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http://www.lexpress.ch/loisirs/bdjeuxvideo/bd/2002/joliemerdechine.htm


Les dangers des croisières 
Vous revenez de vacances et les regrettez déjà? 
Alors partez en paquebot sur la «Jolie mer 
de Chine» de Loustal et Coatalem

Sous ses airs de peintre, Jacques de Loustal (né en 56 à Neuilly-sur-Seine) est avant tout un grand voyageur de papier, un homme d’images qui ne peut vivre sans parcourir le monde pour en goûter tous les paysages, tous les visages, tous les personnages. De «Soleils de nuit» à «Kid Congo» (Prix du meilleur scénario au festival d’Angoulême 1998) en passant par le jazzy «Barney et la note bleue», les albums de Loustal (en particulier ceux qu’il a signés avec Paringaux) constituent autant d’invitations au voyage, à l’évasion, à l’exotisme – non sans une note d’humour et de cynisme.
Architecte attiré par l’illustration, Loustal s’est fait remarquer, notamment, par la qualité de ses aquarelles et sa technique du texte «off» placé sous le dessin. Peintre d’instants immobiles plutôt que d’aventures épiques, Loustal aime surtout «La couleur des rêves» (titre d’un recueil de ses meilleurs pastels, mis en texte par Paringaux). 
Après avoir dessiné la couverture de plusieurs romans de l’écrivain-voyageur Jean-Luc Coatalem, grand amateur des mers du Sud, il réalise avec lui l’album «50.000 dinars». Et décide aujourd’hui d’adapter par la bande deux de ses nouvelles, extraites de «Tout est factice», recueil paru chez Grasset en 1995. Deux histoires qui se déroulent à bord du paquebot Palmerston, croisant en mer de Chine, dans les années 30, par 126 degrés Est et 31 degrés Nord.
Dans la première histoire, intitulée «L’acrobate», Gilbert Dragonet, ancien artiste de cirque devenu triste contremaître dans une plantation d’hévéas, accepte une bien curieuse mission: assassiner discrètement la fille de son patron. Mais à bord du navire, les choses ne se passeront pas comme il l’avait pensé…
Dans la seconde histoire, «Arturo Caramajis», Lucien Gruchet, steward depuis sept ans sur le Palmerston, sillonne les mers en faisant presque chaque nuit le même cauchemar: sa cabine est envahie par des pangolins! En escale à Shanghaï, il consulte un célèbre psychanalyste. En vain. De retour à bord la présence d’Arturo Caramajis, père de la nouvelle psychiatrie lui permet d’espérer à nouveau. Mais il ne faut jamais se fier aux apparences… 

Voyageurs d’occasion

Les acteurs de ces récits se ressemblent. Voyageurs d’occasion tourmentés par leur passé, mal à l’aise et sans illusions, ils sont bien loin de Corto Maltese et des codes convenus des récits d’aventure, entre exotisme torride et péripéties sulfureuse. En effet, avec humour et distance, Loustal s’empare de ces codes pour les détourner, se rire du genre et se moquer de l’évasion facile.
Loustal préserve par l’image l’essence des nouvelles de Coatalem; il reste proche des personnages et, par la couleur, donne vie avec élégance aux années trente des colonies et des mers du Sud. Il intègre à la fois des textes descriptifs et des dialogues qui restituent le style de l’écrivain sans jamais être redondant.
«Jolie mer de Chine», comme son titre l’indique, est un vrai-faux récit de voyage qui se moque de lui-même et réussit le tour de force d’être à la fois parfaitement ironique et superbement dépaysant. 

Frédéric Maire

«Jolie mer de Chine», Loustal, Coatalem, éditions Casterman, 2002.


14 août 2002