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Pilote 60 AUTEURS DE BD REINVENTENT MAI 68

Les années 60 : les années Pilote 

Lors de sa sortie en octobre 1959, l'hebdomadaire Pilote propose un journal tout public où l'on trouverait un rédactionnel de qualité et les meilleures bandes dessinées du moment... On peut lire Bison Noir de Guy Bertret, Jacques Ledrain et Lucien Nortier, P'Tit Pat gamin de Paris de Rémo Forlani et Jacques Dagues, Jacquot le mousse de René Goscinny et Christian Godard, Zappy Max de St Julien et Maurice Tillieux, Ivanhoé de Leroy et Antonio Parras ou bien encore le Démon des Caraïbes / Barbe-Rouge, Tanguy et Laverdure, Jacques Le Gall et Guy Lebleu, quatre séries réalistes scénarisées par Jean-Michel Charlier et dessinées par Victor Hubinon, Albert Uderzo, Mitacq et Raymond Poïvet... sans oublier les premières planches d'un duo de Gaulois appelé à un auguste destin : Astérix et Obélix. Pilote propose enfin ses fameux Pilotoramas (des double-pages didactiques mis en images par Jean-Louis Devaux, Louis Murtin ou Henri Dimpre) et le Petit Nicolas, une succession de récits rédigés par Goscinny et illustrés par Jean-Jacques Sempé.

L'hebdomadaire Pilote surprend d'emblée par son professionnalisme et son aspect novateur ; il ne tarde guère à symboliser le renouveau de la bande dessinée française des années 60 et devient le périodique préféré des enfants, puis des adolescents. Si l'on en croit la légende, les 300 000 exemplaires du premier numéro de Pilote se seraient vendus en quelques heures... en réalité, il fallut attendre quelques jours pour en épuiser le tirage !

Jean Tabary crée Valentin le vagabond, Jean Chakir anime Tracassin, en 1963, Jean Giraud s'associe avec Charlier et met en selle Blueberry ; Greg dessine les premiers gags d'Achille Talon ; Cabu donne naissance au Grand Duduche ; Yves Duval et Mic Delinx content les exploits de Buck Gallo ; Christian Godard en fait de même avec Norbert et Kari ; Martial n'est pas en reste avec Tony Laflamme. En 1965, Marcel Gotlib signe les Dingodossiers scénarisés par Goscinny ; Fred donne le jour au poétique Philémon ; Gérald Forton reprend la destinée graphique de Bob Morane, d'après l'oeuvre romanesque d'Henri Vernes ; Nikita Mandryka scénarise ou dessine quelques courts récits sous le pseudonyme de Kalkus. En 1966 et à la suite de la deuxième interdiction d'Hara-Kiri, Gébé et Jean-Marc Reiser conçoivent leurs premières histoires courtes pour Pilote ; Gérard Pradal et Florenci Clavé prennent le large avec l'enseigne de vaisseau Rémi Herphelin. En 1967, Pierre Christin et Jean-Claude Mézières expédient Valérian au fin fond de l'espace ; Jacques Lob et Georges Pichard explorent quant à eux l'univers aquatique de Submerman.

1968

En 1968, René Goscinny alors rédacteur en chef décide d'orienter Pilote vers un public plus âgé et lance les "pages d'actualités" où débuteront bon nombre d'artistes aujourd'hui reconnus comme le regretté Alexis. Parallèlement, Lob et Robert Gigi ouvrent le Dossier des Soucoupes Volantes ; Gotlib se lance seul dans sa Rubrique à Brac ; Avec l'inénarrable Cellulite, Claire Bretécher se fait la zélatrice du féminisme. Apparus à l'origine dans Record et Spirou, Iznogoud de Jean Tabary et Lucky Luke de Morris font une entrée remarquée dans Pilote... les productions scénarisées par Goscinny sont dès lors réunies sous une seule et même bannière, celle d'un journal qui ne tardera pas à "s'amuser à réfléchir".

Autre événement d'importance : la sortie en septembre 1960 du mensuel Hara-Kiri. Placé sous la houlette de Georges Bernier (alias le Professeur Choron) et de François Cavanna, ce magazine dépoussière durablement le genre satirique. On y trouve des photographies et autres publicités détournées, de nombreux textes illustrés... ainsi que quelques bandes dessinées réalisées par Roland Topor, Fred, Jean-Marc Reiser, Cabu, Gébé et Georges Wolinski, très vite rejoints par Pierre Fournier ou Willem. En 1962 - après une première interdiction -, la rédaction du journal passe de la rue Choron à la rue de Montholon et adopte les éditions du Square comme raison sociale. En 1969, ce label diversifie ses activités et propose Hara-Kiri Hebdo, qui sera rebaptisé peu après Charlie-Hebdo... Les éditions du Square publient Charlie Mensuel, une revue inspirée de Linus, un magazine italien apparu quatre ans plus tôt. Tout en proposant diverses productions américaines et britanniques le magazine accorde une place importante à la bande dessinée d'auteur italienne et argentine (Buzzelli, Manara, Crepax, Breccia, Jacovitti, Sampayo et Mu-oz). Charlie Mensuel se veut également un support unique d'expression. Si on y trouve les incontournables Cabu, Wolinski, Gébé et Reiser, quelques séries et histoires complètes dessinées par Georges Pichard, Copi ou Dimitri, le lecteur découvre également les premières planches de Jean-Pierre Autheman, Alex Barbier, Philippe Bertrand, Régis Franc, Golo, Francis Masse, Chantal Montellier, René Pétillon, Alex et Daniel Varenne, Jean-Pierre Autheman, Dominique Rousseau, Charlie Schlingo, Joost Swarte ou Willem. Ouverte à toutes les expériences, Charlie Mensuel s'impose rapidement comme l'une des meilleures revues spécialisées.

Vers une reconnaissance officielle du 9 e art

Tout au long de la décennie, la bande dessinée francophone connaît une importante mutation. Des revues éphémères comme V Magazine, Chouchou ou Pogo, proposent des récits pour adultes conçus par Georges Pichard, Robert Gigi ou Raymond Poïvet. Editeur de Benjamin Peret et des derniers membres du groupe surréaliste, Eric Losfeld se lance lui aussi dans la bande dessinée d'auteur et publie dès 1964 de luxueux ouvrages conçus par Jean-Claude Forest (Barbarella), Guy Peellaert (Pravda la Survireuse, Jodelle - texte de Pierre Bartier), Paul Cuvelier (Epoxy), ou Philippe Druillet (le premier épisode de Lone Sloane), Alain Resnais, Evelyne Sullerot, Jean-Claude Forest, Rémo Forlami, Francis Lacassin, Jean-Claude Romer, Pierre Couperie, Claude Moliterni ou Edouard François militent pour la reconnaissance officielle de la bande dessinée. Le Club des bandes dessinées - fondé en 1962 et rebaptisé le C. E. L. E. G. (Centre d'étude des littératures d'expression graphique) publie la revue Giff-Wiff. En 1966, la S. E. R. G. (Société d'Etudes et de Réalisations Graphiques) se spécialise dans l'étude de ce que l'on appelle désormais le 9 e art. Outre Phénix, l'une des meilleures revues du genre, ce label publie divers albums dessinés par Robert Gigi ou Georges Pichard. En 1967, la S. O. C. E. R. L. I. D. (la Société civile d'études et de recherches des littératures dessinées) conçoit l'exposition "Bande dessinée et figuration narrative" au Musée des arts décoratifs (Paris).

Face à cette émergence de la bande dessinée pour adultes, la presse catholique française tente de résister. En 1962, la Bonne Presse s'associe avec l'éditeur Dargaud et propose le magazine Record, héritier direct du journal Bayard. On y trouve notamment le débonnaire Haroun El Poussah et son ignoble conseiller Iznogoud, de René Goscinny et Jean Tabary - une série accueillie six ans plus tard dans Pilote. De leur côté, Coeurs Vaillants et Âmes Vaillantes se muent sans grand succès en J2 Jeunes et J2 Magazine.

Malgré l'arrivée de nouvelles séries, Spirou est confronté à une grave crise d'identité. La bande dessinée francophone pour enfants n'a pourtant pas dit son dernier mot. En 1965, Greg devient le rédacteur en chef de Tintin et accueille de nouveaux auteurs comme Dany (Olivier Rameau), Dupa (Cubitus), Bob De Groot et Turk (Robin Dubois), William Vance (Bruno Brazil), Eddy Paape (Luc Orient), Claude Auclair (les Naufragés d'Arroyoka, puis Simon du Fleuve), Derib (Go West, puis Buddy Longway), Walter Fahrer (Cobalt) et Hermann (Bernard Prince et Comanche). Rapidement, l'hebdomadaire connaît un regain d'intérêt et conquiert même toute une nouvelle génération de lecteurs. Le journal Vaillant subit également d'importantes modifications. En 1962, le périodique accueille Marcel Gotlib qui propose tour à tour Nanar et Jujube, puis son hilarant Gai-Luron. En 1963, on y retrouve Teddy Ted de Francisco Hidalgo et les As de Greg. En 1969, l'hebdomadaire est rebaptisé Pif Gadget. Les récits à suivre sont dès lors remplacés par des histoires complètes et de nouvelles séries font leur entrée : Corto Maltese d'Hugo Pratt - un personnage apparu dès 1967 dans le magazine italien Sgt-Kirk - et Rahan d'André Chéret.

 

Les années 70 : la décennie de toutes les contestations

BD alternative et Fanzines

Le journal Actuel, fondé en 1970 et représentatif de la contre-culture française, traduit un grand nombre d'histoires issues de l'underground américain et publie quelques récits dessinés par Marcel Gotlib, Francis Masse et Nikita Mandryka.

La bande dessinée alternative se développe également à travers quelques supports plus éphémères comme la Gueule ouverte ou Zinc - on y retrouve les premiers travaux de Soulas, Poussin ou Nicoulaud. Publicness propose pour sa part Eerie, Creepy et Vampirella, trois magazines consacrés essentiellement à la bande dessinée d'horreur en provenance des Etats-Unis ou d'Espagne. Dès cette époque, les fanzines (abrévation de fanatique et magazine) se multiplient et alternent les propos lapidaires, les études sérieuses et des bandes dessinées conçues par des amateurs - dont certains deviendront célèbres, comme Philippe Vuillemin, Bernard Hislaire, Loustal, Yves Chaland, Serge Clerc ou Tito. Parmi les meilleurs titres, rappelons la publication de Haga, Hop !, P. L. G. P. P. U. R. ou Falatoff. Les responsables de ce dernier titre n'en restent d'ailleurs pas là et fondent les éditions Artefact. A leur actif, divers ouvrages consacrés au mouvement alternatif international (Tante Leny Presenteert et Ever Gerardts pour les Pays-Bas, El Vibora, Alphamax et Nazario pour l'Espagne, Hunt Emerson pour la Grande-Bretagne, Musicomix pour l'italie, Shelton et Crumb pour les Etats-Unis..) et des traductions de Lorenzo Mattotti, Mique Beltran, Benito Jacovitti ou Altan. Cette structure propose enfin quelques albums dessinés par les Français Raymond Poïvet (Opus 4) ou Georges Ramaioli (Mado et Maildur - scénario de Durand).

En novembre 1970, à la suite d'un titre provocateur sur la mort du général de Gaulle l'hebdomadaire Hara Kiri est interdit... pour pornographie. Ce qui est en fait une censure politique soulève une impressionnante levée de boucliers de toute la presse. Dès la semaine suivante, bravant l'interdiction, les éditions du Square lancent Charlie Hebdo. Ce périodique ne tarde pas à acquérir une incroyable notoriété, se classant parmi les meilleures ventes de la presse écrite. Dirigé de main de maître par Georges Wolinski, Charlie Mensuel continue d'alterner les rééditions classiques et les créations d'avant-garde. En 1977, Le Square propose B. D., un hebdomadaire en grand format, imprimé sur papier journal, qui accueille des bandes dessinées de qualité (Griffu de Jean-Patrick Manchette et Jacques Tardi, le Goulag de Dimitri ou le Gros Dégueulasse de Jean-Marc Reiser).

Aux côtés des séries classiques, les éditions Dargaud proposent les collections Humour et Fantastique, lancent les périodiques Lucky Luke mensuel et Achille Talon magazine - si ces supports disparaissent après quelques numéros, ils permettent néanmoins de révéler quelques séries comme Jonathan Cartland (de Laurence Harlé et Michel Blanc-Dumont), Alexis McCoy (de Jean-Pierre Gourmelen et Antonio Hernandez Palacios) ou Léonard (de De Groot et Turk). Cabu, Gébé et Reiser rejoignent Charlie-Hebdo et Nikita Mandryka, ralliant avec lui Marcel Gotlib et Claire Bretécher, fonde l'Echo des Savanes, en 1972. Conçue à l'origine comme un simple divertissement, la revue fait en réalité l'effet d'une bombe dans le microcosme bédéphile.

De nouveaux auteurs renforcent l'équipe de Pilote : Philippe Druillet (avec la reprise de Lone Sloane), F'Murr (le Génie des alpages), Jacques Tardi (Rumeurs sur le Rouergue, Adieu Brindavoine), Touïs et Frydman (Sergent Laterreur), Jean Mulatier, Patrice Ricord et Jean-Claude Morchoisne (les Grandes gueules), René Pétillon (Palmer), Jean Solé (les Animaleries, puis Jean Cyriaque) ou bien encore Enki Bilal (quelques histoires fantastiques au ton résolument "lovecraftien").

Confronté désormais à une rude concurrence, Pilote oriente le journal vers une formule plus journalistique avec diverses chroniques signées Jacques Bertrand, Pierre Lebedel, Gilles Lhote et Louis Nucéra, et accueille également à cette époque Gérard Lauzier (Tranches de vie), Régis Franc (Histoires immobiles et récits inachevés), François Rivière et Jean-Claude Floc'h (Albany) ou Annie Goetzinger (la Demoiselle de la Légion d'Honneur). Reste que le désir d'émancipation des auteurs continue d'opérer quelques coupes sombres au sein du magazine. En 1974, Morchoisne et Mulatier créent l'éphémère Mormoil. Un an plus tard, Claire Bretécher donne naissance à ses Frustrés dans le Nouvel Observateur ; Max Cabanes, Régis Loisel, Loro et Olivier Taffin participent à Tousse Bourin. Gotlib fonde Fluide Glacial. Après quelques parutions où l'on retrouve d'anciens dessinateurs de Pilote comme Jean Solé ou Alexis, Fluide Glacial accueille Christian Binet (Kador, les Bidochon), Daniel Goossens (le Messie est revenu, la Vie d'Einstein) ou Edika (diverses histoires mêlant les fantasmes et la démesure).

 

De nouvelles thématiques

 

Science fiction et BD Rock


ROCK ET FOLK: 136 : (mai 1978)

Metal Hurlant Special HOLLYWOOD 1981 

 
En 1975, Jean-Pierre Dionnet, Philippe Druillet et Moebius (Jean Giraud) fondent les Humanoïdes Associés et créent Métal Hurlant. Spécialisé à l'origine dans la science-fiction, ce magazine diversifie par la suite ses thématiques et propose des récits mettant en scène l'univers urbain, le rock and roll - donnant ainsi naissance à ce que d'aucuns désignent sous le nom de "B. D. Rock". Au fil des numéros, une nouvelle génération renouvelle le 9 e art français : signalons ainsi l'arrivée de Jean-Claude Gal, Frank Margerin, Denis Sire, Serge Clerc, Yves Chaland, Ben Radis, Luc Cornillon, Michel Crespin, Loustal, Ted Benoît, Jacques Ferrandez, Daniel Ceppi, Jano, Claude Renard, François Schuiten, Philippe Gauckler et Didier Eberoni. En 1976, les Humanoïdes publient Ah ! Nana, un trimestriel réalisé par des femmes, parmi lesquelles se distinguent Nicole Claveloux, Chantal Montellier ou Marie-Noëlle Pichard. Une interdiction de vente aux mineurs amène pourtant cette revue à disparaître après seulement deux ans d'existence.

 

Rééditions, BD érotiques

Parallèlement, CAP (Centre Audiovisuel de Production) se crée rapidement une image d'éditeur érotique avec des revues comme Bédé Adult, puis Bédé X, Gay Comix, BD Climax et Sex Bulles. Dominique Leroy - l'une des rares femmes de la profession -, se spécialise elle aussi dans la bande dessinée "pour lecteurs avertis". Après Best of Stanton, cette éditrice enchaîne avec divers albums signés Georges Pichard (Blanche Epiphanie, la Comtesse rouge), G. Lévis (Liz et Beth, les Petites filles modèles), Gérard Leclaire (la Famille Freudipe) ou Philippe Cavell (Juliette de Sade, les Mémoires de Fanny Hill).

 

Grande diffusion et expérimentation

Hachette tente également de se positionner sur le marché de la bande dessinée d'auteur. Parallèlement à quelques classiques du 9 e art américain (Flash Gordon, Mandrake ou Prince Valiant), cet éditeur publie en effet les premiers volumes des Naufragés du Temps de Jean-Claude Forest et Paul Gillon ou du Vagabond des limbes de Christian Godard et Julio Ribera. Début 1974, Futuropolis, un éditeur-libraire, lance les deux premiers volumes de sa collection 30 / 40, consacrés respectivement à Edmond-François Calvo et Gir. D'emblée, Futuropolis se distingue de ses confrères par l'originalité de sa production, la qualité de ses maquettes. Au fil des ans, Futuropolis propose la collection Copyright (consacrée aux rééditions de classiques américains et français) et révèle Edmond Baudoin et Jean-Louis Tripp.

 

Un retour au classicisme

Les éditions Glénat lancent Circus en 1975, un magazine mêlant les récits classiques et le ton libéré des premières bandes dessinées pour adultes. Glénat propose rapidement différents recueils issus de sa revue et trouve peu à peu ses marques sur la scène bédéphile française, devenant ainsi l'un de ses principaux éditeurs.

En 1976, Fershid Bharucha s'associe avec les éditions du Fromage, puis Albin Michel, et devient le rédacteur en chef de l'Echo des Savanes -Spécial USA. Albert Uderzo crée les éditions Albert-René - en hommage à René Goscinny disparu en 1977 -, en 1979. Cet éditeur se fixe dès lors deux objectifs : la publication en exclusivité des albums d'Astérix parus depuis 1980 et la gestion des droits mondiaux de son univers dans les domaines de la promotion et des licences.

 

Retour au romanesque

En 1978, Casterman sort le premier numéro d'A Suivre, où domine un ton différent, plus "littéraire". S'inspirant de la Ballade de la mer salée d'Hugo Pratt (considéré comme le premier "roman" en bande dessinée), des artistes comme Jacques Tardi, Max Cabanes, Jean-Claude Forest, Didier Comès, Jean-Claude Servais, José Mu-oz, Milo Manara, Benoît Sokal, Jacques Ferrandez, Jean-Claude Denis et François Schuiten rompent avec la narration classique et s'expriment en toute liberté. A Suivre propose bien entendu de toutes nouvelles histoires de Corto Maltese, conçues par Hugo Pratt. De jeunes artistes arrivent chez Fleurus, comme François Bourgeon, Jean-Paul Dethorey, François Dermaut, Didier Convard ou André Juillard. Le groupe Bayard-Presse publie Okapi en 1971, suivi d'Astrapi, sept ans plus tard, et promotionne de nouveaux auteurs comme Berthommier (Touffu) ou Yvan Pommaux (Marion Duval). Tintin s'oriente vers la bande dessinée réaliste et accueille Claude Auclair (Simon du fleuve), Gilles Chaillet (Vasco), Cosey (Jonathan), Derib (Buddy Longway), Franz (Jugurtha, Lester Cockney) ou Grzegorz Rosinski (Hans, Thorgal).

Dès 1970, Spirou retrouve le succès avec l'apparition d'héroïnes comme Natacha de François Walthéry, Isabelle de Will et Yoko Tsuno de Roger Leloup. Raoul Cauvin devient le scénariste attitré de l'hebdomadaire et élabore les Tuniques Bleues de Salvé et Lambil, Sammy de Berck ou l'Agent 212 de Daniel Kox. En 1977, Spirou publie le Trombone Illustré, un supplément autonome dans lequel on retrouve les talentueux René Hausman, Enki Bilal, Frédéric Jannin, Yvan Delporte, Sirius, Jijé, F'Murr, Roba, Marcel Gotlib et Claire Bretécher. C'est également dans cet encart qu'André Franquin anime ses Idées Noires, une série reprise plus tard dans Fluide Glacial. Spirou lance également la rubrique "carte blanche" et divers jeux où débutent Philippe Bercovici, Marc Hardy, Makyo, Didier Conrad, Yann, Tome, Janry, Frank, Bernard Hislaire et Alain Dodier.

 

Les années 80

Après s'être affranchie de tous les tabous, avoir flirté avec les expériences narratives et graphiques les plus diverses, la bande dessinée fait un retour aux sources. Si le 9 e art possède d'ores et déjà ses lettres de noblesse, ses créateurs sont désormais conscients que le graphisme doit avant tout se mettre au service d'une bonne histoire... l'un des plus bels exemples de cette époque restant le lancement réussi de la série les Passagers du vent de François Bourgeon, chez Glénat. Le fait n'échappe d'ailleurs pas à cet éditeur qui étoffe le contenu de sa revue Circus, à partir de 1980. Tout au long de la décennie, le magazine publie de très nombreuses séries comme les Eaux de Mortelune de Patrick Cothias et Philippe Adamov, le Marchand d'idées de Philippe Berthet et Antonio Cossu, Bob Marone de Yann et Didier Conrad, Grimion de Makyo, le Chariot de Thespis de Christian Rossi, les Ecluses du ciel de Rodolphe et Michel Rouge, Jaunes de Tito, Dans l'ombre du soleil de Colin Wilson ou Sambre de Yslaire. Ce choix éclectique témoigne de la volonté de cet éditeur de se constituer un catalogue et permet surtout à un grand nombre d'auteurs de s'exprimer librement. De 1981 à 1984, Glénat tente également de renouveller la presse juvénile avec Gomme, un mensuel d'où émergent Balade au bout du monde de Makyo et Laurent Vicomte et Percevan de Jean Léturgie et Philippe Luguy. En 1985, il lance Vécu, une revue spécialisée dans la bande dessinée historique, où débutent ou se poursuivent les Chemins de Malefosse de François Dermaut, Louis la Guigne de Frank Giroud et Jean-Paul Dethorey, les Tours du Bois-Maury de Hermann, les 7 Vies de l'Epervier de Patrick Cothias et André Juillard, les Héritiers du soleil de Didier Convard, le Vent des dieux de Cothias et Adamov, les Aigles décapitées de Patrice Pellerin et Jean-Charles Kraehn, Dampierre d'Yves Swolfs, De silence et de sang de François Corteggiani et Marc Males ou Giacomo C. de Jean Dufaux et Griffo, devenus de grands classiques de la BD. Glénat multiplie également ses collections (Circus, Vécu, Caractère, Grafica, Saga, Sale Caractère, Grands Chapitres, le Marquis, Star et Strips, Jeunesse, Humour...).

En 1982, Dargaud reprend la publication de Charlie Mensuel. La nouvelle formule privilégie des scénarios classiques où se mêlent l'exotisme, l'érotisme et le fantastique : Condor de Jean-Pierre Autheman et Dominique Rousseau, Bornéo Joe de Danie Dubos et Georges Pichard, la Quête de l'Oiseau du Temps de Serge Le Tendre et Régis Loisel, Krane le guerrier de Jean-Pierre Gourmelen et Lionel Bret, Thomas Noland de Daniel Pecqueur et Franz, les Inoxydables de Victor Mora et Antonio Parras, le Meneur de chiens et les Mange-Merde de Dimitri, Foc de René Durand et Yves Bordes, Cliff Burton de Rodolphe et Frédéric Garcia, Dick Hérisson de Didier Savard, le Moine Fou de Vink, Harry Dickson de Christian Vanderhaeghe et Pascal Zanon (d'après Jean Ray) et Druuna de Paolo Eleuteri-Serpieri. En 1986 cette deuxième version de Charlie Mensuel fusionne avec Pilote et publie de nouveaux auteurs comme Baru, Philippe Bertrand et François Thomas. Dargaud occupe toujours son rôle de leader au sein de la bande dessinée française, ouvre plusieurs filiales à travers le monde et se lance dans la production de films d'animation et dans l'exploitation des droits dérivés de la bande dessinée. En 1984, son catalogue comporte près de 1 500 titres, produit environ dix millions d'albums, le tout représentant plus de 40 % du marché francophone de la bande dessinée.

A Suivre continue d'être la "vitrine" des éditions Casterman et accueille notamment Tito, Altan, Jean-Marc Rochette, François Boucq, Daniel Ceppi, Jérôme Charyn, Johan de Moor, Francis Masse, Golo, Daniel Torres, François Bourgeon, Loustal, Philippe Paringaux, Grzegorz Rosinski, Philippe Geluck, Jean Teulé, Alex Varenne, Ruben Pellejero, Silvio Cadelo, Attilio Micheluzzi, Vittorio Giardino et Moebius. En 1985, s'inspirant de son modèle italien, Casterman lance également Corto, une revue axée sur le voyage, l'aventure... et l'oeuvre d'Hugo Pratt.

 

L'ouverture d'un marché de collectionneurs

Au tout début des années 80, la bande dessinée devient un phénomène de mode et fait l'objet de toutes les sollicitations. Les publicitaires font appel aux dessinateurs et on parle même d'" esprit B. D." ; la télévision, par l'intermédiaire notamment de Jean-Pierre Dionnet et Philippe Manoeuvre lui consacre l'émission l'Impeccable. Parallèlement aux albums classiques, les éditeurs multiplient les tirages bibliophiles et les produits dérivés (port-folios, cartes postales, sérigraphies et autres objets sont alors légion). En 1981, Magic-Strip lance Atomium, une petite collection où s'illustrent Yves Chaland, Serge Clerc, Stéphane Colman, Luc Cornillon, François Avril, Frédéric Bézian, Philippe Foerster, Daniel Torres, Charles Berbérian, Philippe Dupuy et Dominique Hérody.

Futuropolis crée les collections Hic & Nunc, puis X. La première publie des recueils de Jean-Claude Denis, Edmond Baudoin, Farid Boudjellal ou Jean-Claude Götting ; la deuxième mêle des créateurs accomplis comme Willem, Kent et Florence Cestac et de jeunes auteurs comme Weissmüller, Kafka, Jeanne Puchol, Sylvain Chomet, Jean-Christophe Menu, Chauzy, Pascal Rabaté, Edith ou Stanislas Barthélémy.

 

 Les jeunes labels

Tant en France qu'en Belgique, les "jeunes gens modernes" - pour reprendre une expression employée à l'époque -, se lancent eux-aussi dans l'aventure et créent leurs propres labels : Aedena (une maison placée sous le haut patronnage de Moebius), Ansaldi (plusieurs recueils scénarisés par Jan Bucquoy et dessinés par Santi et Hernu), le Miroir (Lou Cale de Warnauts et Raives, Mauro Caldi de Denis Lapière et Michel Constant, François Jullien de Franklin Dehousse et Martin Jamar), Slatkine (diverses rééditions de l'" âge d'or" du comic-strip américain), Temps Futurs (Aventure en jaune de Yann et Didier Conrad, l'Année de la bande dessinée) ou Trihan (divers port-folios réalisés par Régis Loisel ou Jean-Claude Servais, Tiger Joe de Charlier et Hubinon)...

Créée en 1981, Vents d'Ouest est à l'origine une modeste structure éditoriale. A son catalogue, figurent des artistes comme Vincent Hardy (Insolitudes) et Ptiluc (Pacush Blues). En 1985, cette maison devient une filiale des éditions belges Didier Hatier et ouvre une antenne parisienne. Vents d'Ouest se développe alors rapidement et diversifie ses productions. Aux côtés de rééditions (l'Intégrale des Pieds Nickelés de René Pellos) et d'ouvrages "para B. D." (Astrorire et Cadorire), l'éditeur propose plusieurs séries comme le Soleil des loups de Qwak et Gonnort, l'Epée de Cristal de Crisse et Jacky Goupil ou les Croqueurs de sable de Joly Guth.

Toute médaille a son revers. La multiplication des albums intervenue au milieu de la décennie - des histoires seront parfois disponibles en recueils avant la fin de leur publication -, entraîne une désaffection des revues pour adultes... Métal Hurlant, Pilote, Charlie Mensuel, Corto et Circus seront les premières sur la liste. De phénomène de presse, la bande dessinée française évolue vers un phénomène d'édition. Durant cette période, Fluide Glacial continue pourtant de séduire un large public et propose des histoires courtes signées Jean-Marc Lelong, Philippe Foerster, Maester, Carlos Gimenez, Philippe Dupuy et Charles Berbérian. L'Echo des Savanes est racheté par Albin Michel et expérimente un curieux cocktail où se mêlent l'humour, l'érotisme et la modernité. Parmi les auteurs présents dans cette revue, retenons Philippe Vuillemin, Alex Varenne, Lorenzo Mattotti, Theo van den Boogaard, Martin Veyron, Tanino Liberatore, René Pétillon et Paul Gillon. Après quatre années d'interruption, le Psikopat reparaît en 1989 et se positionne durablement sur le marché de la bande dessinée humoristique et alternative (avec le Chat de Fat Freddy de Gilbert Shelton, Bloodi de Pierre Ouin ou divers récits signés Carali et Edika).

 

Une nouvelle BD juvénile

Les "petits formats" disparaissent également peu à peu - à l'exception notable de ceux consacrés aux super-héros américains. La bande dessinée en format poche n'a pourtant pas dit son dernier mot et des collections comme J'ai lu B. D. ou Pocket B. D. renouvellent le genre en rééditant de grandes séries classiques.

 

Les nouveaux éditeurs francophones

En 1986, l'Essai publie des albums comme l'Enfer du décor d'Ab'Aigre et Croco and Co de Daniel Ceppi. Deux ans plus tard, cet éditeur suisse intègre Source Holding. Ce groupe d'intérêt crée alors les éditions Alpen, axées vers le jeune public. Alpen propose au départ quelques reprises (Pythagore de Job et Derib, Durango d'Yves Swolfs, Léonid Beaudragon de Jean-Claude Forest et Didier Savard..), puis s'oriente vers la création originale avec Victor Levallois de Rullier et Stanislas, Olivier Varèse d'Enrico Marini ou Romain Bataille de Roland Warnauts. Après avoir pris une part active au sein des éditions Blake et Mortimer, Claude Lefrancq fonde sa propre maison en 1986. Celle-ci propose des rééditions (Bob Morane et diverses séries juvéniles d'Albert Uderzo), ainsi que plusieurs collections de facture classique (Détectives, Evasion...). En 1987, le Monégasque Marsu-Productions se spécialise dans la bande dessinée grand public (le Marsupilami d'André Franquin et Batem ; Natacha de François Walthéry). Cette même année, Flammarion ouvre un secteur bande dessinée et publie Maus d'Art Spiegelman, le Journal de Jules Renard lu par Fred, le Tango du disparu de Christin et Goetzinger ou l'Arène noire d'Yves Got.

Toujours en 1987, Mourad Boudjellal pour la France et Vittorio Léonardo pour la Belgique s'associent pour fonder MC Productions, une maison spécialisée dans la reprise de séries issues du magazine Spirou (Boulouloum et Guiliguili, Jessie James et les Centaures). En 1989, MC Productions cède la place aux éditions Soleil. Tout en continuant un temps les rééditions belges (les Petits Hommes de Pierre Seron), Soleil diversifie rapidement sa production et propose des bandes dessinées d'origine hispanique (réalisées par l'Argentin Enrique Breccia ou les Espagnols Manfred Sommer, José Ortiz et Carlos Gimenez), des créations originales (Juif -Arabe de Farid Boudjellal - le frère -, A la recherche du Condor de Félix Molinari, et diverses histoires dessinées par Mathieu, Glaudel et Chaye), des reprises - ou la continuité - de séries conçues par Georges Ramaioli (Zoulouland et l'Indien français) et Yves Bordes (Foc).

Christian Godard et Julio Ribera créent les éditions Vaisseau d'Argent. Parallèlement à leur série le Vagabond des limbes, cette maison propose plusieurs rééditions de Godard (Martin Milan, Norbert et Kari) et fait appel à des dessinateurs reconnus comme Alexandre Coutelis, Carlos Gimenez et Florenci Clavé, ou à de nouveaux venus comme Aouamri (Sylve) et Florence Magnin (l'Autre Monde). Après quatre années d'exercice, le duo interrompt ses activités éditoriales et rejoint les éditions Dargaud.

En 1989, Marya Smirnoff, Michelle Henry et Claude Moliterni - trois autres transfuges des éditions Dargaud -, fondent les éditions Bagheera et poursuivent notamment Druuna de Paolo Eleuteri-Serpieri.

La fin des années 80 reste également marquée par l'ascension de jeunes labels comme Guy Delcourt, Zenda, Rackham ou l'Association. Ne cherchant pas à copier leurs aînés, ces maisons innovent et promotionnent de jeunes créateurs...

 

Les années 90... En route vers le troisième millénaire

 

Les éditions Delcourt

Après avoir officié lui aussi au sein des éditions Dargaud, Guy Delcourt fonde sa propre maison en 1986. Après quelques albums

collectifs (la Bande à Renaud) et des séries comme Aquablue de Thierry Cailleteau et Olivier Vatine ou Légendes des contrées oubliées de Bruno Chevalier et Thierry Ségur, devenues d'incontestables succès de librairie, Delcourt lance plusieurs collections spécifiques comme Conquistador, Terres de légende, Néopolis, Sang-froid et Humour. Aux côtés d'auteurs déjà reconnus comme Andreas, Alex Barbier, Serge Le Tendre, Emiliano Simeoni, Gine, Tronchet, Makyo ou Christian Rossi, son catalogue s'ouvre à de jeunes créateurs tels que Claire Wendling, Michel Plessix, Alain Garrigue, Joël Mouclier, Thierry Robin, Marc-Antoine Mathieu, Turf, Mazan, Taduc, Fabrice Lamy, Mezzo, Lidwine, Fred Simon, Benoît Springer ou Servain. Malgré une production modeste (une quinzaine d'ouvrages par an), Delcourt s'impose par son exigence, et son professionnalisme. En 1996, une exposition à Angoulême et un épais catalogue intitulés la Fabrique Delcourt célèbrent le dixième anniversaire de ses éditions.

 

Les éditions Zenda

Apparu en 1987, Zenda s'oriente tout d'abord vers la production anglo-saxonne. Aux côtés de classiques américains (Prince Valiant, Little Nemo), cet éditeur publie des oeuvres plus contemporaines comme Watchmen (d'Alan Moore et Dave Gibbons), V for Vendetta (de Moore et David Lloyd) ou Liberty (de Frank Miller et Gibbons). Zenda propose par la suite des bandes dessinées françaises, conçues par Ledroit (Chroniques de la Lune noire), Yves Got (le Baron Noir), Eric Herenguel (Carnivores) et Mezzo (les Désarmés). Fin 1991, Zenda passe sous le contrôle du groupe Glénat.

 

Les éditions Rackham

En 1989, Alain David et Michel Lablanquie - deux dissidents des éditions Aedena - fondent leur propre structure, baptisée Rackham. Ils lancent une collection de petits albums en noir et blanc, à la pagination variable, et font appel à une nouvelle génération d'artistes, parmi lesquels se distinguent Thierry Robin, Alain Garrigue, Riff Reb's et Qwak, Pascal Rabaté, Eric Cartier ou Sera. Parallèlement, Rackham propose une collection originale de flip-books (dessinés par Frank Margerin ou Moebius), un format poche (Rackham Poutch) et une revue (Racaille). S'associant par ailleurs avec Vertige Graphic, Rackham publie Sin City de Frank Miller.

 

L'association

Créée également en 1990 par de jeunes illustrateurs comme Jean-Christophe Menu, Stanislas Barthélémy, David Beauchard, Lewis Trondheim ou Matt Konture, fontionnant de manière autonome - y compris pour la diffusion de ses produits -, l'Association ne cesse d'innover tant au niveau du fond que de la forme. Passant de la minuscule collection Patte de mouche aux épais ouvrages de plusieurs centaines de pages (signés Lewis Trondheim ou Aristophane), de sa collection & à la revue Lapin, les collaborateurs de l'Association bouleversent à dessein le récit traditionnel et se veulent l'expression d'une certaine bande dessinée contemporaine, tout à la fois moderne et iconoclaste, en tout point originale.

 

L'émergence des labels indépendants

Rackham et l'Association ne tardent guère à faire des émules et on assiste dès le début de la décennie à l'émergence des "labels indépendants". Parmi ceux-ci, retenons tout d'abord Frigoproduction, un collectif de graphistes bruxellois à l'origine de l'A. S. B. L. Fréon. Thierry Van Hasselt, Vincent Fortemps, Olivier Poppe, Denis et Olivier Deprez, Dominique Goblet ou Paz Boïra alternent ainsi les bandes dessinées et les textes illustrés, et publient leurs travaux dans le bimestriel Frigobox et dans Frigorevue, un livre objet édité chaque année. Les éditions Cornélius proposent quant à elles divers recueils signés par des créateurs confimés comme Robert Crumb, Willem, Dupuy et Berbérian, mais aussi par de jeunes artistes comme Pierre Lapolice, Jean-Christophe Menu, Blutch, David B. ou Lewis Trondheim (ce dernier réalisant notamment Approximate Comix, une succession de récits autobiographiques).

Après l'OEil carnivore, un fanzine éphémère, puis un album chez Vents d'Ouest (Valse dans un seul corps), Yvan Alagbé et Olivier Marboeuf créent l'association D. A. W. (Dissidence Art Work), dans laquelle viennent s'incrire le label d'édition Amok (avec divers recueils conçus par Bastian, Aristophane, Yvan Alagbé, Alain Corbel ou Sylvestre) et une revue de bande dessinée intitulée le Cheval sans tête - signalons que bon nombre de collaborateurs d'Amok sont également présents dans Pelure amère, une petite revue dirigée par Corbel.

Placée sous l'égide des "sudistes" Joan et Eric Cartier - leur atelier étant basé près d'Aix-en-Provence -, Stakhano se spécialise dans l'édition de petits albums à l'italienne, réalisés par ses deux fondateurs, mais aussi par Hunt Emerson, Ptiluc, Kock, Edith ou Riff Reb's. Les Bretons ne sont pas en reste avec Oh la vache !, une association responsable de quelques petits livres illustrés par Michel Plessix, Jean-Claude Fournier ou Lidwine, et d'un Magazine éventuel (!) titré Plein ma brouette.

Dirigés par Marc Pichelin, les Requins Marteaux s'orientent également vers l'auto-édition avec diverses collections intitulées BéDérisoire, Carrément, Dorénavant et Bordure, auxquelles participent Guillaume Guerse, Bernard Katou, Moulinex, Joël Lèbre, Guillaume Bouzard ou Gérard Marty.

Regroupant la fine fleur de la bande dessinée angoumoisine (dont les déjà professionnels Pierre-Yves Gabrion, Mazan, Thierry Robin ou Tiburce), Amazing l'Original se présente sous la forme d'épais petits volumes (format 10 X 15 cm, 144 pages). Toujours en Charente, le label Ego comme X publie une revue homonyme à laquelle collaborent Aristophane, Lefebure ou Lorenzo, issus pour la plupart de l'Atelier bande dessinée de l'Ecole régionale des Beaux-Arts d'Angoulême. Début 1996, ce label publie Journal, le premier album de Fabrice Néaud.

Devant les difficultés à trouver un support susceptible d'être intéressé par ses Contes inachevés de David Watts, Christopher Longé crée sa propre structure intitulée la Comédie illustrée association (C. I. A. !). Outre ses productions, il enchaîne en 1995 avec la collection Tasse de thé, une ballade dans l'univers estudiantin mise en images par Jean-Philippe Peyraud. Tout en continuant la publication de son luxueux fanzine, P. L. G. (P. P. U. R.) propose plusieurs ouvrages de Pinelli.

 

Une nouvelle forme d'expression

L'ensemble de ces réalisations témoignent d'une volonté manifeste de s'écarter des sentiers battus. Réalisées pour la plupart en noir et blanc, pour la vitesse d'éxécution, par envie (Edmond Baudouin, Antonio Cossu, Frédéric Bézian ou Louis Joos figurent parmi leurs références graphiques), mais aussi pour des raisons économiques évidentes, ces oeuvres militent en faveur d'une nouvelle forme d'expression plus libre, mêlant le texte, l'illustration et bien entendu la bande dessinée. Ce mouvement de plus en plus structuré est amené à se développer, en témoigne la première édition d'Autarcic Comix, organisée en 1994 à Bruxelles par Frigoproductions et regroupant la plupart de ces petites structures - signalons qu'Autarcic Comix s'est installé depuis à Paris, au Passage du Nord-Ouest, défini comme un "café littéraire de la bande dessinée moderne".

D'autres maisons d'édition, parfois beaucoup plus classiques, apparaissent à cette époque, comme Hélyode, en 1990.

Des éditeurs généralistes apportent également leur contribution au genre. En 1994, Autrement fait un retour sur la scène bédéphile avec Histoires graphiques. Cette collection se propose d'aborder différents problèmes de notre société contemporaine, traités de manière sérieuse ou ironique, sous la forme de courtes fictions en noir et blanc conçues par divers dessinateurs de bande dessinée. Ceux-ci se transforment ainsi en "romanciers-ethnologues" et planchent sur des thèmes récurrents comme l'Argent roi, le Retour de Dieu, Avoir 20 ans en l'an 2000 et Noire est la Terre (consacré à l'écologie). Cette même année, Stock propose l'Enfant-rêve de Jacques Attali et Philippe Druillet. Visiblement séduit par l'univers de l'illustrateur, cet éditeur en réédite ensuite les principaux ouvrages. Fin 1995, Gallimard réédite la Bête est morte de Calvo. Actes Sud publie Cité de verre, l'adaptation du roman de Paul Auster, mis en images par David Mazuchelli. Le Seuil alterne les albums en format classique, les petits recueils et les ouvrages illustrés par Florence Cestac, Jacques Tardi, Annie Goetzinger, Jano, Bruno Heitz, Fabio, Virginie Broquet, Lewis Trondheim ou Nicolas de Crécy.

Flammarion prend une part active au sein du capital d'A. U. D. I. E. / Fluide Glacial. Ce changement ne modifie en rien le contenu du magazine qui continue d'enregistrer des scores appréciables (environ 80 000 exemplaires de Fluide Glacial sont ainsi vendus chaque mois), fête son vingtième anniversaire en 1995, et ouvre son sommaire à Jean-Michel Thiriet, Patrick Moerell, Blutch, Baron Brumaire, Coyote, Héran, Tronchet, Gaudelette, Larcenet et Ferri. A Suivre publie son 200 e numéro en 1994 et n'hésite pas à accueillir de jeunes artistes comme Chauzy, Nicolas de Crécy, Blutch, Dubois ou Nicolas Dumontheuil. Dans son n° 213, daté d'octobre 1995, A Suivre rend un émouvant hommage à Hugo Pratt et publie Dans un ciel lointain, son dernier grand récit.

L'Echo des Savanes continue d'alterner l'érotisme (beaucoup) et la bande dessinée (un peu) - notons surtout la présence de Jean-Claude Denis, Max Cabanes et Miguelanxo Prado.

Alors que certains prédisaient la disparition à court terme de ses magazines pour adultes, la bande dessinée francophone tente de renouer avec la presse dès le début des années 90. En 1992, Charlie-Hebdo reparaît après onze années d'absence. Publié dès lors par Kalachnikof (!), l'hebdomadaire satirique fait toujours la part belle à Cabu, François Cavanna, Gébé, Siné ou Georges Wolinski, et ouvre son sommaire à Tignous, Bernar, Charb, Riss, Kamagurka, Jacques Tardi ou Lefred-Thouron - absent du sommaire, le professeur Choron ira quant à lui animer Grodada - un drôle de journal pour les plus petits -, en compagnie de Charlie Schlingo. Cette même année, Dargaud publie la Lettre. Sous-titré "l'Officiel de la B. D.", ce bimensuel offre un panorama des dernières tendances bédéphiles et se révèle un outil précieux pour tous les amateurs. Vécu refait son apparition dans les kiosques fin 1994. Publié par le belge Oro Production, Brazil regroupe des récits complets signés Philippe Foerster, Antonio Cossu, Frédéric Bézian, Baloo, Gérard Goffaux et Luc Séverin. En 1995, Vents d'Ouest lance Gotham, un mensuel en noir et blanc où se côtoient les créations francophones (réalisées Pierre-Yves Gabrion ou Crisse) et les traductions étrangères (la britannique Tank Girl d'Alan Martin et Jamie Hewlett ; les argentines Cybersix et Spaghetti Brothers de Carlos Trillo, Carlos Meglia et Mandrafilla). Sous-titrée "Trip Comix", la revue Ogoun ! renoue habilement avec la bande dessinée alternative. L'amateur y découvre les travaux de Christophe Chauzy, Edith, Max, Riff Reb's et Thomas Ott.

Bananas et l'Allumé sortent leurs premiers numéros. Si le premier ne manque pas d'intérêt et n'est pas sans rapeller la première version de Charlie Mensuel - le magazine alterne les traductions américaines et les histoires originales illustrées par Guido Crepax, Edmond Baudoin ou Fabrice Neaud -, le deuxième se révèle un ersatz peu convaincant du Mormoil des années 70. Le fanzine Jade se professionnalise et est dès lors diffusé en kiosque par 6 pieds sous terre éditions.

Confrontés aux difficultés économiques, les éditeurs redéfinissent leurs stratégies et n'hésitent plus à proposer des ouvrages à prix réduit. En 1994, le groupe Dupuis lance l'opération "la BD en fête" et met en vente un million d'albums au prix unitaire de 10,00 FF. L'éditeur belge enchaîne l'année suivante en offrant le premier tome d'une série à tout acheteur des nouveautés Repérages (Largo Winch, Jérémiah ou Jessica Blandy).

En 1995, le Lombard publie ses "Duos B. D.", deux bandes dessinées reliées en un seul volume, présentés tête-bêche de façon à ce que chacune ait sa propre couverture, pour un prix inférieur à celui d'un seul album. Dargaud lance Planète B. D., une collection spéciale reprenant divers titres de son catalogue. Soleil propose quant à lui une série d'ouvrages à 15,00 FF, issus pour la plupart du fonds Vaillant.

Certains ouvrages sont également agrémentés de pages d'esquisses, présentes uniquement dans leurs premières éditions (Théodore Poussin, Soda ou Charly chez Dupuis ; Aquablue et Julien Boisvert aux éditions Delcourt).

Après avoir envisagé d'abandonner les aventures de son petit Gaulois, Albert Uderzo célèbre pourtant le 35 e anniversaire de son personnage, en octobre 1994, et publie un numéro exceptionnel du journal d'Astérix, reprenant diverses planches parues à l'origine dans Pilote, augmentées de quelques pages inédites. Fin 1996, sort également un nouvel album d'Astérix - ce dernier devrait remporter un énorme succès, si on se réfère au précédent, la Rose et le glaive, vendu lors de sa sortie en 1991 à 2 700 000 exemplaires en langue française (auxquels s'ajoutent 3 000 000 d'ouvrages pour l'Allemagne et l'Autriche). Près de quarante ans après son apparition, Astérix s'impose toujours comme le best-seller absolu de l'édition européenne.

Que cela soit sous forme de séries ou d'ouvrages indépendants, les éditeurs s'efforcent de fidéliser leur clientèle et s'attachent à regrouper leurs principaux titres au sein de collections spécifiques.

Notons ainsi le lancement de Génération Dargaud, Roman-B. D. et Long Courrier (chez l'éditeur parisien), de Contre-Champ et Manga (chez Casterman), de 2 heures et demi (chez Glénat), de Signé (au Lombard) ou de Grain de sable, Récits, les Chefs d'oeuvre de la B. D. populaire et les Incontournables (chez Vent d'Ouest).

Autre élément significatif, la réédition de grandes séries sous forme d'" intégrales". Des Légendes des contrées oubliées (Delcourt) à Barbe-Rouge (Dargaud), en passant par Rahan (Soleil), la Trilogie Nikopol (Humanoïdes Associés), le Vent des Dieux (Glénat) ou Sammy (Dupuis), le mouvement semble désormais amorcé et devrait encore se développer dans les prochaines années.

 

La déferlante "Manga"

 

Après quelques essais sans lendemain (citons la revue suisse le Cri qui tue ou Gen d'Hiroshima de Nakazawa, paru dans la collection Autodafé des Humanoïdes Associés), le Manga - un terme japonais désignant à la fois le dessin d'humour, le cinéma d'animation et la bande dessinée -, envahit le marché français à partir du milieu des années 80. Certains éditeurs francophones restent persuadés d'avoir trouvé ici la panacée universelle ; il est vrai que le phénomène prend une ampleur peu commune et on annonce courant 1996 la publication de dizaines de nouveautés tant chez de nouvelles maisons comme Kraken, Samouraï ou Dark Horse France, que chez des éditeurs en place comme Delcourt, Albin Michel, J'ai lu ou Dargaud. Glénat, l'un des leaders du marché, en traduisant Akira, Apple Seed ou Dragon Ball et en publiant la revue Kameha avoue faire aujourd'hui 25 % de son chiffre d'affaires grâce à la bande dessinée japonaise - avec une augmentation de ses ventes de Mangas, en 1995, de près de 300 %. Il faut également souligner le travail entrepris par Tonkam... Dominique Veret, son responsable, n'a en effet pas attendu que le Manga soit au goût du jour pour l'importer par cargos entiers. Non content de proposer la revue Tsunami - la meilleure revue d'études sur le genre -, l'homme se pique d'éditer, lui-aussi, de multiples ouvrages mêlant l'érotisme, l'ésotérisme et la chronique sociale. Tonkam se fait l'habile zélateur de la production japonaise et se targue de nous faire également découvrir d'autres créations extrême-orientales. Après Cyber Weapon Z, une quête existentielle d'un groupe d'adolescents férus d'arts martiaux, en provenance de Hong-Kong, l'éditeur envisage de traduire en 1997 les premiers albums du Javanais Tatsun Hoi, un artiste proche graphiquement de l'Américain Bill Sienkiewicz. Pour information, Angel, une série érotique réalisée par U-Jin et publiée chez Tonkam, fait l'objet d'une interdiction délivrée en 1996 par le Ministère de l'Intérieur.

Le classique Casterman se met lui-aussi au Manga et publie conjointement Gon de Tanaka, l'Habitant de l'infini de Samura ou le poétique l'Homme qui marche de Taniguchi. Ce dernier impose ainsi son univers empreint de douceur et de poésie.. Moebius ne s'y est d'ailleurs pas trompé, lui qui collabore d'ores et déjà avec cet auteur sur la série Ikare. Par un juste retour des choses, Casterman propose d'épais recueils prépubliés à l'origine dans l'hebdomadaire nippon Morning et réalisés par Alex Varenne (Kiro), Michel Crespin (Elie) ou bien encore Baru dont l'Autoroute du soleil a été salué lors du dernier festival d'Angoulême... en tant que meilleur album francophone de l'année ! Par le biais du Manga, les auteurs français de bande dessinée peuvent ainsi accéder au marché asiatique et à ses millions de lecteurs potentiels.. Ce fait mérite tout de même d'être pris en compte !

Il apparaît loin le temps où la bande dessinée était considérée comme un simple divertissement pour enfants, comme un genre un peu honteux. Selon un sondage IFOP datant de 1994, 90 % des Français considèrent la bande dessinée comme une pratique culturelle à part entière. L'année 1996 s'ouvre pourtant sur une controverse. Fallait-il fêter le centenaire de la bande dessinée en prenant pour référence l'apparition des premières bulles dans Yellow Kid, une série américaine imaginée par Richard Felton Outcault pour le New York Journal, où bien doit-on considérer Rodolphe Töppfer comme le véritable "inventeur" du genre - pour la petite histoire, 1996 marque également le cent cinquantenaire de la disparition de ce dernier ? Plutôt que de se quereller sur des dates, il convient d'établir des filiations, de montrer que chaque événement artistique s'inscrit dans un ensemble. Si aujourd'hui le 9 e art existe, c'est bien entendu grâce à Töppfer et à Outcault, mais aussi grâce à Alain Saint-Ogan et Hergé, à René Goscinny et Philippe Druillet, à des revues comme Pilote ou l'Echo des Savanes, à des éditeurs comme Delcourt ou l'Association, à tous ceux qui n'ont cessé d'innover, de se remettre en question. Pour reprendre la phrase de Dominique Petitfaux (voir Libres propos dans le Collectionneur de bandes dessinées n° 78, 1995) : "La bande dessinée continue à naître"

 

(orginal lien: http://www.afaa.asso.fr/c-15/15--007-.htm) fini !!! 

 

 

---------------------- Pour le chapitre Auteurs --

Enki Bilal

Né à Belgrade, en 1951

Arrivé en France à l'âge de dix ans, Enki Bilal fait son entrée à Pilote en 1972 avec quelques histoires courtes inspirées par l'univers de Lovecraft. Trois ans plus tard, il succède à Jacques Tardi sur les Légendes d'aujourd'hui, des récits mêlant la politique-fiction et le fantastique, scénarisés par Pierre Christin - citons la Croisière des oubliés (1975), le Vaisseau de pierre (1976), la Ville qui n'existait pas (1977) et les Phalanges de l'ordre noir (1979).

Parallèlement, il collabore à Métal Hurlant avec Crux Universalis et Exterminateur 17 (sur un texte de Jean-Pierre Dionnet). Sur ses propres scénarios, il entreprend ensuite la trilogie Nikopol (la Foire aux Immortels, la Femme piège, Froid Equateur).

A partir de 1983, il retrouve Christin le temps d'une Partie de chasse, suivie de Los Angeles et Faits Divers (ces deux derniers recueils réalisés selon la technique de la photo retouchée et détournée).

S'éloignant progressivement de la bande dessinée, il pratique l'illustration (l'Etat des stocks - Hors-Jeu, texte de Patrick Cauvin - Images pour un film, d'après la Vie est un roman d'Alain Resnais...), la peinture (Bleu-Sang, en 1994) et la mise en scène cinématographique (Bunker Palace Hôtel, en 1989 £ Tykho-Moon, en 1996).

Jacques Tardi

Né à Valence, en 1946

Après ses études artistiques à Lyon, puis Paris, Jacques Tardi entre à Pilote, en 1970. Après quelques récits complets, il s'associe en 1972 avec Pierre Christin et entreprend Rumeurs sur le Rouergue, premier volet desLégendes d'aujourd'hui. Cette même année, il conçoit Adieu Brindavoine. Parallèlement, il s'essaie un court temps au western et, sur des textes de Claude Verrien, dessine Blue Jackett, puis Cheval Gris, dans Record et dans le mensuel Lucky Luke.

En 1974, il illustre le Démon des glaces et la Véritable histoire du soldat inconnu, deux histoires parues directement en recueils chez Dargaud et Futuropolis.

A partir de 1975, il multiplie ses collaborations et réalise diverses histoires courtes pour Libération, Charlie Mensuel, l'Echo des Savanes ou Ah ! Nana.. certains de ces récits seront repris dans l'album Mouh-Mouh, aux éditions Pepperland.

En 1976, en compagnie de Picaret, il entreprend Polonius dans Métal Hurlant. Cette année-là, il prépublie également le premier épisode d'Adèle Blanc-sec, dans le quotidien Sud-Ouest - une série éditée en albums, chez Casterman.

En 1977, il apparaît dans l'hebdomadaire B. D. avec Griffu, un polar contemporain scénarisé par Jean-Patrick Manchette.

Un an plus tard, il figure au sommaire d'A Suivre, avec Ici-Même, un long récit rédigé par Jean-Claude Forest.

A partir de 1981, toujours dans ce mensuel, il adapte Nestor Burma en bande dessinée (d'après les romans de Léo Malet, puis sur ses propres textes - Brouillard au pont de Tolbiac, 120, rue de la Gare et Casse-pipe à la Nation se verront notamment mis en images). Il y signe également C'était la guerre des tranchées, Tueur de cafards (un récit scénarisé par Benjamin Legrand) ou Jeux pour mourir (d'après l'oeuvre de Géo Charles Veran).

En 1984, il publie le Trou d'obus aux Imageries Pellerin, suivi un an plus tard par Mines de plomb et Chiures de gomme, deux recueils de dessins chez Futuropolis. Fasciné par l'oeuvre de Louis-Ferdinand Céline, il réalise à partir de 1988 les illustrations du Voyage au bout de la nuit, de Casse-Pipe et de Mort à crédit pour Futuropolis \/ Gallimard.

En 1990, il rédige Rue des rebuts, son premier roman édité chez Alain Beaulet. Cette année-là, la galerie Escale à Paris expose quelques-unes de ses toiles (reproduites dans le recueil En banlieue). Tout en continuant la bande dessinée, il s'associe avec Michel Boujut et illustre diverses chroniques cinématographiques dans Charlie-Hebdo et A Suivre (certaines seront reprises en 1995, dans Un strapontin pour deux, aux éditions Casterman).

---------------------- Pour le chapitre Techniques

Techniques de BD : La bulle

Le phylactère est, dans la bande dessinée, un des moyens d’expression du personnage. La bulle ou le ballon est le tracé qui englobe le discours. Le tracé peut-être régulier (rond, rectangulaire ou ovale) ou fantaisiste. La bulle fond le texte dans l’image, elle marque la frontière entre le visuel et le textuel : l‘œil du lecteur va alors glisser de l’image au texte et vice versa.

Le rôle graphique de la bulle évolue en fonction de la tonalité du discours : elle explose sous la colère, se décompose avec la tristesse, déborde de la case…

La bulle contribue à créer une ambiance sonore particulière.

---------------------- Pour le chapitre Genres

Dessin satirique

Dessin satirique, pamphlet en image, charge, humour graphique, caricature, graphisme contestataire; des expressions relativement nombreuses et assez imprécises permettent de multiplier les distinctions, les classifications; de prolonger les disputes sur l’appartenance de telle œuvre à l’une ou à l’autre catégorie. Le travail d’un producteur (Daumier par exemple) peut alors être mis en pièces, écartelé entre diverses "classes". Il paraît préférable de ne pas risquer ces aventures scolastiques, où le rire, chassé des dessins étudiés, vient se moquer du sérieux de l’étude. Un champ se dévoile d’abord dans son unité: celui des dessins destinés à faire rire ou sourire. Ce champ se définit par trois caractères essentiels.

D’abord, il est extrêmement riche. L’agression graphique constitue un domaine très incomplètement étudié, mais complexe. Dans les graffiti des murs, dans certaines bandes dessinées, dans des images avec ou sans paroles, dans les journaux politiques, sportifs ou artistiques, l’humour graphique affiche ses manifestations. Une partie d’entre elles, trop liée à une actualité courte, cesse très vite d’être compréhensible et drôle. Une autre part survit à l’événement qui en a été la cause occasionnelle. Face à cette variété, à cette multiplicité, il est difficile d’établir des coupures historiques. Il est téméraire aussi de tenter des pronostics. Au moment même où les recueils de dessins humoristiques foisonnent et trouvent un public, bien des critiques prophétisent encore la mort du genre qu’ils étudient.

Ensuite, le comique dans les arts plastiques met en cause certaines conceptions traditionnelles de l’art. En des rapports complexes, il enchevêtre les figures et les mots; il lie, sans les hiérarchiser, le littéraire et le figural. En outre, il se diffuse dans la rue, auprès des personnes les moins "cultivées"; il n’exige pas le musée ou la galerie; il n’est pas consommé par une contemplation lente et subtile, propre aux connaisseurs. De plusieurs manières, il s’attaque à l’opposition traditionnelle du beau et du laid: souvent il utilise (volontairement ou non) un graphisme fruste; il privilégie les scènes triviales, les gestes inélégants, les déformations. La haine, la violence qui s’y traduisent sont bien loin de la sérénité, du désintéressement traditionnellement prêtés à la production et à la consommation esthétiques.

Enfin, ce domaine peut être organisé assez aisément selon les objets auxquels s’attaque le dessin satirique. De quoi rit-on? Contre qui, contre quoi l’arme du rire est-elle braquée? Une étude du comique dans les arts plastiques se présente soit comme le plan d’un gigantesque chantier de démolition, soit (pour employer une autre métaphore) comme un court traité des mires et des cibles.

 

---------------------- Pour la bibliographie générale

Bibliographie - Ouvrages généraux

La bande dessinée, Benoît Peeters, Flammarion, coll. "Dominos", 1993.

Dictionnaire mondial de la bande dessinée, Patrick Gaumer & Claude Moliterni, Larousse, 1994.

Le guide de la bédé francophone, Yves Frémion, Syros Alternatives, 1990.

Trésors de la bande dessinée, Bera, Denni et Mellot, éd. de l'Amateur, remis à jour tous les deux ans (dernière édition 1997/ 1998).

Répertoire professionnel de la bande dessinée francophone, Centre National de la Bande Dessinée et de l'Image; 5 e édition : janvier 1996.

La bande dessinée, Didier Quella-Guyot, Hachette, coll. "Qui, quand, quoi?", 1996.

Théorie et pédagogie de la BD Case planche récit, Comment lire une bande dessinée, Benoît Peeters, Casterman, 1991.

Lire la bande dessinée, Pierre Masson, Presses Universitaires de Lyon, 1985.

Pour une lecture moderne de la bande dessinée, Jan Baetens & Pascal Lefèvre, Centre Belge de la Bande Dessinée, 1993.

Cinéma et bande dessinée, CinémAction hors série, Gilles Ciment (dir.), Corlet-Télérama, été 1990.

La bande dessinée : le temps des bulles, "Textes et documents pour la classe" n° 708, janvier 1996 (CNDP ; rédaction : 31 rue de la Vanne, 92541 Montrouge Cedex).