor het decor: Franquin, Pratt, Vandersteen, Graton...

De manier waarop men in strips met architectuur omspringt is dus zeer divers. Striparchitectuur kan dan ook vanuit verschillende standpunten bekeken worden. Eerst zullen we de specifieke kenmerken en functies van striparchitectuur overlopen. Vervolgens gaan we wat dieper in op enkele prenten uit onze portfolio: we analyseren dan stijlvorm bij Swarte, Martin, Tardi, Breccia, Loustal, Baudoin en Biddeloo. Onze selectie van prenten beperkt zich tot stripauteurs die bij Nederlandse, Belgische of Franse uitgevers verschijnen en besteedt vooral aandacht aan de vernieuwing in de strip sinds de jaren zeventig, de periode dat architectuur een vooraanstaande plaats ging innemen. Maar er zitten ook enkele voorbeelden bij van de klassieke Europese jeugdstrip (Suske en Wiske, Robbedoes en Kwabbernoot, Alex). We zijn er van overtuigd dat deze port-folio een mooi idee geeft van architectuur in het hedendaagse striplandschap.


KENMERKEN VAN STRIPARCHITECTUUR

Architectuur in de strip kan maar bestaan als zij op één of andere manier afgebeeld wordt. Dit lijkt nogal evident maar het heeft verstrekkende gevolgen. Zo is het perfect mogelijk dat in het ene plaatje een gebouw staat maar in een volgende plaatje schijnbaar in het niets opgelost is, zonder dat lezer zich ernstige zorgen maakt. De striplezer kent deze code: hij weet dat het decor slechts tijdelijk uit het beeld verdwenen is om alle aandacht op de handelingen van de personages te richten. Want dat is één van de problemen die een stripauteur moet oplossen: hoe tegelijkertijd de actie in een geloofwaardige ruimte laten afspelen zonder die actie te laten verdrinken in een al te gedetailleerde omgeving. Wat de tekenaar wint aan detaillering in het decor, verliest hij gewoonlijk aan helderheid en leesbaarheid. In tegenstelling tot een schilderij of foto bestaat een stripplaatje niet op zich maar is een schakel in een geheel. Hoe complexer een apart stripplaatje opgebouwd is, hoe minder vlug het zich over het algemeen laat begrijpen, hoe meer het een vlotte lectuur afremt en dat is iets wat de meeste stripmakers willen vermijden. Een stripalbum wordt over het algemeen snel geconsumeerd. Telkens een volledig uitgewerkt decor neerzetten zou bovendien van stripauteurs trouwens een extra inspanning vragen.

Maar hoe kan een striptekenaar een vlotte strip maken en tegelijk voldoende informatie verschaffen over de tijd en ruimte waarin het verhaal zich afspeelt? Uiteraard kan hij beroep doen op verklarende tekststroken maar dat maakt een stroevere indruk. Gewoonlijk zal hij een nieuwe scène laten beginnen met een ruim overzichtsbeeld, waarin de situatie geschetst wordt. Op die wijze worden tijd en ruimte aangegeven. Eens dat gebeurd is kan de actie volop van start gaan: het decor verdwijnt dan meer uit het gezichtsveld en de klemtoon komt te liggen op de personages. De stripmaker kiest dan eerder close-ups zodat er geen plaats overblijft om nog een decor af te beelden. Slechts wanneer het nodig is (bv. bij de verplaatsing van de personages) verschijnt het decor weer in beeld. Vandaar dat er weinig strips zijn waarin op ieder plaatje het decor uitvoerig wordt getekend.

Het feit dat architectuur in de strip slechts een beeld is heeft ook een aantal voordelen. Zoals reeds werd gezegd hoeft zij niet op elk plaatje herhaald te worden maar zij kan zelfs van plaatje tot plaatje veranderen zonder aanwijsbare reden. Alles in een strip moet van plaatje tot plaatje getekend worden en kan dus radicaal veranderen. Bij Krazy Kat gebeurt het dat het decor van plaatje tot plaatje wisselt, terwijl op het voorplan de dialoog tussen de personages gewoon doorgaat alsof er niets aan de hand is. Ook in een minder experimentele strip als Astérix zien we het Gallische dorpje niet alleen van album tot album veranderen maar zelfs binnen éénzelfde verhaal. De stripruimte is dus een totaal fictieve ruimte met eigen wetten en regels. Zo hoeft striparchitectuur niet eens in realiteit te kunnen worden gebouwd. Zij kan zich zonder verpinken onttrekken aan aardse wetten zoals die van de zwaartekracht en hoeft zich geen zorgen te maken over de keuze van de bouwmaterialen. Naar kosten hoeft een stripauteur ook al niet te kijken. Of hij nu een klein stulpje tekent of meteen heel het oude Rome reconstrueert, het kost hem alleen pen en papier en inspanning. De tekenaar beschikt als een schepper over zijn eigen wereld op papier en kan er mee doen wat hij maar wil. Zonder problemen kunnen hele steden platgelegd worden en terug opgebouwd worden. Veel hangt af van de eigen verbeeldingskracht en tekencapaciteiten (of vaardigheden om andere beelden te integreren) van de auteur.

In strips maakt men gewoonlijk een onderscheid tussen personages en decor. Personages zijn dan de mensen, dieren of vreemde creaturen (robots, buitenaardsen...) die lijken te leven, terwijl met het decor meestal de 'dode' materie wordt bedoeld. Maar reeds bij strippioniers als Winsor McCay blijken heel wat rekwisieten of zelfs hele gebouwen tot leven komen: bekend zijn de grillige escapades van het bedje van Nemo maar ook hele huizen kunnen benen krijgen en op de loop gaan.


FUNCTIES VAN STRIPARCHITECTUUR

Architectuur kan verschillende functies vervullen in de strip. Het is aan de lezer om de lijnen en kleuren op het papier te interpreteren en daarbij moeten we er van uitgaan dat de lezer zijn eigen interpretatiemodellen meebrengt. Interpretatiemodellen worden vaak ook door meerdere personene gedeeld en zijn van de context afhankelijk. Dat blijkt bijvoorbeeld uit de evolutie van de antieke gebouwen in de Alex-reeks. De auteur Martin vertelde in een interview dat de huidige ruïnes niet volstaan om ons een compleet en precies beeld te geven van het oude Rome: "De Griekse en Romeinse tempels waren beschilderd in verschillende kleuren, terwijl wij ze nu alleen nog kennen in de kleur van de stenen. Lange tijd wou ik dit verkeerde beeld niet doorprikken van een Rome en Athene in witte marmer, want ik vreesde dat de lezers het niet geloofwaardig zouden vinden. Tegenwoordig ga ik echter verder in mijn zoektocht naar realisme en sinds Het kind van Athene hebben mijn tempels kleur gekregen. Ik geloof dat ik mij dit realisme kan permitteren en dat men het trouwens van mij verwacht, in de mate dat men mij meer en meer beschouwd als een referentiepunt voor wat met de oudheid te maken heeft." Martin ging er dus gedurende dertig jaar van uit dat de lezers de werkelijke historische uitbeelding van de beschilderde tempels niet zouden aanvaarden omdat ze niet strookte met hun referentiekader, namelijk de ruwe en ongeschilderde ruines die tegenwoordig overblijven. Pas in de jaren tachtig geloofde Martin dat het publiek daar enigszins klaar voor was. Interpretatiekaders kunnen niet alleen verschillen van van persoon tot persoon maar ook evolueren in de tijd. Er is bijgevolg een verscheidenheid in interpretaties en gevoelens mogelijk, de versie van de lezer hoeft trouwens niet overeen te stemmen met die van de maker. Striplezen is zoals andere communicatieprocessen geen eenrichtingsverkeer waarbij een boodschap zonder ruis van zender naar ontvanger wordt overgebracht.

Een eerste reeks van vijf functies staat in rechtstreeks verband met de vertelling, terwijl de volgende eerder betrekking hebben op de plasticiteit van de strip.

1. situering in tijd en ruimte
Architectuur laat toe om de handeling van de personages in een bepaalde tijd en ruimte te situeren. Heel wat stripauteurs maken graag gebruik van stereotiepe beelden om een plaats aan te geven: bijvoorbeeld de Eifeltoren voor Parijs of de Tower Bridge voor London. Dergelijke alom bekende gebouwen zorgen voor een vlotte en snelle situering. De tempel van Delphi (Martin) is dan weer minder gekend bij een breed publiek maar de meeste mensen zullen hem zonder problemen in de klassieke oudheid situeren. Evengoed zal het straatbeeld uit De kakkerlakkenkiller vlotjes met een hedendaagse (Amerikaanse) grootstad geassocieerd worden. Maar architectuur overleeft vaak de tijd waarin het werd opgericht. In heel wat Europese steden kunnen we bijvoorbeeld nog middeleeuwse gotische kathedralen tegenkomen. De Brusselse grote markt kan je bijvoorbeeld maar in de tijd situeren door een aantal aanvullende gegevens. Haal je bijvoorbeeld de auto's uit het beeld weg dan wordt het al een stuk moeilijker om daar een tijdsperiode op te plakken. De architectuur van de toekomst of van vreemde buitenaardse culturen is verbazingwekkend herkenbaar. Mezières, Moebius, Hermann, Bilal en De Crecy gebruiken allen bekende elementen uit het heden of het verleden om de futuristische architectuur gestalte te geven. Moebius grijpt terug naar de piramides van de Egyptenaren en de Amerikaanse Indianen voor zijn onderaardse tempel op de planeet Edena. Bilal combineert oude architectuur met nieuwe futuristische gebouwen in zijn Londen van het jaar 2025. Ook in de naamgeving van de toekomstige steden zit het verleden duidelijk verwerkt: bijvoorbeeld De Crecy heeft het over New York sur Loire.

2 uitdrukking van een of meerdere gebruiksfuncties
Echte architectuur verschilt van gewone kunstvoorwerpen in de zin dat architectuur in de eerste plaats functioneel is. Architectuur dient om in te wonen, om in te werken, om zich in te ontspannen en ga zo maar door. Ook in striparchitectuur speelt het functioneel gebruik van architectuur een grote rol. Veel gebouwen 'verraden' alleen al door hun vorm hun gebruiksfunctie. In één oogopslag interpreteert de lezer het gebouw bij Franquin/Will als een benzinestation, het imposante gebouw bij Mézières als een paleis, de piramide bij Moebius als een cultus-object... Van sommige gebouwen is ons de gebruiksfunctie niet meteen duidelijk, zoals die raadselachtige constructie van Swarte. Men herkent er weliswaar een toren in maar waarvoor het nu precies dient blijft in eerste instantie onduidelijk. Dat is dan ook de reden waarom Swarte dit vreemde, modernistisch aandoende bouwwerk meteen op het eerste plaatje van zijn kortverhaal toont.

3 karakterisering van personage
De ruimte waarin een personage leeft kan zijn of haar persoonlijkheid aanduiden. In het imposante van paleis bij Mézières woont vermoedelijk geen gewoon iemand maar een zeer belangrijk persoon. Het hele album van Andreas draait rond de figuur van Frank Lloyd Wright. Deze modernistische architect wordt dan ook ten getypeerd door de talrijke illustraties van zijn eigenzinnige architectuur. De opmerkelijke woning bij Bosschaert wijst overduidelijk op een meer dan handige doe-het-zelver met ecologische gezindheid.

4 aanduiding sfeer
Architectuur drukt ook een bepaalde sfeer uit. Het krot met de graffiti bij Davison draagt een heel andere sfeer uit dan de glinsterende wolkenkrabbers bij Hermann. Bovendien bepalen de (klimatologische) omstandigheden waarin de architectuur wordt getoond in sterke mate bij tot de sfeerschepping. Het heldere Italiaanse zonlicht bij Cosey roept een andere atmosfeer op dan het winterse nachtlicht bij Breccia. Ook Schuiten en Peeters benutten architectuur om de sfeer aan te geven. De strenge, rigiede en monumentale vormen van de architectuur van Urbicande geven aan dat we te maken hebben met een totalitair systeem waar het individu slechts een nietig onderdeel is. De bewoners van Urbicande moeten zich schikken naar het systeem dat ze letterlijk en figuurlijk overstijgt. Hiermee wordt meteen het volgende punt aangekaard: architectuur die de achterliggende filosofie duidelijk maakt.

5 aanduiding van het onderliggende idee van een scène of hele verhaal
Bij Will & Franquin ondersteunt de architectuur heel het optimistische toekomstbeeld van die strips uit de jaren vijftig. Zelfs louter functionele en banale gebouwen als een benzinestation krijgen een bevallige modernistische look: een lichte constructie met grote vensters aan de voorgevel, ietwat schuin plat dak en vooral de demonstratieve schuine dwarse uitsprongen aan de voorgevel. In navolging van Swarte spreekt men van Atoomstijl waarbij men dan verwijst naar het symbool van de wereldtentoonstelling in Brussel. Expo 58 consacreerde die moderne decoratieve architectuur en liet uitschijnen dat de 'gouden tijden' aangebroken waren. Ook de manier waarop een gebouw in beeld wordt gebracht kan het onderliggende idee meteen duidelijk maken, onafgezien van welk gebouw wordt afgebeeld. Zo is de scheve voorstelling van de Parijse Opera bij Varenne een impliciete aanduiding dat er iets uit balans is, het personage heeft immers bizarre ervaringen. Bij de piramide van Moebius lijkt alles daarentegen mooi onder controle te zijn: een perfecte uitgebalanceerd symmetrische compositie wil die indruk wekken.

Tenslotte kan architectuur in relatie tot het plastische object dat de strip is volgende functies hebben:

6 esthetisch object
Een afgebeeld bouwwerk in een strip kan op zich mooi zijn. Vooral de manier waarop een stripauteur die architectuur in beeld brengt kan het esthetisch effect in de hand werken. Uiteraard hangt het van de lezer af of hij het afgebeelde al dan niet als iets mooi ervaart. Elkeen heeft zijn eigen waardenpatroon om iets mooi te vinden maar grotendeels is dat toch cultureel bepaald. Zeker de auteurs die meer met het penseel werken beogen dit effect. Baudoin, Bilal of Breccia willen immers niet zozeer een gebouw met al zijn details afbeelden maar eerder een sterk beeld scheppen door hun grafiek en vormenspel. Ook het potlood of de tekenpen kunnen een esthetisch effect uitlokken. Kijk maar eens naar de fijne weergave van Andreas met kleurpotloden van de Wrights architectuur. De manier waarop architectuur in de strip wordt afgebeeld hangt echter niet alleen af van de tekenstijl van de auteur maar evenzeer van zijn beeldkeuze. Vanuit welk oogpunt wordt een gebouw getoond. Welke compositie steekt een tekenaar in zijn plaatje of zelfs in zijn gehele bladschikking. We wezen reeds op de mooie symmetrische compositie bij Moebius. Ook zijn subtiel en sober palet zorgt voor een esthetische look.

7. Bepaling van kadrage en plaatopbouw
Als een tekenaar een gebouw in beeld wil brengen dan zal hij daar in zijn kadrage en plaatcompositie rekening moeten mee houden. Bepaalde gebouwen vragen door hun eigen vorm en afmeting een bepaalde kadrage. Bijvoorbeeld de smalle steegjes van het Italiaanse dorpje met hun grote verticale niveauverschillen nopen Cosey tot een sterke verticale cadrage. In het algemeen heeft architectuur een groter kader nodig dan de andere plaatjes, in sommige strips neemt het zelfs de hele plaatoppervlakte in (Bilal, Moebius en De Crecy).

8. Meta-voorstelling
De afgebeelde gebouwen van Wright in de strip van Andreas hebben vaak invloed op andere elementen van de plaat. Nu eens rijmen de dialoogballonnen met de architecturale vormen, dan weer worden andere vormen en ideeën doorgetrokken in de strip. In de illustratie uit de portfolio worden de zuilen in een andere vorm hernomen in de schilderijtjes aan de wand. Het zijn voorbeelden van meta-voorstelling, waarbij bepaalde aspecten van het beeld op zo'n manier gestructureerd worden dat de aandacht van de lezer verschuift van de betekenis naar bepaalde materiële kenmerken.



ENKELE VORMELIJKE ANALYSES

Swarte
Swartes moderne gebouwen lijken moderner dan de moderne architectuur, beweert de Franse striptheoreticus, Bruno Lecigne Het werk van Swarte citeert andere auteurs (Hergé, Vandersteen, McManus e.a.) maar zelden op een amechtige louter bewonderenswaardige manier. Mat Schifferstein ziet één van de verschillen met de stijl van Hergé in de manier waarop Swarte zijn decors poogt drie dimensies te geven, terwijl bij Hergé zowel personages als decor een platte indruk geven: "Swarte bereikt deze dieptewerking door met name de gebouwen niet frontaal in beeld te brengen, maar bij voorkeur schuin, zodat steeds twee kanten van zo'n bouwwerk zichtbaar zijn en dit dus niet meer 'plat' overkomt. Swarte lijkt de platte wereld van Hergé niet te willen accepteren. De monochrome inkleuring verdoezelt hij door in te kleuren met ecoline, waardoor er meer kleurnuances gevormd worden. Maar, storend genoeg, wendt hij deze techniek niet aan om volume te suggereren (door van licht naar donker te gaan)." Bruno Lecigne wijst op het fascinerende spel met tegenstellingen in Swartes grafiek. Het beeld is zoals het verhaal alles behalve een stabiel en eenduidig systeem, het lijkt een onopgeloste strijd te zijn tussen het ronde en het rechtlijnige. In Een tweede Babel, levert dit fundamenteel antagonisme van de cirkel en de rechte lijn de dynamiek van het verhaal op. Bij de toren is de ronde spiraal essentieel, terwijl in het gekkenhuis alles rechthoekig is (tafel, venster, tegels, zelfs de taboeretten!). Ogenschijnlijk wil Swartes werk verleiden maar het is de auteur steeds te doen om het idee achter de tekening.

Martin
Vormelijk gezien gebruikt Martin nog wel de heldere contourlijn maar hij wendt op een voorzichtige manier ook arceringen aan, vooral in zijn decor. Een rij van kleine vlekjes, streepjes, rechts op de zuilen moeten diepte en ronding suggereren. De vlakke kleuren wijzen immers eerder op een plat vlak en dat probeert Martin dan te compenseren met die beperkte arceringen. Op de sokkel van het standbeeld moeten die kleine streepjes en vlekjes ook de korrelige structuur van de steen weergeven. In tegenstelling tot Hergé stopt Martin zijn plaatjes ook meer vol met allerlei kleine details, die het beeld lijken te (over)verzadigen.

Tardi
Tardi gebruikt relatief dikke zwarte contourlijnen maar tempert deze door zijn grijsrasters. Tardi's tekenstijl is een persoonlijke interpretatie van New York. Het volstaat om zijn tekeningen te vergelijken met de foto's, die achteraan in het album zijn afgedrukt. Hoe plat en banaal lijken die foto's niet in vergelijking met hun karaktervolle tekening. Bovendien draagt het uiterst selectieve gebruik van de rode steunkleur bij tot de onwezenlijke sfeer. Het rood maakt trouwens pas op de derde plaat op een bruuske manier zijn intrede, het contrasteert sterk met de dominante grijze toon. Vormelijk gezien, isoleert de rode kleur vooral het hoofdpersonage uit de monotone en kleffe omgeving van de onmenselijke grootstad. De kakkerlakkenkiller kon misschien alleen maar in zwart-wit. Het zou allicht moeilijk geweest zijn om diezelfde morbide sfeer te bereiken met kleuren. Tardi's keuze voor zwart-wit heeft ook een minder prozaïsche reden, hij vindt namelijk dat kleur dikwijls slecht wordt afgedrukt in albums.



Breccia
Wat meteen bij de prent van Breccia in het oog springt is de grijsgroene sfeer met een grote partij in roze en violet. Geen enkele kleur schildert Breccia vlak maar voortdurend zitten er overgangen en oploseffecten in. Het zijn onverzadigde, gedempte kleuren. De contourlijnen zijn alles behalve recht maar steeds vervormd. Zelfs gelijkaardige vensters krijgen een zeer onregelmatige vorm. De huizen schijnen oud en ziek te zijn: ondanks de stevigheid van de gebruikte materialen lijkt het alsof ze in elkaar kunnen zakken. De vele schouwen, frontons en dakvensters hebben iets kneuterigs en nostalgisch. De lantaarnpalen geven maar een zwak licht af, de schaduwpartij op het grote gebouw wordt vermoedelijk door een ander, niet nader geïntificeerd licht veroorzaakt. Ondanks de zwaar bewolkte, donkere hemel zitten er een paar lichttoetsen op de daken (weerkaatsing van de onzichtbare maan?). De vreemde vormen, kleuren en lichtpartijen wekken een sprookjesachtige en theatrale sfeer op maar het heeft ook iets triest en aards. Het is zeker geen clichébeeld om een griezelverhaal van Dracula te beginnen. Breccia brengt dan ook een eigen hedendaagse interpretatie van de vampiermythe.

Schuiten en Peeters
Voor de architectuur van de fictieve stad Urbicande lieten Schuiten en Peeters zich inspireren door de monumentale fascistische en stalinistische bouwwerken en door de futuristische architectuurprojecten van na de eeuwwisseling. Urbicande heeft eveneens dat overweldigende van dergelijke gebouwen. Het maatschappelijk systeem legt op die manier zijn autoriteit vast in steen. Architectuur en politiek systeem zijn nogal rechtlijnig en hoekig. De bewoners worden gedwongen zich binnen strikte regels van het dictatoriale regime te gedragen. Deze weinig gekende ingekleurde versie verscheen nooit in albumvorm en werd gemaakt voor de Biennale d'Arte van Venetiè. In de albumversie wordt de wereld van Urbicande in louter zwart-wit-tonen opgeroepen. Het ontbreken van de kleuren is echter geen zwakte want de zwart-wit versie is minstens even krachtig als de ingekleurde versie.

Loustal
Als Loustal een gebouw tekent dan probeert hij de aanwezige sfeer te capteren. Hij is niet geïnteresseerd in grootste, spectaculaire architectuur maar in banale, soms onooglijke gebouwen: "De tijd nemen om de banaliteit te bekijken, om je in te leven in een ruimte, om een sfeer waar te nemen, om de lichtvariaties te observeren, dat werkt op mij als zuurstof." Loustal is er van overtuigd dat hij in zijn schetsen beter zijn gevoel van een bepaalde plaats kan vangen dan hij met een fotocamera zou kunnen. Op de eerste plaats wil hij het licht in al zijn subtiele nuances schilderen, de kleuren worden vooral in die functie aangebracht. Zelfs voor een nachtelijke sfeer zoals op de geselecteerde prent weet Loustal heel wat variaties aan te brengen binnen het donkergrijs. Elders heb ik dat een discrimerende belichting genoemd. Het is het licht dat het beeld structureert: bepaalde delen zijn beter zichtbaar dan andere (bv. helemaal rechts is het veel donkerder dan links van het centrum). Lichtbronnen hebben effect op hun omgeving: het licht uit het huis wordt weerkaatst op het koetswerk van de auto's. Bovendien laten die schaarse lichtbronnen (lantaarn, verkeerslicht, licht van binnen de huizen) toe dat het beeld niet helemaal verstikt in het nachtelijke grijs. Het standpunt van waaruit gekeken wordt is niet loodrecht op de ingang maar een beetje van opzij, zodat het geheel niet statisch oogt maar dat er een subtiele beweging in zit. Ook de manier waarop Loustal de identieke vensterpartijen telkens weer anders tekent, geeft het grauwe, stijve gebouw enige dynamiek. Loustal gebruikt nog wel losse zwarte contourlijnen om zijn gebouwen en personen te tekenen maar ze worden een beetje opgeslorpt door het rijke palet. Loustal weet met dit beeld, waaruit bewust ballonnen worden geweerd, perfect de nachtelijke desolate sfeer van zo'n New Yorkse straat op te roepen.

Baudoin
De Franse auteur Edmond Baudoin is een meester van de zwarte Chinese inkt. De penseelstreek moet vooral gevoel uitdrukken, zegt hij: "Als ik een straat teken is het om een gevoel te tekenen en niet om alle details weer te geven. Ik wil tekenen hoe iemand die straat de straat ervaart, wat er in zijn hoofd om op dat ogenblik omgaat. Ik teken dus niet de straat maar mijn straat." Zoals de taoïstische schilder, Shitao wil Baudoin de werkelijkheid niet in stukjes ontcijferen want dat zou een te steriel resultaat opleveren. De illustratie roept dan ook een Nice in een zinderend Zuiders licht op. Baudoin's lijnen zijn nooit loodrecht maar suggereren een snelle, schetsmatige hand. Het ziet er zeer spontaan uit en zeker niet gekunsteld. Baudoin spreekt ook van een dialoog tussen hem en de tekens die hij schildert. "De zwarte trekken die mijn penseel op het papier maken zenden mij boodschappen waar ik moet op reageren, stellen mij vragen die ik niet had voorzien, geven onverwachte antwoorden." Het werk van Baudoin is ook sterk autobiografisch gekleurd. Vandaar dat zijn woonplaats, Nice, in De Eerste reis als locatie wordt gebruikt.

Biddeloo
Tot begin jaren zeventig werd in de strip het gebruik van fotografie en andere beeldvormen met een argwanend oog bekeken. Foto's konden bijvoorbeeld hooguit als documentatiebron aangewend worden, want de tekenaars waren als de dood voor het slaafse kopiëren. Deze vrees werd ingegeven door de oude mythe van het scheppend individu. Het creatieve werk van de kunstenaar werd tegenover het mechanisch reproduceren van een fototoestel geplaatst. In de kunstwereld hadden Dada en Duchamp al decennia voordien afgerekend met dit verstarde dogma van de scheppende artiest en de fotografie had een artistiek status gekregen, maar deze ontwikkelingen waren aan de stripmakers voorbij gegaan. In het experimentele klimaat van de jaren zeventig grepen een aantal auteurs zonder verpinken naar de fotografie. Tegenwoordig is het expliciete gebruik van fotografie ook in de populaire strip doorgedrongen. In de jaren tachtig deden ook digitale computerbeelden hun intrede in de strip. Karel Biddeloo verwerkt in De Rode Ridder-reeks foto's van o.a. middeleeuwse kastelen. Het bespaart de auteur niet alleen tijd maar het geeft ook een originele look aan deze klassieke jeugdstrip. Biddeloo vermondt zijn fotokopieen van foto's niet als tekening daarvoor blijven de grafische verschillen te duidelijk: de contourlijnen van het echte tekenwerk contrasteren met de eerder korrelige structuur van de architectuur. Wel wordt het geheel in een haast psychedelische kleurgloed ondergedompeld.

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