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1996
Architecture dans le 9ème ART
/ Architectuur in de 9e KUNST
Cassette avec 23 Planches
en
Lithographie
par les maîtres de la Bande
Dessinée: DE CRECY, GRATON, PRATT, MEZIERES, FUGA,
CHRISTIN, VANDERSTEEN, SCHUITEN, PETERS, ANDREAS, BAUDIN, SWARTE, TARDI,
LEGRAND, BOSSCHAERT, LEGENDRE, MOEBIUS, COSEY, DAVISON, HERMANN,
VARENNE, MARTIN, FRANQUIN, WILL, ROSY, BIDDELOO, BILAL, LOUSTAL,
PARINGAUX & BRECCIA
NBM - Amstelland
Bouw Arnhem / Centre Belge de la Bande Dessinée
Text: Paul Lefèvre
Traduction: Christophe Canon
Esthétique: Jan van der Well
Lithographie: Nederlof Repro
Imp.: Casparie, Hilversum (Pays Bas) - Pascal Lefevre - 1996
Emboîtage cartonné
Qualité de papier: 250 gr.
Format des planches: 30,8 x 30,8 cm
Format de cassette: 31½ x 31½ x 1½ cm
ISBN 90-72745-08-6
Cette édition du NBM-Amstelland Bouw NV (Arnhem) a été réalisée en
collaboration avec le Centre Belge de la Bande Dessinée de Bruxelles
Port folio
contenant:
·
Une brochure explicative sur les 23 dessinateurs participant au thème,
20 pages (bilingue/tweetalig) en bi-couleurs et les 23 planches :
1.
Nicolas
DE CRECY:
"Le bibendum céleste 1",
Vue panoramique de New York-sur-Loire (Humanoïdes Associés, 1994)
2.
Jean
GRATON:
"Michel Vaillant 46: Racing show",
Grand-Place de Bruxelles avec hôtel de ville gothique, années 1980
(Graton, 1985)
3.
Hugo
PRATT & Guido FUGA:
"Corto Maltese: Fables de Venise",
Canal à Venise, 1921 (Casterman, 1984 - réalisé en 1977)
4.
Jean-Claude MEZIERES & Pierre CHRISTIN:
"Valérian 8: Les Héros de l'équinoxe",
Le Palais de Filène sur la planète Simlane, futur lointain (Dargaud,
1978)
5.
Willy
VANDERSTEEN:
"Bob et Bobette: Le Casque Tartare",
Canaux Brugeois avec beffroi, Moyen Age (Standaard, 1995, rélisé en
1951)
6. François
SCHUITEN & Benoît PETERS:
"Les Cités Obscures: L'Echo des Cités",
Ville fictive de Mylos avec la version agrandie du lampadaire qu'Horta a
crée pour les magasins Waucquez, qui abritent actuellement le Centre
Belge de la Bande Dessinée (Casterman, 1993)
7.
ANDREAS
Martens:
"Le triangle rouge",
Villa Américaine crée par Frank Lloyd Wright (Delcourt, 1995)
8.
Edmond
BAUDIN:
"Le premier voyage",
Scène de rue à Nice, vers 1986 (Sherpa, 1987, éalisé en 1986
9.
Joost
SWARTE:
"A second Babel in: L'Art Moderne",
Tour du pavillon français à l'exposition universelle de Berlin (Futuroplis,
1985, réalisé en 1974)
10.
Jacques
TARDI & Benjamin LEGRAND:
"Tueur de cafards",
Scène de rue à New York, début des années 1980 (Casterman, 1984)
11.
Jan
BOSSCHAERT & Marc LEGENDRE:
"Sam 4: Pour des prunes",
Habitation écologique, années 1990 (Standaard, 1993)
12.
MOEBIUS,
Jean Giraud:
"Le monde d'Edena 3: la déesse",
Pyramide sur la planète Edena, futur lointain (Casterman, 1990)
13.
COSEY,
Bernard Cosandey:
"Le voyage en Italie",
Scène de rue dans un village côtier de sud de l'Italie, années 1980
(Dupuis, 1988)
14.
François SCHUITEN & Benoît PETERS:
"Les Cités Obscures: La Fièvre d'Urbicande",
Ville fictive d'Urbicande. Cette planche apparait en noir et blanc dans
l'album. Cette version en couleur a été réalisée dans le cadre de la
Biennale d'Arte de Venise (Casterman, 1985)
15.
Al
DAVISON:
"De minotaurus",
Représentation d'un taudis anglais, années 1990 (Sherpa, 1992)
16.
HERMANN, Herman Huppen:
"Jeremiah 12: Julius & Roméa",
Cité murée, Amérique de Nord, 21emesiècle (Dupuis, 1986)
17.
Alex
VARENNE:
"Opéra boum, in (A SUIVRE) hors série: architectures et
bande dessinée", Opéra de
Paris, années 1980 (Casterman, 1985)
18.
Jacques
MARTIN:
"Alix: l'odyssée d'Alix",
Temple de Delphes, entre 45 et 41 avant Jésus-Christ (Casterman, 1987)
19.
André
FRANQUIN, WILL, Willy Maltaite & Maurice ROSY:
"Spirou et Fantasio 10: Les pirates du silence",
Station d'essence, années 50 (Dupuis, 1976, réalisé en 1955-1956)
20.
Karel BIDDELOO:
"De Rode Ridder 133: De spookkaros",
Château-fort médiéval de Horst (Standaard, 1990)
21.
Enki
BILAL:
"La femme piège",
Vue aérienne de Tower Bridge, Londres, 2025 (Humano SA,
Genève-Humanoïdes Associès 1986)
22.
Jacques
de LOUSTAL & Philippe PARINGAUX:
"Barney et la note bleue",
Club de jazz à New York, vers 1960 (Casterman, 1987) (Five spot)
23.
Alberto
BRECCIA:
"Dracula, Dracul, Vlad ?, bah",
Scène de rue, ville du 19eme siècle (Humanoïdes Associès
1993, réalisé en 1982)
Architecture dans le
Neuvième Art (avec Al Davison, Andreas, Baudoin, Biddeloo, Bilal,
Bosschaert/Legendre, Breccia, Cosey, De Crécy, Franquin, Graton, Hermann,
Loustal/Paringaux, Martin, Mézières, Moebius, Pratt, Tardi, Swarte,
Vandersteen, Varenne)
1995. NBM-Amstelland BOUW & CBBD. 2 ill. coul. (cf. album C2, p. 20 case
1 colorisée + album C10 p. 49)
Architectuur in de negende kunst
Architecture dans le neuvieme art
cassette met boek en 23 litho's
Deze cassette is een
relatiegeschenk van NBM Amstelland bouw, najaar 1996.
Het boek van Pascal Lefevre is een introductie in het onderwerp
striparchitectuur en geeft een uitgebreide beschrijving van de
bijbehorende litho's (Nederlands en Frans, 18 pagina's). De litho's zijn
30,8 x 30,8 cm en gedrukt op 250 grams gecoat karton.
Nicolas De Crecy (le Bibendum Céleste 1)
Jean Graton (Michel Vailant 46: Racing show)
Hugo Pratt (Corto Maltese: Fabel van Venetië)
Jean Claude Mezieres & Pierre Christin (Ravian 8: de Helden van
Equinox)
Willy Vandersteen (Suske en Wiske: de Tartaarse helm)
Francois Schuiten & Benoit Peeters (De duistere steden: de echo
der steden) *
Andreas Martens (De rode driehoek)
Edmond Baudoin (De eerste reis)
Joost Swarte (A second Babel)
Jacques Tardi & Benjamin Legrand (de Kakkerlakkenkiller)
Jan Bosschaert & Marc Legendre (Sam 4: Pruimentijd)
Moebius, Jean Giraud (de wereld van Edena 3: de Godin)
Cosey, Bernard Cosandey (Reis naar italië)
Francois Schuiten & Benoit Peeters (De duistere steden: de koorts
van Urbicande)
Al Davison (de Minotaurus)
Hermann, Herman Huppen (Jeremiah 12: Julius & Romea)
Alex Varenne (Opera boum: architectures et bande dessinée)
Jacques Martin (Alex: de dooltocht van Alex)
André Franquin (Robbedoes & Kwabbernoot 10: het masker der
stilte)
Karel Biddeloo (de Rode Ridder 133: Spookkaros)
Enki Bilal (Lady in Blue)
Jacques de Loustal & Philippe Paringaux (Bèsame mucho)
Alberto Breccia (dracula, Dracul, Vlad? bah...)
* deze plaat is ook opgenomen als kerstkaart (17 x 17 cm)
NBM Amstelland Bouw Arnhem / Centre Belge de la Bande Dessinée
1996 ISBN 9072745086
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Jacques de LOUSTAL & Philippe PARINGAUX:
"Barney et la note bleue",
Club de jazz à New York, vers 1960 (Casterman, 1987) (Five spot) |
Joost SWARTE:
"A second Babel in: L'Art Moderne",
Tour du pavillon français à l'exposition universelle de Berlin (Futuroplis,
1985, réalisé en 1974) |
Jacques TARDI & Benjamin LEGRAND:
"Tueur de cafards",
Scène de rue à New York, début des années 1980 (Casterman, 1984)
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François SCHUITEN & Benoît PETERS:
"Les Cités Obscures: L'Echo des Cités",
Ville fictive de Mylos avec la version agrandie du lampadaire
qu'Horta a crée pour les magasins Waucquez, qui abritent
actuellement le Centre Belge de la Bande Dessinée (Casterman,
1993) |
© Pascal Lefèvre
Architecture et bande dessinée
Dans un média tel que la bande dessinée, où les personnages
occupent l'avant-scène, le décor semble condamné à ne jouer
qu'un rôle secondaire, voire à se retrouver à l'arrière-plan. La
définition habituelle de décor recouvre le cadre naturel ou les
bâtiments qui servent à camper une scène. L'apparition de
l'architecture dans la bande dessinée dépend en grande partie de
l'évolution du décor dans ce mode d'expression. Alors que les
bandes dessinées du XIXeme siècle étaient dominées par les
personnages, certaines bandes quotidiennes américaines
accordèrent dès le début du 20eme siècle une importance capitale
au décor. Le Little Nemo est ainsi le jouet d'un décor vivant et
en perpétuelle mutation, et dans Krazy Kat, le décor est tout
aussi instable et se comporte comme une entité autonome. Dans
des strips tels que La Famille Illico ou Polly and her Pals, le
décor reflète les modes architecturales de l'époque (d'abord
l'Art Nouveau, puis l'Art Déco). Les séries d'aventure des
années trente se déroulent bien souvent dans des lieux
exotiques, qu'ils soient terrestres ou situés sur d'autres
planètes, dans un futur lointain ou dans le passé. Dans les
comic books des années quarante, les combats incessants des
super-héros occupent une large place. Exception : la série The
Spirit accorde une fonction importante au décor. Après la
deuxième guerre mondiale, le décor peut parfois disparaître
totalement, comme chez les Peanuts, mais il obtient une fonction
de premier ordre dans les comic books d'horreur des années
cinquante (principalement dans les oeuvres de Krigstein).
Lentement, le décor acquiert de l'importance dans la bande
dessinée européenne. Hergé a connu, sur ce plan, une évolution
exemplaire : au début des années trente, le décor des aventures
de Tintin est dessiné de manière élémentaire, sans véritable
souci de réalisme. Par après, Hergé et son studio de
collaborateurs feront un usage massif de documentation afin de
camper au mieux la réalité. La bande dessinée européenne
classique destinée à la jeunesse des années cinquante et
soixante parvient de temps à autre (par exemple, chez Jacobs,
Cuvelier, Martin) à dépasser le niveau d'une carte postale
colorée mais interchangeable. Dans la bande dessinée
franco-belge, tout peut être utilisé comme décor, à l'exception
de la Belgique. Dès que les éditeurs belges ont voulu exporter
leurs albums vers le grand marché français, tout élément allusif
à la Belgique disparaît. Quant aux auteurs belges d'expression
néerlandophone, la situation est différente, vu qu'ils
travaillent surtout pour le public flamand. Des endroits
typiquement flamands apparaissent régulièrement dans Bob et
Bobette ou Néron.
Le mouvement de contestation des années soixante n'a pas négligé
la bande dessinée. De jeunes auteurs rejettent les anciennes
normes limitatives et explorent librement de nouveaux styles et
sujets grâce auxquels ils touchent un public plus âgé et adulte.
Parmi les conséquences de ce fait, remarquons que le caractère
local d'une BD devient une qualité : à titre d'exemple, Comès
situe ses récits dans les Ardennes et Servais illustre
l'architecture rurale de la Gaume. Dans la bande dessinée pour
adultes, le décor constitue plus qu'une toile de fonds
unidimensionnelle. Parfois, il forme un élément moteur de
l'histoire. Schuiten et Peeters intitulent leur série centrée
sur des villes imaginaires dotées de formes architecturales
remarquables Les Cités Obscures. Certains auteurs contemporains
développent fortement l'élaboration de leurs décors, allant
jusqu'à réaliser des maquettes (comme Bourgeon ).
Des bandes dessinées expérimentales vont jusqu'à rejeter
totalement les personnages: ainsi, parmi les 180 planches de La
Cage, nous ne découvrons aucun personnage humain. Dans cet
album, seuls les paysages, les bâtiments et les objets subissent
des métamorphoses incessantes.
Les Graphic Novels actuels aux USA et les mangas japonais
explorent et utilisent les possibilités architecturales.
L'architecture a ainsi acquis sa place dans le monde des bulles;
par ailleurs, la bande dessinée n'a pas laissé de bois les
architectes. En 1985 l'Institut Français d'Architecture organisa
la première exposition de grande envergure sur les rapports
entre architecture et bande dessinée, intitulée Attention
Travaux ! Quelques architectes, tels que Koolhaas ou Neutelings,
réalisent leurs plans sous forme de bande dessinée.
Actuellement, plus personne ne peut se comporter comme s'il
vivait dans un vide culturel. Les échanges entre les différents
artistes ou médias augmentent sans cesse les enrichissements
mutuels, les citations et les cross-overs (collaborations).
Les auteurs de bande dessinée subissent également l'influence
d'autres médias. La plupart des artistes rassemblés dans notre
portfolio ont par ailleurs suivi une formation autre qu'un pur
enseignement de la bande dessinée. Loustal est architecte de
formation, Hermann a étudié l'architecture d'intérieur et Swarte
le design industriel. Le père et le frère de François Schuiten
sont architectes. Tandis que de nombreux auteurs de notre
sélection jouent avec plaisir le rôle d'architecte (entre
autres, Andréas ou Jacques Martin), d'autres se sentent moins
d'affinités avec cet aspect et confient les décors à des
assistants spécialisés : Franquin, Graton, Pratt, Vandersteen,
... La façon dont on aborde l'architecture dans la bande
dessinée est donc fort variable. L'architecture par la bande
peut donc être analysée selon plusieurs points de vue.
Premièrement nous allons embrasser les caractéristiques et
fonctions de l'architecture traitée par la bande dessinée.
Ensuite, nous détaillerons plus loin quelques reproductions de
notre portfolio : nous analyserons successivement le style de
Swarte, Martin, Tardi, Breccia, Loustal, Baudoin et Biddeloo.
Notre sélection d'illustrations se limite exclusivement à des
auteurs qui ont été publiés par des éditeurs hollandais, belges
ou français et elle consacre une attention particulière au
courant de renouvellement de la bande dessinée apparu dans les
années septante, période durant laquelle l'architecture allait
acquérir une position primordiale. Mais nous trouvons également
quelques exemples dans la bande dessinée classique pour enfants
(Bob et Bobette, Spirou et Fantasio, Alix). Nous sommes
convaincus que ce portfolio procure un bel aperçu de
l'architecture dans l'univers actuel des bande dessinées.
CARACTéRISTIQUES DE L'ARCHITECTURE EN BANDE DESSINéE
L'architecture dans la bande dessinée ne peut exister que si
elle est représentée d'une manière ou d'une autre. Cette
remarque paraît assez évidente, mais elle a des conséquences
importantes. Ainsi, il est parfaitement possible qu'un bâtiment
se retrouve dans une image mais, au sein de l'image suivante,
cet élément peut apparemment disparaître, sans que le lecteur ne
s'en offusque. Le lecteur de bande dessinée connaît ce code: il
sait que le décor a disparu temporairement de l'image afin
d'orienter toute l'attention sur les actions des personnages.
C'est un des problèmes qu'un auteur de bande dessinée doit
résoudre : comment dérouler une action dans un espace crédible
sans noyer celle-ci dans un environnement trop détaillé ? Ce que
le dessinateur gagne en détail de décors, il le perd
généralement en clarté et en lisibilité. Contrairement à un
tableau ou à une photographie, l'image BD n'existe pas par
elle-même; il s'agit bel et bien d'un maillon dans un ensemble.
Plus une vignette isolée est conçue de manière complexe, moins
la compréhension sera rapide, au plus une lecture facile sera
freinée et ceci est exactement ce que la majorité des
dessinateurs veulent éviter. Un album de bande dessinée est
généralement vite lu. En outre, chaque décor parfaitement
exécuté exigerait de la part des auteurs de bande dessinée un
effort supplémentaire. Comment un dessinateur de BD peut-il à la
fois et en même temps procurer une information suffisante à
propos du temps et de l'espace au sein desquels l'action se
déroule ? Evidemment, il peut utiliser des bandes textuelles
mais ceci provoque une impression de lenteur. En général il
débutera une nouvelle scène avec une large vue panoramique, où
la situation est dépeinte. De cette manière, le temps et
l'espace sont indiqués. Lorsque ces éléments ont été définis,
l'action peut débuter pleinement : le décor disparaît alors du
champ visuel et l'accent est mis sur les personnages. A ce
stade, le dessinateur opte plutôt pour des gros plans (close-ups),
de telle manière qu'il ne reste guère de place pour représenter
un décor. Quand la nécessité seulement se fait sentir, par
l'exemple si les personnages se déplacent, le décor réapparaît
dans l'image. C'est pourquoi il existe peu de bandes dessinées
où les décors soient dessinés en détail, dans chaque case. Le
fait que l'architecture soit seulement une image comporte aussi
divers avantages. Comme nous l'avons déjà dit, elle ne doit pas
être rappelée dans chaque case mais elle a la faculté de changer
de case en case sans raison logique. Dans une bande dessinée,
tout doit être dessiné de case en case et est susceptible donc
de changer radicalement. Dans le cas de Krazy Kat, il arrive que
le décor connaisse des modifications à chaque case, tandis que
le dialogue entre les personnages du premier plan se poursuit
normalement, comme si de rien n'était. Même dans une série moins
expérimentale comme Astérix, nous observons que le petit village
gaulois varie non seulement d'un album à l'autre, mais aussi au
sein d'une même histoire. L'espace perçu par la bande dessinée
est donc totalement fictif, régi par ses propres règles et
normes. L'architecture vue par la bande dessinée ne doit pas
être édifiée dans le monde réel. Elle peut sans souci se
soustraire aux lois physiques telles que la force de gravité et
ne doit pas se soucier du choix des matériaux de construction.
Les coûts financiers n'importent pas à un auteur de BD. Qu'il
dessine une petite cabane ou qu'il reconstitue entièrement la
Rome antique, seuls un crayon, du papier et des efforts lui sont
nécessaires. Le dessinateur dispose comme un créateur de son
propre univers sur papier et peut en faire ce qu'il veut. Des
villes entières peuvent être détruites sans aucune difficulté et
reconstruites tout aussi aisément. Bon nombre d'éléments
dépendent de la propre force de représentation et des capacités
de dessin (ou de l'aptitude à intégrer des images) propres à
l'auteur. Dans la bande dessinée, on différencie généralement
les personnages et les décors. Les personnages sont donc les
êtres humains, les animaux ou les créatures étranges (robots,
extra-terrestres, ...) qui semblent vivre, alors que le décor
est considéré le plus souvent comme matériau "mort". Nuançons :
déjà auprès des pionniers de la bande dessinée, comme Winsor
McCay, ces quelques accessoires s'avèrent capables de mener une
existence autonome; les escapades de l'étrange lit de Nemo sont
bien connues, des maisons entières peuvent acquérir des jambes
et entamer une ballade.
FONCTIONS DE L'ARCHITECTURE DANS LA BANDE DESSINéE
L'architecture remplit différentes fonctions dans la band
dessinée. Il appartient au lecteur d'interpréter les lignes et
les couleurs sur le papier; par ce biais, le lecteur apporte ses
propres modèles d'interprétation. Grilles d'interprétation qui
sont souvent partagées par plusieurs personnes et qui dépendent
du contexte. Par exemple, ce fait transparaît dans l'évolution
des édifices antiques de la série Alix. Martin, son auteur,
rapportait lors d'une entrevue que les ruines actuelles ne
suffisaient pas afin de nous fournir une image précise de la
Rome antique: "Prenons un exemple: les temples grecs et romains
étaient polychromes, alors que nous leur connaissons seulement
la couleur de la pierre brute. Pendant fort longtemps, je n'ai
pas voulu casser cette fausse image d'une Rome ou d'une Athènes
en marbre blanc, car je craignais de me heurter à l'incrédulité
de mes lecteurs. Aujourd'hui, je vais plus loin dans mon souci
de véracité, et dans L'Enfant grec, mes temples ont pris des
couleurs. Je crois que je peux à présent me permettre ce
surcroît de réalisme, et même que j'y suis tenu, dans la mesure
où l'on me considère de plus en plus comme un auteur de
référence pour tout ce qui touche à l'Antiquité"_. Durant trente
ans, Martin partit de l'hypothèse que les lecteurs
n'accepteraient pas la véritable représentation historique des
temples peints, parce qu'ils ne concordaient pas avec leur cadre
de référence, principalement les ruines nues et brutes qui
demeurent actuellement. C'est à partir des années quatre-vingt
seulement que Martin crut que le public était plus apte à
l'accepter. Les cadres d'interprétation peuvent se différencier
d'une personne à l'autre et évoluent également dans le temps.
Par conséquent, il existe une différence possible entre les
interprétations et les sentiments, par ailleurs, la version du
lecteur ne doit pas correspondre à celle du créateur. Lire des
bandes dessinées n'est pas, comme d'autres processus de
communication, un phénomène à sens unique dans lequel un message
est communiqué sans bruit de l'émetteur vers le récepteur. Une
première série de cinq fonctions se trouve en relation directe
avec le récit, alors les suivantes ont trait à la plasticité de
la bande dessinée.
1 Situation dans le temps et dans l'espace.
L'architecture permet de situer dans un temps et un espace
précis l'activité des personnages. Bon nombre d'auteurs
utilisent volontiers des images-stéréotypes pour indiquer un
endroit : par exemple, la tour Eifel pour Paris ou Tower Bridge
pour Londres. De tels édifices connus de tous permettent une
situation facile et rapide. Le temple de Delphes (Martin) est
moins connu par un large lectorat, mais la majorité le placera
sans aucune difficulté dans l'Antiquité classique. De la même
manière la scène de rue tirée de Tueur de cafards sera associée
facilement à une mégapole américaine d'aujourd'hui.
L'architecture survit à l'époque qui l'a vue naître. Dans nombre
de cités européennes, nous rencontrons des cathédrales
médiévales de type gothique. Par exemple, la Grand-Place de
Bruxelles peut être située chronologiquement uniquement sur base
d'un nombre complet de données. Retirons les voitures de l'image
et il devient plus ardu de la raccrocher à une période
temporelle. L'architecture du futur ou d'étranges cultures
extérieures est étonnamment reconnaissable, identifiable.
Mezières, Moebius, Hermann, Bilal et De Crécy utilisent un
ensemble d'éléments connus du présent ou du passé afin de donner
forme à leur architecture futuriste. Moebius s'inspire des
pyramides égyptiennes et des Indiens d'Amérique pour camper son
temple souterrain de la planète Edena. Bilal combine l'ancienne
architecture avec des nouvelles constructions futuristes, dans
un Londres de l'an 2025. Même la dénomination des villes de
demain est puisée clairement dans le passé : De Crécy parle
ainsi de New York sur Loire.
2 Expression d'un ou de plusieurs usages fonctionnels
La véritable architecture diffère d'une production artistique
habituelle, dans ce sens qu'elle est avant tout fonctionnelle.
L'architecture a pour buts l'habitation, le travail, la détente
et ainsi de suite. Dans l'architecture appliquée à la bande
dessinée, l'aspect fonctionnel joue un rôle important. Nombre de
bâtiments "trahissent" leur fonctionnalité uniquement par la
forme. En un coup d'oeil, le lecteur interprète le bâtiment de
Franquin/Will comme une station d'essence, l'imposante
construction de Mezières comme un palais, la pyramide de Moebius
en tant qu'un lieu de culte. Pour certains édifices, la
fonctionnalité n'est pas clairement donnée, comme l'énigmatique
construction de Swarte. Nous y reconnaissons certes une tour,
mais son usage demeure au premier examen imprécis. C'est
précisément la raison pour laquelle Swarte montre cet édifice
étrange, de facture moderne dans la première case de son court
récit.
3 Caractérisation des personnages
L'espace au sein duquel vit un personnage peut indiquer sa
personnalité. Au sein de l'imposant palais de Mezières, nul
quidam ne réside là; il s'agit probablement d'un personnage très
important. Tout l'album d'Andréas traite du personnage de Frank
Lloyd Wright. Cet architecte moderniste y est caractérisé grâce
à diverses illustrations de son architecture personnelle.
L'étonnante habitation de Bosschaert attire l'attention sur un
plus qu'habile côté fait-main, avec une vision écologique.
4 Indication d'une ambiance
L'architecture exprime aussi une ambiance particulière. Le
taudis couvert de graffitis de Davison produit une atmosphère
tout autre que les gratte-ciel étincelants d'Hermann. En outre,
les conditions (climatologiques) au sein desquelles
l'architecture est représentée déterminent en grande partie la
création d'une atmosphère. L'ardent soleil italien de Cosey
provoque une ambiance différente de celle évoquée par la lumière
nocturne et hivernale de Breccia. Schuiten et Peeters utilisent
l'architecture pour produire une atmosphère. Les formes
puissantes, rigides et monumentales de l'architecture d'Urbicande
nous indiquent que nous sommes en présence d'un système
totalitaire où l'individu est seulement une partie négligeable.
Les résidents d'Urbicande doivent se conformer au système
qu'elle incarne littéralement et figurativement. Par ce biais,
nous abordons le point suivant: l'architecture qui révèle
clairement une philosophie sous-jacente.
5 Indication d'une idée sous-entendue dans une scène ou dans une
histoire complète
Chez Will et Franquin, l'architecture soutient pleinement la
conception d'un avenir optimiste, propre aux bandes dessinées
des années cinquante. Même des édifices purement fonctionnels et
banals comme une station d'essence sont habillés d'un charmant
look moderniste : une construction légère munie de larges
fenêtres en façade, un toit plat un peu recourbé et surtout les
redents horizontaux et démonstratifs de la façade. A l'instar de
Swarte, on parle du style Atome qui renvoie au symbole de
l'exposition universelle de Bruxelles. L'Expo 58 a consacré
l'architecture décorative moderne et fit apparaître l'idée
qu'une "époque dorée" allait débuter_. La manière dont on figure
un bâtiment peut immédiatement révéler une idée sous-entendue,
abstraction non faite du bâtiment que l'on représente. Ainsi, la
vue oblique de l'Opéra de Paris par Varenne constitue un signe
implicite que quelque chose cloche, que le personnage vit des
expériences plutôt bizarres. Par contre, dans la pyramide de
Moebius, tout paraît être sous contrôle : une composition
parfaitement équilibrée et symétrique éveillera une telle
impression. En somme, l'architecture peut, en relation avec
l'objet plastique qu'est la bande dessinée, avoir les fonctions
suivantes :
6 Objet esthétique
Un bâtiment figurant dans une bande dessinée peut être
esthétique en soi. La façon dont l'auteur de BD met en images
cette forme architecturale peut provoquer l'effet esthétique.
Forcément il dépend du lecteur qui voit la représentation comme
quelque chose de beau. Chacun possède sa propre échelle de
valeur afin de déterminer si un objet est beau, mais ceci est en
grande partie limité au niveau culturel. Bien entendu, les
auteurs qui travaillent davantage avec le pinceau recherchent
cet effet. Baudoin, Bilal ou Breccia ne désirent certainement
pas représenter un édifice bourré de détails, ils cherchent
plutôt à construire une image puissante par le graphisme et le
jeu des formes (jeu formel). Crayon ou feutre peuvent créer un
effet esthétique. Observons la remarquable version réalisée avec
des crayons de couleur par Andréas de l'architecture de Wright.
La manière dont l'architecture est figurée dans la bande
dessinée ne dépend pas uniquement du style graphique de l'auteur
mais tout autant de ses choix iconographiques. Du point de vue
sous lequel un édifice est montré. De la composition que le
dessinateur introduit dans sa planche, voire dans l'ensemble de
la structure paginale. Nous connaissons déjà la belle
composition symétrique de Moebius. Sa palette subtile et sobre
contribue à produire un aspect esthétique.
7 Déterminer un cadrage et une construction de planche
Si un dessinateur désire représenter un bâtiment, il tiendra
compte de cet élément dans son cadrage et sa composition de
planche. Certains édifices exigent, de par leur propre forme ou
dimension, un cadrage particulier. Par exemple, les étroites
ruelles du petit village italien avec leurs différences de
niveau importantes obligent Cosey à utiliser un cadrage
fortement vertical. En général, l'architecture nécessite un
cadre plus étendu que les autres images; dans certaines BD, elle
occupe toute la surface de la planche (Bilal, Moebius et De
Crécy).
8 Méta-représentation
Les bâtiments de Wright dans la BD d'Andréas influencent les
autres éléments de la planche. Les phylactères riment avec les
formes architecturales, de nouvelles formes et idées traversent
la BD. Dans l'illustration tirée du portfolio, les colonnes sont
reprises sous une autre forme dans les petites peintures
accrochées au mur. Il s'agit d'exemples de méta-représentation,
où certains aspects de l'image ont été structurés de telle façon
que l'attention du lecteur se déplace de la signification vers
des caractéristiques matérielles_.
QUELQUES ANALYSES FORMELLES
Swarte
Les édifices modernes de Swarte paraissent plus modernes que
l'architecture moderniste, prétend le théoricien français de la
bande dessinée Bruno Lecigne . Le travail de Swarte rappelle
celui d'autres auteurs (entre autres Hergé, Vandersteen ou Mc
Manus) mais rarement d'une manière statique. Mat Schifferstein
discerne une des différences avec le style d'Hergé dans la
manière dont Swarte tente de conférer à ses décors un aspect
tridimensionnel, tandis que, chez Hergé, tant de personnages
fournissent en tant que décor une impression plate (fade): "Swarte
obtient ce résultat grâce à une représentation non-frontale des
bâtiments, mais de préférence oblique; d'une telle façon, deux
faces d'un tel édifice sont toujours visibles et donc ceci
aboutit à un effet non-plat. Swarte paraît ne pas vouloir
intégrer l'univers plat d'Hergé. Il dissimule l'encrage
monochrome derrière une technique à l'écoline, grâce auquel
davantage de nuances de couleurs peuvent être créées. Mais,
malheureusement, il n'utilise pas cette technique pour suggérer
un volume (en passant du clair vers l'obscur)" . Bruno Lecigne
attire notre attention sur le jeu fascinant des contrastes dans
le graphisme swartien. L'image est, comme le texte, tout sauf un
système stable et univoque, tout semble n'être qu'un combat
incessant entre le rond et le rectiligne. Dans A Second Babel,
cet antagonisme fondamental entre le cercle et la ligne droite
fournit la dynamique du récit. Auprès de la tour, une spirale
ronde est essentielle, tandis qu'au sein de l'asile d'aliénés
tout est à angle droit (table, fenêtre, carrelages, même les
tabourets !). Visiblement le travail de Swarte veut séduire mais
il s'agit d'un auteur toujours préoccupé par l'idée qui se cache
derrière le dessin.
Martin
Au point de vue formel, Martin utilise encore le contour clair,
mais il emploie également d'une manière prudente des hachures,
surtout dans ses décors. Une suite de petites taches ou traits,
sur des colonnes, doivent suggérer profondeur et rondeur. Les
couleurs unies indiquent davantage un espace plat; Martin tente
de compenser ce fait par des hachures. Sur le socle de la
statue, les taches ou les traits servent à traduire la structure
granuleuse de la pierre. Contrairement à Hergé, Martin remplit
ses planches de divers petits détails, qui semblent (sur)saturer
l'image_.
Tardi
Tardi recourt à des contours noirs et assez épais mais tempère
cet effet grâce à des trames. Le style graphique de Tardi est
une interprétation personnelle de New York. Il suffit de
comparer ses dessins aux photographies qui sont reproduites en
fin d'album. Les photos paraissent banales et plates face au
dessin plein de caractère. En outre, l'usage extrêmement
sélectif de la couleur de support rouge contribue à former une
atmosphère irréelle. Le rouge apparaît d'ailleurs brusquement
dès la troisième planche, ce qui contraste fortement avec le ton
gris dominant. D'un point de vue formel, la couleur rouge isole
principalement le personnage central de l'environnement monotone
et glauque de la grande cité inhumaine. Tueur de cafards aurait
peut-être pu être imprimé uniquement en noir et blanc. Bien
entendu, il aurait été difficile d'obtenir une telle atmosphère
morbide avec des couleurs. L'option de Tardi pour le noir et
blanc est dictée également par une raison moins prosaïque,
l'auteur pense que la couleur est souvent mal imprimée dans les
albums.
Breccia
Ce qui saute tout de suite aux yeux dans la planche de Breccia,
c'est l'atmosphère vert-de-gris, avec une grande surface en rose
et violet. Breccia n'utilise pas de couleurs simples; s'y
retrouvent continuellement des transitions et nuances. Il s'agit
de teintes non-saturées, tamisées. Les contours y sont tout sauf
rectilignes; en fait, ils sont toujours déformés. Même
d'innocentes fenêtres possèdent une forme très inhabituelle. Les
maisons paraissent vieilles et malades : malgré la solidité des
matériaux utilisés, elles semblent sur le point de s'écrouler
les unes sur les autres. Les nombreuses cheminées, frontons et
lucarnes ont quelque chose de rassurant et nostalgique. Les
réverbères produisent seulement une faible lumière, l'ombre sur
le grand bâtiment est probablement provoquée par une autre
source lumineuse, non identifiée. Malgré un ciel lourd, nuageux
et sombre, une série de touches lumineuses claires se reflètent
sur les toits ( réflexion de la lunne invisible ?). Les formes
étranges, les couleurs et les parties éclairées évoquent une
atmosphère de conte ou de théâtre, mais possèdent également un
côté triste et terrien. Commencer une histoire horrible de
Dracula par cette image n'est certes pas un cliché. Breccia
présente ici sa propre interprétation contemporaine du mythe du
vampire.
Loustal
Lorsque Loustal représente un bâtiment, il tente d'en capter
l'atmosphère immédiate. L'architecture monumentale et
spectaculaire ne l'intéresse pas, il préfère des bâtiments
banals, voire laids : "Prendre le temps de regarder la banalité,
de s'intégrer à un espace, percevoir une ambiance, observer les
variations de la lumière, c'est pour moi comme une
respiration"_. Loustal est convaincu du fait qu'il peut mieux
capter son sentiment face à un certain lieu grâce à ses dessins
qu'il ne pourrait le faire avec un appareil photographique. En
premier lieu, il désire représenter la lumière dans l'ensemble
de ses nuances subtiles, les couleurs sont appliquées surtout
dans ce but. Même dans le cas d'une scène nocturne (comme sur
l'illustration choisie), Loustal sait quelles nombreuses
variations apporter au sein du gris foncé. En d'autres lieux,
j'ai désigné cette technique sous le nom d'éclairage
discriminant_. La lumière structure l'image : certaines parties
sont davantage visibles que d'autres (par exemple l'extrême
gauche est bien plus sombre que la zone droite du centre). Les
sources lumineuses ont une influence sur leur environnement: la
lumière issue de la maison est réfléchie sur la carrosserie des
voitures. En outre, ces faibles sources d'éclairage (réverbère,
feux de signalisation, lumière issue des maisons) permettent que
l'image ne soit pas totalement étouffée par le gris nocturne. Le
point de vue ne se situe pas à la perpendiculaire de l'entrée,
mais un petit peu sur le côté. Ainsi, la scène ne paraît pas
statique, il semble bien qu'il y ait un mouvement subtil. La
façon dont Loustal dessine les fenêtres, chaque fois
différentes, procure au bâtiment gris et raide une certaine
dynamique. Loustal utilise bien des contours noirs et lâches
pour figurer ses bâtiments et personnages, mais ils sont
absorbés en partie par une riche palette. Dans cette image où
les phylactères ont été consciemment rejetés, Loustal parvient à
évoquer parfaitement l'atmosphère nocturne et désolée d'une rue
new-yorkaise.
Schuiten en Peeters
En ce qui concerne l'architecture d'Urbicande, ville fictive,
Schuiten et Peeters ont puisé leur inspiration des bâtiments
monumentaux fascistes et staliniens et des projets futuristes du
début du siècle. Urbicande possède le mème côté monumental que
ces architectures. Le système social concrétise ainsi son
autorité par la pierre. Architecture et système politique sont
pareillement rectiligne et anguleux. Les habitants sont
contraints de se conformer aux règles strictes du régime
dictatorial. Cette version en couleur peu connue n'a jamais été
publiée en album et a été réalisée dans le cadre de la Biennale
d'Arte de Venise. Dans l'album, le monde d'Urbicande est évoqué
uniquement avec des tons noir/blanc. L'absence de couleurs ne
constitue certes pas une faiblesse, car la version noir et blanc
est au moins aussi forte que celle mise en couleur.
Baudoin
L'auteur français Edmond Baudoin est un maître de l'encre de
Chine. Le coup de pinceau doit avant tout imprimer du sentiment,
dit l'auteur: "Quand je dessine une rue c'est pour dessiner une
sensation, c'est pas pour toutes les détails. Je veux dessiner
comment quelqu'un dans la rue ressent cette rue, qu'est-ce qu'il
a dans à la tête à cette instant. Ce que je dessine de la rue ce
n'est pas la rue mais c'est la rue à moi, celle qui est à
l'intérieur de ce bonhomme, qui est souvent moi-même."_ Comme le
peintre taoïste Shitao , Baudoin ne désire pas déchiffrer la
réalité selon des fragments, car cette approche livrerait une
vision par trop stérile. L'illustration évoque Nice sous une
lumière caniculaire et méridionale. Les lignes de Baudoin ne
sont jamais perpendiculaires; elles suggèrent une main rapide,
habile à l'esquisse. Ceci produit un effet spontané et
certainement pas artificiel. Baudoin parle également d'un
dialogue entre lui et ses dessins : "Les traits noirs que
dessine mon pinceau sur le papier blanc m'envoient des messages
auxquels il faut que je réponde, des questions que je n'avais
pas prévues, des réponses inattendues" . L'oeuvre de Baudoin est
fortement teintée d'autobiographie. Ainsi, son domicile niçois a
été utilisé dans Le Premier Voyage en tant que localisation.
Biddeloo
Jusqu'au début des années septante, l'usage de la photographie
ou d'autres techniques graphiques dans la bande dessinée était
considéré d'un oeil méfiant. Par exemple, les photos pouvaient
être utilisées tout au plus en tant que source documentaire, car
les dessinateurs redoutaient de les copier servilement. Cette
crainte a été inspirée par l'antique mythe de l'individu-créateur.
Le travail créatif de l'artiste a été opposé au procédé
reproductif d'un appareil photographique. Dans le domaine
artistique, Dada et Duchamp avaient déjà depuis des décennies
réglé son compte à ce dogme figé de l'artiste-créateur et la
photographie avait acquis un statut artistique. Mais ces
évolutions avaient négligé les créateurs de bande dessinée. Dans
le courant expérimental des années septante, un certain nombre
d'auteurs recourent sans rougir à la photographie. Actuellement
l'usage explicite de la photographie a pénétré même les bandes
dessinées populaires. Durant les années quatre-vingt, des images
digitales produites sur ordinateur ont également fait leur
apparition. Karel Biddeloo intègre dans sa série Le Chevalier
Rouge des photos, entre autres celles de châteaux du Moyen Age.
L'auteur n'économise pas uniquement du temps, cela procure
également un aspect original à cette bande dessinée classique,
destinée à un public juvénile. Biddeloo n'utilise pas ses
photocopies de photos en tant que dessin, ainsi les différences
graphiques demeurent trop explicites : les contours du véritable
dessin contrastent avec la structure plutôt granuleuse de
l'architecture. Le tout a été plongé dans une chatoyance
chromatique quasi psychédélique.
Architectuur in de
strip
© Pascal Lefèvre
In een medium als de strip
waar personages op het voorplan staan, lijkt het decor tot een
minderwaardige rol gedoemd, ergens op de achtergrond van de
scène. Gewoonlijk bedoelt men met het decor de natuur of de
gebouwen die als setting voor een scène dienen. De verschijning
van architectuur in de strip hangt dan ook grotendeels samen met
de evolutie van het decor in dat medium. Terwijl in het
negentiende eeuwse beeldverhaal de personages domineren, krijgt
het decor in enkele humoristische Amerikaanse krantenstrips van
begin deze eeuw een opvallende rol toebedeeld. Little Nemo wordt
de speelbal van een levend en voortdurend veranderend decor en
in Krazy Kat is het decor al even onstabiel en gedraagt het zich
als een zelfstandige entiteit. In strips als Bringing Up Father
en Polly and Her Pals toont het decor de toenmalige modes op
archtitecturaal vlak (eerst Art Nouveau, later Art Deco). De
avonturen-strips van de jaren dertig spelen zich veelal af op
exotische plaatsen (op aarde of op andere planeten), in de verre
toekomst of in het verleden. In de comic books van de jaren
veertig domineren de eindeloze gevechten van superhelden maar in
The Spirit krijgt het decor een aanzienlijke rol. Na de oorlog
verdwijnt in humoristische krantenstrips het decor soms helemaal
(bv. The Peanuts) maar speelt soms een aanzienlijke rol in de
horror-comics van de jaren vijftig (vooral in het werk Krigstein).
Langzaamaan wint ook in de Europese strip het decor aan belang.
De evolutie bij Hergé is wat dat betreft exemplarisch: in de
eerste Kuifjes-avonturen van begin jaren dertig schetst Hergé op
een zeer elementaire manier het decor zonder al te veel
realiteitspretenties. Later zullen Hergé en zijn
studiomedewerkers volop gebruik maken van documentatiemateriaal
om zoveel mogelijk naar de realiteit te tekenen. In de klassieke
Europese jeugdstrip van de jaren vijftig en zestig weet het
decor slechts af en toe (bv. bij Jacobs, Cuvelier, Martin) het
niveau van een kleurrijke maar inwisselbare postkaart te
overstijgen. De helden reizen dat het een lieve lust is,
exotische lokaties trekken in een sneltreinvaart aan de blik van
de lezer voorbij. In Franstalige-Belgische strip kan bijna alles
als decor dienen behalve Belgiè. Naarmate de Belgische
uitgeverijen de grote Franse markt beginnen te bespelen,
verdwijnt alles wat te sterk naar Belgiè zou kunnen verwijzen.
Voor de Belgische-Nederlandstalige auteurs ligt dat geheel
anders, zij werken hoofdzakelijk voor het eigen Vlaamse publiek.
Typische Vlaamse locaties duiken regelmatig op in Nero of Suske
en Wiske. De contestatiebeweging van de jaren zestig gaat aan de
strip niet voorbij. Jonge auteurs werpen de oude en beperkende
normen overboord en verkennen vrijelijk nieuwe stijlen en
onderwerpen waarmee een ouder en volwassen publiek wordt
aangesproken. Eén van de gevolgen is dat het lokale karakter van
een strip een kwaliteit wordt: bijvoorbeeld Comès situeert zijn
verhalen in de Ardennen en Servais tekent de landelijke
architectuur van de Gaume-streek. Het decor wordt in de
volwassenenstrip meer dan een ééndimensionaal decordoek op de
achtergrond. Het wordt soms zelf het onderwerp of de motor van
het verhaal. Schuiten en Peeters noemen hun reeks over
imaginaire steden met opvallende architecturale vormen De
Duistere Steden . Sommige hedendaagse auteurs gaan in de
uitwerking van hun decor wel erg ver zoals het maken van hele
maquettes (bv. Bourgeon). In sommige experimentele strips worden
personages helemaal overboord gegooid: zo valt op de 180 platen
van The Cage geen enkel menselijk personage te bespeuren. In dit
beeldverhaal ondergaan alleen landschappen, gebouwen en
voorwerpen voortdurend verrassende metamorfoses. Ook in enkele
hedendaagse Amerikaanse graphic novels en Japanse manga worden
de mogelijkheden van architectuur verkend en beproefd. De
architectuur heeft dus een plaats verworven in de stripwereld en
omgekeerd heeft de strip ook de architecten niet onberoerd
gelaten. In 1985 organiseerde het Franse Architectuur Instituut
's werelds eerste grote tentoonstelling rond architectuur en
strip, Attention Travaux! . Sommige architecten zoals Koolhaas
en Neutelings maken hun plannen in de vorm van een beeldverhaal.
Niemand kan immers tegenwoordig nog doen alsof hij in cultureel
vacuüm leeft. Uitwisselingen tussen verschillende media en
artiesten, wederzijdse bevruchtingen, citaten en cross-overs
nemen alsmaar toe. Stripauteurs laten zich ook door
verschillende media inspireren. De meeste auteurs uit onze
portfolio hebben trouwens een andere dan pure stripopleiding
gekregen. Loustal is architect van opleiding, Hermann studeerde
binnenhuisarchitectuur en Swarte industrièle vormgeving.
François Schuitens vader en broer zijn architect. Terwijl heel
wat stripauteurs (bv. Andreas, Martin...) uit onze selectie met
veel plezier voor architect spelen, voelen anderen zich daar
minder toe aangetrokken en doen beroep op (gespecialiseerde)
assistenten voor het decor: Franquin, Pratt, Vandersteen, Graton...
De manier waarop men in strips met architectuur omspringt is dus
zeer divers. Striparchitectuur kan dan ook vanuit verschillende
standpunten bekeken worden. Eerst zullen we de specifieke
kenmerken en functies van striparchitectuur overlopen.
Vervolgens gaan we wat dieper in op enkele prenten uit onze
portfolio: we analyseren dan stijlvorm bij Swarte, Martin, Tardi,
Breccia, Loustal, Baudoin en Biddeloo. Onze selectie van prenten
beperkt zich tot stripauteurs die bij Nederlandse, Belgische of
Franse uitgevers verschijnen en besteedt vooral aandacht aan de
vernieuwing in de strip sinds de jaren zeventig, de periode dat
architectuur een vooraanstaande plaats ging innemen. Maar er
zitten ook enkele voorbeelden bij van de klassieke Europese
jeugdstrip (Suske en Wiske, Robbedoes en Kwabbernoot, Alex). We
zijn er van overtuigd dat deze port-folio een mooi idee geeft
van architectuur in het hedendaagse striplandschap.
KENMERKEN VAN STRIPARCHITECTUUR
Architectuur in de strip kan maar bestaan als zij op één of
andere manier afgebeeld wordt. Dit lijkt nogal evident maar het
heeft verstrekkende gevolgen. Zo is het perfect mogelijk dat in
het ene plaatje een gebouw staat maar in een volgende plaatje
schijnbaar in het niets opgelost is, zonder dat lezer zich
ernstige zorgen maakt. De striplezer kent deze code: hij weet
dat het decor slechts tijdelijk uit het beeld verdwenen is om
alle aandacht op de handelingen van de personages te richten.
Want dat is één van de problemen die een stripauteur moet
oplossen: hoe tegelijkertijd de actie in een geloofwaardige
ruimte laten afspelen zonder die actie te laten verdrinken in
een al te gedetailleerde omgeving. Wat de tekenaar wint aan
detaillering in het decor, verliest hij gewoonlijk aan
helderheid en leesbaarheid. In tegenstelling tot een schilderij
of foto bestaat een stripplaatje niet op zich maar is een
schakel in een geheel. Hoe complexer een apart stripplaatje
opgebouwd is, hoe minder vlug het zich over het algemeen laat
begrijpen, hoe meer het een vlotte lectuur afremt en dat is iets
wat de meeste stripmakers willen vermijden. Een stripalbum wordt
over het algemeen snel geconsumeerd. Telkens een volledig
uitgewerkt decor neerzetten zou bovendien van stripauteurs
trouwens een extra inspanning vragen.
Maar hoe kan een striptekenaar een vlotte strip maken en
tegelijk voldoende informatie verschaffen over de tijd en ruimte
waarin het verhaal zich afspeelt? Uiteraard kan hij beroep doen
op verklarende tekststroken maar dat maakt een stroevere indruk.
Gewoonlijk zal hij een nieuwe scène laten beginnen met een ruim
overzichtsbeeld, waarin de situatie geschetst wordt. Op die
wijze worden tijd en ruimte aangegeven. Eens dat gebeurd is kan
de actie volop van start gaan: het decor verdwijnt dan meer uit
het gezichtsveld en de klemtoon komt te liggen op de personages.
De stripmaker kiest dan eerder close-ups zodat er geen plaats
overblijft om nog een decor af te beelden. Slechts wanneer het
nodig is (bv. bij de verplaatsing van de personages) verschijnt
het decor weer in beeld. Vandaar dat er weinig strips zijn
waarin op ieder plaatje het decor uitvoerig wordt getekend.
Het feit dat architectuur in de strip slechts een beeld is heeft
ook een aantal voordelen. Zoals reeds werd gezegd hoeft zij niet
op elk plaatje herhaald te worden maar zij kan zelfs van plaatje
tot plaatje veranderen zonder aanwijsbare reden. Alles in een
strip moet van plaatje tot plaatje getekend worden en kan dus
radicaal veranderen. Bij Krazy Kat gebeurt het dat het decor van
plaatje tot plaatje wisselt, terwijl op het voorplan de dialoog
tussen de personages gewoon doorgaat alsof er niets aan de hand
is. Ook in een minder experimentele strip als Astérix zien we
het Gallische dorpje niet alleen van album tot album veranderen
maar zelfs binnen éénzelfde verhaal. De stripruimte is dus een
totaal fictieve ruimte met eigen wetten en regels. Zo hoeft
striparchitectuur niet eens in realiteit te kunnen worden
gebouwd. Zij kan zich zonder verpinken onttrekken aan aardse
wetten zoals die van de zwaartekracht en hoeft zich geen zorgen
te maken over de keuze van de bouwmaterialen. Naar kosten hoeft
een stripauteur ook al niet te kijken. Of hij nu een klein
stulpje tekent of meteen heel het oude Rome reconstrueert, het
kost hem alleen pen en papier en inspanning. De tekenaar
beschikt als een schepper over zijn eigen wereld op papier en
kan er mee doen wat hij maar wil. Zonder problemen kunnen hele
steden platgelegd worden en terug opgebouwd worden. Veel hangt
af van de eigen verbeeldingskracht en tekencapaciteiten (of
vaardigheden om andere beelden te integreren) van de auteur.
In strips maakt men gewoonlijk een onderscheid tussen personages
en decor. Personages zijn dan de mensen, dieren of vreemde
creaturen (robots, buitenaardsen...) die lijken te leven,
terwijl met het decor meestal de 'dode' materie wordt bedoeld.
Maar reeds bij strippioniers als Winsor McCay blijken heel wat
rekwisieten of zelfs hele gebouwen tot leven komen: bekend zijn
de grillige escapades van het bedje van Nemo maar ook hele
huizen kunnen benen krijgen en op de loop gaan.
FUNCTIES VAN STRIPARCHITECTUUR
Architectuur kan verschillende functies vervullen in de strip.
Het is aan de lezer om de lijnen en kleuren op het papier te
interpreteren en daarbij moeten we er van uitgaan dat de lezer
zijn eigen interpretatiemodellen meebrengt.
Interpretatiemodellen worden vaak ook door meerdere personene
gedeeld en zijn van de context afhankelijk. Dat blijkt
bijvoorbeeld uit de evolutie van de antieke gebouwen in de
Alex-reeks. De auteur Martin vertelde in een interview dat de
huidige ruïnes niet volstaan om ons een compleet en precies
beeld te geven van het oude Rome: "De Griekse en Romeinse
tempels waren beschilderd in verschillende kleuren, terwijl wij
ze nu alleen nog kennen in de kleur van de stenen. Lange tijd
wou ik dit verkeerde beeld niet doorprikken van een Rome en
Athene in witte marmer, want ik vreesde dat de lezers het niet
geloofwaardig zouden vinden. Tegenwoordig ga ik echter verder in
mijn zoektocht naar realisme en sinds Het kind van Athene hebben
mijn tempels kleur gekregen. Ik geloof dat ik mij dit realisme
kan permitteren en dat men het trouwens van mij verwacht, in de
mate dat men mij meer en meer beschouwd als een referentiepunt
voor wat met de oudheid te maken heeft." Martin ging er dus
gedurende dertig jaar van uit dat de lezers de werkelijke
historische uitbeelding van de beschilderde tempels niet zouden
aanvaarden omdat ze niet strookte met hun referentiekader,
namelijk de ruwe en ongeschilderde ruines die tegenwoordig
overblijven. Pas in de jaren tachtig geloofde Martin dat het
publiek daar enigszins klaar voor was. Interpretatiekaders
kunnen niet alleen verschillen van van persoon tot persoon maar
ook evolueren in de tijd. Er is bijgevolg een verscheidenheid in
interpretaties en gevoelens mogelijk, de versie van de lezer
hoeft trouwens niet overeen te stemmen met die van de maker.
Striplezen is zoals andere communicatieprocessen geen
eenrichtingsverkeer waarbij een boodschap zonder ruis van zender
naar ontvanger wordt overgebracht.
Een eerste reeks van vijf functies staat in rechtstreeks verband
met de vertelling, terwijl de volgende eerder betrekking hebben
op de plasticiteit van de strip.
1. situering in tijd en ruimte
Architectuur laat toe om de handeling van de personages in een
bepaalde tijd en ruimte te situeren. Heel wat stripauteurs maken
graag gebruik van stereotiepe beelden om een plaats aan te
geven: bijvoorbeeld de Eifeltoren voor Parijs of de Tower Bridge
voor London. Dergelijke alom bekende gebouwen zorgen voor een
vlotte en snelle situering. De tempel van Delphi (Martin) is dan
weer minder gekend bij een breed publiek maar de meeste mensen
zullen hem zonder problemen in de klassieke oudheid situeren.
Evengoed zal het straatbeeld uit De kakkerlakkenkiller vlotjes
met een hedendaagse (Amerikaanse) grootstad geassocieerd worden.
Maar architectuur overleeft vaak de tijd waarin het werd
opgericht. In heel wat Europese steden kunnen we bijvoorbeeld
nog middeleeuwse gotische kathedralen tegenkomen. De Brusselse
grote markt kan je bijvoorbeeld maar in de tijd situeren door
een aantal aanvullende gegevens. Haal je bijvoorbeeld de auto's
uit het beeld weg dan wordt het al een stuk moeilijker om daar
een tijdsperiode op te plakken. De architectuur van de toekomst
of van vreemde buitenaardse culturen is verbazingwekkend
herkenbaar. Mezières, Moebius, Hermann, Bilal en De Crecy
gebruiken allen bekende elementen uit het heden of het verleden
om de futuristische architectuur gestalte te geven. Moebius
grijpt terug naar de piramides van de Egyptenaren en de
Amerikaanse Indianen voor zijn onderaardse tempel op de planeet
Edena. Bilal combineert oude architectuur met nieuwe
futuristische gebouwen in zijn Londen van het jaar 2025. Ook in
de naamgeving van de toekomstige steden zit het verleden
duidelijk verwerkt: bijvoorbeeld De Crecy heeft het over New
York sur Loire.
2 uitdrukking van een of meerdere gebruiksfuncties
Echte architectuur verschilt van gewone kunstvoorwerpen in de
zin dat architectuur in de eerste plaats functioneel is.
Architectuur dient om in te wonen, om in te werken, om zich in
te ontspannen en ga zo maar door. Ook in striparchitectuur
speelt het functioneel gebruik van architectuur een grote rol.
Veel gebouwen 'verraden' alleen al door hun vorm hun
gebruiksfunctie. In één oogopslag interpreteert de lezer het
gebouw bij Franquin/Will als een benzinestation, het imposante
gebouw bij Mézières als een paleis, de piramide bij Moebius als
een cultus-object... Van sommige gebouwen is ons de
gebruiksfunctie niet meteen duidelijk, zoals die raadselachtige
constructie van Swarte. Men herkent er weliswaar een toren in
maar waarvoor het nu precies dient blijft in eerste instantie
onduidelijk. Dat is dan ook de reden waarom Swarte dit vreemde,
modernistisch aandoende bouwwerk meteen op het eerste plaatje
van zijn kortverhaal toont.
3 karakterisering van personage
De ruimte waarin een personage leeft kan zijn of haar
persoonlijkheid aanduiden. In het imposante van paleis bij
Mézières woont vermoedelijk geen gewoon iemand maar een zeer
belangrijk persoon. Het hele album van Andreas draait rond de
figuur van Frank Lloyd Wright. Deze modernistische architect
wordt dan ook ten getypeerd door de talrijke illustraties van
zijn eigenzinnige architectuur. De opmerkelijke woning bij
Bosschaert wijst overduidelijk op een meer dan handige
doe-het-zelver met ecologische gezindheid.
4 aanduiding sfeer
Architectuur drukt ook een bepaalde sfeer uit. Het krot met de
graffiti bij Davison draagt een heel andere sfeer uit dan de
glinsterende wolkenkrabbers bij Hermann. Bovendien bepalen de
(klimatologische) omstandigheden waarin de architectuur wordt
getoond in sterke mate bij tot de sfeerschepping. Het heldere
Italiaanse zonlicht bij Cosey roept een andere atmosfeer op dan
het winterse nachtlicht bij Breccia. Ook Schuiten en Peeters
benutten architectuur om de sfeer aan te geven. De strenge,
rigiede en monumentale vormen van de architectuur van Urbicande
geven aan dat we te maken hebben met een totalitair systeem waar
het individu slechts een nietig onderdeel is. De bewoners van
Urbicande moeten zich schikken naar het systeem dat ze
letterlijk en figuurlijk overstijgt. Hiermee wordt meteen het
volgende punt aangekaard: architectuur die de achterliggende
filosofie duidelijk maakt.
5 aanduiding van het onderliggende idee van een scène of hele
verhaal
Bij Will & Franquin ondersteunt de architectuur heel het
optimistische toekomstbeeld van die strips uit de jaren vijftig.
Zelfs louter functionele en banale gebouwen als een
benzinestation krijgen een bevallige modernistische look: een
lichte constructie met grote vensters aan de voorgevel, ietwat
schuin plat dak en vooral de demonstratieve schuine dwarse
uitsprongen aan de voorgevel. In navolging van Swarte spreekt
men van Atoomstijl waarbij men dan verwijst naar het symbool van
de wereldtentoonstelling in Brussel. Expo 58 consacreerde die
moderne decoratieve architectuur en liet uitschijnen dat de
'gouden tijden' aangebroken waren. Ook de manier waarop een
gebouw in beeld wordt gebracht kan het onderliggende idee meteen
duidelijk maken, onafgezien van welk gebouw wordt afgebeeld. Zo
is de scheve voorstelling van de Parijse Opera bij Varenne een
impliciete aanduiding dat er iets uit balans is, het personage
heeft immers bizarre ervaringen. Bij de piramide van Moebius
lijkt alles daarentegen mooi onder controle te zijn: een
perfecte uitgebalanceerd symmetrische compositie wil die indruk
wekken.
Tenslotte kan architectuur in relatie tot het plastische object
dat de strip is volgende functies hebben:
6 esthetisch object
Een afgebeeld bouwwerk in een strip kan op zich mooi zijn.
Vooral de manier waarop een stripauteur die architectuur in
beeld brengt kan het esthetisch effect in de hand werken.
Uiteraard hangt het van de lezer af of hij het afgebeelde al dan
niet als iets mooi ervaart. Elkeen heeft zijn eigen
waardenpatroon om iets mooi te vinden maar grotendeels is dat
toch cultureel bepaald. Zeker de auteurs die meer met het
penseel werken beogen dit effect. Baudoin, Bilal of Breccia
willen immers niet zozeer een gebouw met al zijn details
afbeelden maar eerder een sterk beeld scheppen door hun grafiek
en vormenspel. Ook het potlood of de tekenpen kunnen een
esthetisch effect uitlokken. Kijk maar eens naar de fijne
weergave van Andreas met kleurpotloden van de Wrights
architectuur. De manier waarop architectuur in de strip wordt
afgebeeld hangt echter niet alleen af van de tekenstijl van de
auteur maar evenzeer van zijn beeldkeuze. Vanuit welk oogpunt
wordt een gebouw getoond. Welke compositie steekt een tekenaar
in zijn plaatje of zelfs in zijn gehele bladschikking. We wezen
reeds op de mooie symmetrische compositie bij Moebius. Ook zijn
subtiel en sober palet zorgt voor een esthetische look.
7. Bepaling van kadrage en plaatopbouw
Als een tekenaar een gebouw in beeld wil brengen dan zal hij
daar in zijn kadrage en plaatcompositie rekening moeten mee
houden. Bepaalde gebouwen vragen door hun eigen vorm en afmeting
een bepaalde kadrage. Bijvoorbeeld de smalle steegjes van het
Italiaanse dorpje met hun grote verticale niveauverschillen
nopen Cosey tot een sterke verticale cadrage. In het algemeen
heeft architectuur een groter kader nodig dan de andere
plaatjes, in sommige strips neemt het zelfs de hele
plaatoppervlakte in (Bilal, Moebius en De Crecy).
8. Meta-voorstelling
De afgebeelde gebouwen van Wright in de strip van Andreas hebben
vaak invloed op andere elementen van de plaat. Nu eens rijmen de
dialoogballonnen met de architecturale vormen, dan weer worden
andere vormen en ideeën doorgetrokken in de strip. In de
illustratie uit de portfolio worden de zuilen in een andere vorm
hernomen in de schilderijtjes aan de wand. Het zijn voorbeelden
van meta-voorstelling, waarbij bepaalde aspecten van het beeld
op zo'n manier gestructureerd worden dat de aandacht van de
lezer verschuift van de betekenis naar bepaalde materiële
kenmerken.
ENKELE VORMELIJKE ANALYSES
Swarte
Swartes moderne gebouwen lijken moderner dan de moderne
architectuur, beweert de Franse striptheoreticus, Bruno Lecigne
Het werk van Swarte citeert andere auteurs (Hergé, Vandersteen,
McManus e.a.) maar zelden op een amechtige louter
bewonderenswaardige manier. Mat Schifferstein ziet één van de
verschillen met de stijl van Hergé in de manier waarop Swarte
zijn decors poogt drie dimensies te geven, terwijl bij Hergé
zowel personages als decor een platte indruk geven: "Swarte
bereikt deze dieptewerking door met name de gebouwen niet
frontaal in beeld te brengen, maar bij voorkeur schuin, zodat
steeds twee kanten van zo'n bouwwerk zichtbaar zijn en dit dus
niet meer 'plat' overkomt. Swarte lijkt de platte wereld van
Hergé niet te willen accepteren. De monochrome inkleuring
verdoezelt hij door in te kleuren met ecoline, waardoor er meer
kleurnuances gevormd worden. Maar, storend genoeg, wendt hij
deze techniek niet aan om volume te suggereren (door van licht
naar donker te gaan)." Bruno Lecigne wijst op het fascinerende
spel met tegenstellingen in Swartes grafiek. Het beeld is zoals
het verhaal alles behalve een stabiel en eenduidig systeem, het
lijkt een onopgeloste strijd te zijn tussen het ronde en het
rechtlijnige. In Een tweede Babel, levert dit fundamenteel
antagonisme van de cirkel en de rechte lijn de dynamiek van het
verhaal op. Bij de toren is de ronde spiraal essentieel, terwijl
in het gekkenhuis alles rechthoekig is (tafel, venster, tegels,
zelfs de taboeretten!). Ogenschijnlijk wil Swartes werk
verleiden maar het is de auteur steeds te doen om het idee
achter de tekening.
Martin
Vormelijk gezien gebruikt Martin nog wel de heldere contourlijn
maar hij wendt op een voorzichtige manier ook arceringen aan,
vooral in zijn decor. Een rij van kleine vlekjes, streepjes,
rechts op de zuilen moeten diepte en ronding suggereren. De
vlakke kleuren wijzen immers eerder op een plat vlak en dat
probeert Martin dan te compenseren met die beperkte arceringen.
Op de sokkel van het standbeeld moeten die kleine streepjes en
vlekjes ook de korrelige structuur van de steen weergeven. In
tegenstelling tot Hergé stopt Martin zijn plaatjes ook meer vol
met allerlei kleine details, die het beeld lijken te
(over)verzadigen.
Tardi
Tardi gebruikt relatief dikke zwarte contourlijnen maar tempert
deze door zijn grijsrasters. Tardi's tekenstijl is een
persoonlijke interpretatie van New York. Het volstaat om zijn
tekeningen te vergelijken met de foto's, die achteraan in het
album zijn afgedrukt. Hoe plat en banaal lijken die foto's niet
in vergelijking met hun karaktervolle tekening. Bovendien draagt
het uiterst selectieve gebruik van de rode steunkleur bij tot de
onwezenlijke sfeer. Het rood maakt trouwens pas op de derde
plaat op een bruuske manier zijn intrede, het contrasteert sterk
met de dominante grijze toon. Vormelijk gezien, isoleert de rode
kleur vooral het hoofdpersonage uit de monotone en kleffe
omgeving van de onmenselijke grootstad. De kakkerlakkenkiller
kon misschien alleen maar in zwart-wit. Het zou allicht moeilijk
geweest zijn om diezelfde morbide sfeer te bereiken met
kleuren. Tardi's keuze voor zwart-wit heeft ook een minder
prozaïsche reden, hij vindt namelijk dat kleur dikwijls slecht
wordt afgedrukt in albums.
Breccia
Wat meteen bij de prent van Breccia in het oog springt is de
grijsgroene sfeer met een grote partij in roze en violet. Geen
enkele kleur schildert Breccia vlak maar voortdurend zitten er
overgangen en oploseffecten in. Het zijn onverzadigde, gedempte
kleuren. De contourlijnen zijn alles behalve recht maar steeds
vervormd. Zelfs gelijkaardige vensters krijgen een zeer
onregelmatige vorm. De huizen schijnen oud en ziek te zijn:
ondanks de stevigheid van de gebruikte materialen lijkt het
alsof ze in elkaar kunnen zakken. De vele schouwen, frontons en
dakvensters hebben iets kneuterigs en nostalgisch. De
lantaarnpalen geven maar een zwak licht af, de schaduwpartij op
het grote gebouw wordt vermoedelijk door een ander, niet nader
geïntificeerd licht veroorzaakt. Ondanks de zwaar bewolkte,
donkere hemel zitten er een paar lichttoetsen op de daken
(weerkaatsing van de onzichtbare maan?). De vreemde vormen,
kleuren en lichtpartijen wekken een sprookjesachtige en
theatrale sfeer op maar het heeft ook iets triest en aards. Het
is zeker geen clichébeeld om een griezelverhaal van Dracula te
beginnen. Breccia brengt dan ook een eigen hedendaagse
interpretatie van de vampiermythe.
Schuiten en Peeters
Voor de architectuur van de fictieve stad Urbicande lieten
Schuiten en Peeters zich inspireren door de monumentale
fascistische en stalinistische bouwwerken en door de
futuristische architectuurprojecten van na de eeuwwisseling.
Urbicande heeft eveneens dat overweldigende van dergelijke
gebouwen. Het maatschappelijk systeem legt op die manier zijn
autoriteit vast in steen. Architectuur en politiek systeem zijn
nogal rechtlijnig en hoekig. De bewoners worden gedwongen zich
binnen strikte regels van het dictatoriale regime te gedragen.
Deze weinig gekende ingekleurde versie verscheen nooit in
albumvorm en werd gemaakt voor de Biennale d'Arte van Venetiè.
In de albumversie wordt de wereld van Urbicande in louter
zwart-wit-tonen opgeroepen. Het ontbreken van de kleuren is
echter geen zwakte want de zwart-wit versie is minstens even
krachtig als de ingekleurde versie.
Loustal
Als Loustal een gebouw tekent dan probeert hij de aanwezige
sfeer te capteren. Hij is niet geïnteresseerd in grootste,
spectaculaire architectuur maar in banale, soms onooglijke
gebouwen: "De tijd nemen om de banaliteit te bekijken, om je in
te leven in een ruimte, om een sfeer waar te nemen, om de
lichtvariaties te observeren, dat werkt op mij als zuurstof."
Loustal is er van overtuigd dat hij in zijn schetsen beter zijn
gevoel van een bepaalde plaats kan vangen dan hij met een
fotocamera zou kunnen. Op de eerste plaats wil hij het licht in
al zijn subtiele nuances schilderen, de kleuren worden vooral in
die functie aangebracht. Zelfs voor een nachtelijke sfeer zoals
op de geselecteerde prent weet Loustal heel wat variaties aan te
brengen binnen het donkergrijs. Elders heb ik dat een
discrimerende belichting genoemd. Het is het licht dat het beeld
structureert: bepaalde delen zijn beter zichtbaar dan andere (bv.
helemaal rechts is het veel donkerder dan links van het
centrum). Lichtbronnen hebben effect op hun omgeving: het licht
uit het huis wordt weerkaatst op het koetswerk van de auto's.
Bovendien laten die schaarse lichtbronnen (lantaarn,
verkeerslicht, licht van binnen de huizen) toe dat het beeld
niet helemaal verstikt in het nachtelijke grijs. Het standpunt
van waaruit gekeken wordt is niet loodrecht op de ingang maar
een beetje van opzij, zodat het geheel niet statisch oogt maar
dat er een subtiele beweging in zit. Ook de manier waarop
Loustal de identieke vensterpartijen telkens weer anders tekent,
geeft het grauwe, stijve gebouw enige dynamiek. Loustal gebruikt
nog wel losse zwarte contourlijnen om zijn gebouwen en personen
te tekenen maar ze worden een beetje opgeslorpt door het rijke
palet. Loustal weet met dit beeld, waaruit bewust ballonnen
worden geweerd, perfect de nachtelijke desolate sfeer van zo'n
New Yorkse straat op te roepen.
Baudoin
De Franse auteur Edmond Baudoin is een meester van de zwarte
Chinese inkt. De penseelstreek moet vooral gevoel uitdrukken,
zegt hij: "Als ik een straat teken is het om een gevoel te
tekenen en niet om alle details weer te geven. Ik wil tekenen
hoe iemand die straat de straat ervaart, wat er in zijn hoofd om
op dat ogenblik omgaat. Ik teken dus niet de straat maar mijn
straat." Zoals de taoïstische schilder, Shitao wil Baudoin de
werkelijkheid niet in stukjes ontcijferen want dat zou een te
steriel resultaat opleveren. De illustratie roept dan ook een
Nice in een zinderend Zuiders licht op. Baudoin's lijnen zijn
nooit loodrecht maar suggereren een snelle, schetsmatige hand.
Het ziet er zeer spontaan uit en zeker niet gekunsteld. Baudoin
spreekt ook van een dialoog tussen hem en de tekens die hij
schildert. "De zwarte trekken die mijn penseel op het papier
maken zenden mij boodschappen waar ik moet op reageren, stellen
mij vragen die ik niet had voorzien, geven onverwachte
antwoorden." Het werk van Baudoin is ook sterk autobiografisch
gekleurd. Vandaar dat zijn woonplaats, Nice, in De Eerste reis
als locatie wordt gebruikt.
Biddeloo
Tot begin jaren zeventig werd in de strip het gebruik van
fotografie en andere beeldvormen met een argwanend oog bekeken.
Foto's konden bijvoorbeeld hooguit als documentatiebron
aangewend worden, want de tekenaars waren als de dood voor het
slaafse kopiëren. Deze vrees werd ingegeven door de oude mythe
van het scheppend individu. Het creatieve werk van de kunstenaar
werd tegenover het mechanisch reproduceren van een fototoestel
geplaatst. In de kunstwereld hadden Dada en Duchamp al decennia
voordien afgerekend met dit verstarde dogma van de scheppende
artiest en de fotografie had een artistiek status gekregen, maar
deze ontwikkelingen waren aan de stripmakers voorbij gegaan. In
het experimentele klimaat van de jaren zeventig grepen een
aantal auteurs zonder verpinken naar de fotografie. Tegenwoordig
is het expliciete gebruik van fotografie ook in de populaire
strip doorgedrongen. In de jaren tachtig deden ook digitale
computerbeelden hun intrede in de strip. Karel Biddeloo verwerkt
in De Rode Ridder-reeks foto's van o.a. middeleeuwse kastelen.
Het bespaart de auteur niet alleen tijd maar het geeft ook een
originele look aan deze klassieke jeugdstrip. Biddeloo vermondt
zijn fotokopieen van foto's niet als tekening daarvoor blijven de
grafische verschillen te duidelijk: de contourlijnen van het
echte tekenwerk contrasteren met de eerder korrelige structuur
van de architectuur. Wel wordt het geheel in een haast
psychedelische kleurgloed ondergedompeld.
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